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Tout ce qui est possible techniquement est-il pour autant légitime ?

Extrait du document

« Définition des termes du sujet: LÉGITIME: Caractère de ce qui est conforme à l'équité, aux principes supérieures du droit ou de la morale.

On oppose légitime et légal.

Ainsi, ce que prescrivent des lois despotiques ou racistes peut être légal sans être pour autant légitime cad conforme au droit naturel. TECHNIQUE Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.

La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle s'en distingue puisque la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.

La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir. Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis, et non des dons ou capacités innées. La distinction du fait et du droit relève de ces premières vérités connues primo et per se.

Qu'il soit possible de cambrioler un chétif retraité quoique illégitime de le priver de la possession et de la jouissance de ses biens, voilà ce que chacun accordera.

Le concept de légitimité — plus radical que celui de légalité — réfère à ce qui transcende la loi positive et renvoie à la loi non écrite.

Est légitime ce qui est conforme au droit naturel.

Cette différence que fait immédiatement toute conscience nous assure que les performances techniques, telles que les armes biologiques ou les vibrateurs sexuels, sont intrinsèquement condamnables.

Le possible et l'impossible ne recouvrent pas le permis et l'interdit, pas plus que l'inéluctable n'équivaut à l'obligatoire. Il serait néanmoins déplacé de calquer la règle du développement technique sur celle de la morale.

La technique s'enquiert des moyens efficaces à mettre en oeuvre pour nous faciliter la vie.

La morale, pour sa part, assigne les fins à poursuivre et les devoirs à pratiquer.

Si l'impératif catégorique n'a que faire de l'expérience, les impératifs de l'habileté sont commandés par elle.

Aussi les limites du faire sont-elles inscrites dans le faisable, seuls les échecs de la pratique pouvant marquer les bornes du techniquement autorisé. Cette dichotomie entre praxis et poiesis est toutefois aussi simpliste que perverse.

Car, enfin, c'est un seul et même homme qui est sujet du devoir et technicien.

Si donc la possibilité pure et nue était le seul critère de légitimité en matière technique, celle-ci échapperait à l'ordre du juste et de l'injuste et la question de la technique ne serait pas une question humaine. Comment cependant maintenir la différence entre possible et légitime sans court-circuiter les problèmes proprement techniques et les résorber dans ceux de la morale? Comment juger moralement de la technique sans la supprimer en tant que telle? 1.

Est permis tout ce qui n'est pas défendu Le mariage harmonieux des fins qu'arrête le moraliste et des moyens que découvre le technicien suppose que ces deux hommes s'épaulent l'un l'autre.

Or il est logique que ce soit à l'éthique de prendre les devants et de subsumer les innovations techniques sous l'idéal de la raison pratique.

La fin reste première dans l'intention.

Prenons les problèmes de la biotechnique.

De façon générale, le principe moral qui peut servir de limite théorique à ne pas dépasser tient tout entier dans la formule kantienne: « Agis de telle façon que tu traites l'humanité dans ta personne et dans celle d'autrui toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen» (Fondements de la métaphysique des moeurs, section 2).

Le respect de la dignité de l'homme ainsi affirmé vaut pour tous les domaines où s'exerce l'activité du biologiste et du médecin.

Concrètement le précepte kantien se déploie en trois règles: «La première est que l'on ne doit pas expérimenter sur une personne sans son consentement libre et informé [...] ; la seconde [...] – primum non nocere — qu'on ne fasse pas à autrui ce que l'on n'accepterait pas pour soi-même ou pour ses proches [...] ; la troisième [...] que les contingents de sujets de recherche biomédical ne soient pas toujours puisés dans la même population sans défense, comme ces malades pauvres des hôpitaux publics» (A.

Fagot-Largault, Bulletin de la Société française de philosophie).

Tout ce qui se pratique techniquement dans ce cadre se trouve par là même légitimé. Cette exigence éthique ne risque pas de brimer la liberté de la pensée instrumentale.

Elle l'oriente au contraire, la canalise et lui donne toute sa force : «L'art vit de règle et meurt de liberté.» De même que la troisième maxime de la morale provisoire de Descartes ne nous dispense aucunement d'éprouver nos pouvoirs, de même est-ce par la résistance que la nature nous oppose que les limites du techniquement légitime nous sont indiquées.

En effet, «tâcher plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs que l'ordre du monde, et généralement m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées» n'est une invite à l'inaction et à la résignation que pour ceux qui ne lisent pas la suite : «en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible» (Discours de la méthode, 3' partie).

Si c'est à la morale de nous enseigner à nous tenir contents dès qu'on a fait tout ce qu'on peut, c'est à l'expérience et à nos tentatives de nous révéler ce dont on est capable.

Aussi ne peut-on légiférer a priori dans le domaine de la technologie pour la raison bien simple que rien n'y est déterminable a priori comme bon ou mauvais.

L'absolu qu'est la personne laisse à découvrir, par expérimentation, le vaste domaine de la naturalité en l'homme.

Comment savoir si la rectification d'un oeil était «permise» et compatible avec sa dignité participée sinon en constatant qu'elle a été possible et a fait effectivement mieux voir ceux que la nature avait négligés? Comment savoir si libérer l'énergie de l'atome par sa désintégration est «permise» si ce n'est en expérimentant les multiples usages que l'on peut faire de cette énergie au service de l'humanité? Comment enfin savoir si les manipulations. »

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