Tous nos raisonnements sont-ils démonstratifs ?
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«
En établissant les distinctions précédentes, nous avons dégagé la force de la démonstration : sans doute ne faitelle pas la vérité d'une proposition quant au fond, mais elle assure la validité du raisonnement quant à la forme.
Ainsi
manifeste-t-elle le pouvoir de l'homme qui, à partir de sa seule raison, peut penser correctement et avec justesse.
Est-ce à dire que tous nos raisonnements sont susceptibles d'être démonstratifs ? Hume souligne au contraire que
nos raisonnements portant sur les faits ne le sont pas.
Le fameux exemple qu'il utilise consiste à dire que nous ne
pouvons pas démontrer que le soleil se lèvera ou ne se lèvera pas demain.
Si l'évidence de la levée du soleil nous
empêche de penser que celle-ci pourrait ne pas advenir, ce n'est pas en raison d'une démonstration rigoureuse, mais
en raison d'une simple inférence à laquelle nous sommes à ce point accoutumés que nous ne doutons pas de la
relation de cause à effet entre un fait et un autre.
Ainsi, « la connaissance de cette relation n'est acquise en aucun
cas par des raisonnements a priori ; mais elle vient uniquement de l'expérience, qui nous montre des objets
particuliers dans une liaison constante.
» L'expérience qui montre n'est donc pas moins riche de connaissance que la
démonstration qui s'attache aux raisonnements a priori (c'est-à-dire indépendants de toute expérience).
Pour Hume,
nos raisonnements dit démonstratifs sont d'ailleurs largement issus de cette expérience qui nous accoutume, par la
répétition, à une telle « liaison constante » entre les faits, que nous concluons parfois avec trop de hâte à un lien
de nécessité logique et a priori.
Quel lien peut-il y avoir entre nos raisonnements et la démonstration ? Une dé/monstration, c'est le fait de montrer
en expliquant, en disséquant le phénomène dans le but de faire comprendre quelque chose ou de convaincre
quelqu'un.
La démonstration semble donc mettre en lien deux personnes : celle qui explique le fonctionnement
logique du phénomène et celle qui écoute et qui tente de comprendre ce même fonctionnement logique.
Les
termes : ‘Nos raisonnements' dénotent une certaine individualité.
Comment nos raisonnements personnels
pourraient-ils être démonstratifs (échange) ? Et par ailleurs, est-ce que dans leur fonctionnement interne nos
raisonnements procèdent par démonstration ? Est-ce que lors de nos réflexions nous disséquons toutes les étapes
du processus afin de nous convaincre du bien fondé de ce raisonnement ? Une définition plus précise de la
démonstration nous montre qu'elle est un mode de raisonnement qui consiste à faire suivre de prémisses admises ou
déjà démontrées une conclusion nécessaire.
Le point commun entre nos raisonnements et la démonstration serait
donc la logique ?
I.
Tous nos raisonnements sont démonstratifs.
Blanché nous explique que tous nos raisonnements sont démonstratifs.
Cette assertion ne veut pas dire que tous
nos raisonnements grâce à la démonstration sont vrais.
En effet la forme de nos raisonnements procède par
démonstration, même si le contenu de la formule est faux.
Il donne cet exemple : « tout trilatère est triangle ».
Cette proposition est valable bien que les deux parties soient fausses.
Ainsi l'on comprend que tous nos
raisonnements, pour être tels, doivent rentrer dans un moule.
Il existe des formules toutes faites comme le rapport
d'égalité ou le syllogisme ; il suffit donc juste de remplir les blancs pour établir un nouveau raisonnement.
Ainsi tous
les raisonnements sont démonstratifs si l'on a le bon moule.
Si le moule (la formule logique) est erroné, alors il n'y a
pas de raisonnement mais une divagation non fondée dont la réflexion qu'elle entraîne est inutile puisque ne
s'avérant jamais effective.
Mais alors, cette conception pose problème, en effet aussi bien nos raisonnements que la
démonstration sont des processus qui ont pour but de nous faire connaître la vérité.
Comment dans un tel cadre
pouvons-nous tolérer ou appeler raisonnement ou démonstration des énoncés et des réflexions qui conduisent vers
l'erreur et le faux ?
II.
Tous nos raisonnements ne sont pas démonstratifs.
Les responsables ? Les faits.
Hume montre bien que le moule ne suffit pas, car il ne peut y avoir de
raisonnements démonstratifs sur les faits.
Les raisonnements démonstratifs,
qu'ils procèdent par induction ou déduction, ne peuvent concerner les faits
car la relation logique de cause à effet ne fonctionne pas.
Elle est uniquement
créée par l'habitude qui l'entretient.
Ainsi, le raisonnement qui me fera dire :
‘Le soleil se lèvera demain, car il s'est levé tous les matins de ma vie' n'est
pas démonstratif.
Il provient de l'habitude qui née de la répétition de
l'expérience.
Il n'y a aucune logique et aucune certitude, or comme nous
l'avons dit, la démonstration cherche à présenter des résultats nécessaires,
autrement dit qui ne peuvent qu'avoir cours.
Ici, la conclusion du
raisonnement par habitude n'a strictement rien de nécessaire ; c'est une
hypothèse non fondée et non garantie.
Ainsi, nous comprenons que sans
logique conduisant à un résultat nécessaire, il n'y a aucune démonstration
possible.
Mais alors, si le raisonnement démonstratif ne peut pas concerner
les faits, est-il encore applicable ?
"Le soleil ne se lèvera pas demain, cette proposition n'est pas moins
intelligible et elle n'implique pas plus contradiction que l'affirmation : il
se lèvera.
Nous tenterions donc en vain d'en démontrer la fausseté.
Si
elle était démonstrativement fausse, elle impliquerait contradiction et.
»
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