Tous les êtres vivants peuvent-ils se réduire à un mécanisme ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
ÊTRE: Du latin esse, « être ».
1) Verbe : exister, se trouver là.
En logique, copule exprimant la relation qui unit le prédicat au sujet (exemple :
l'homme est mortel).
2) Nom : ce qui est, l'étant.
3) Le fait d'être (par opposition à ce qui est, l'étant).
4) Ce qu'est
une chose, son essence (exemple : l'être de l'homme).
5) Avec une majuscule (l'Être), l'être absolu, l'être parfait,
Dieu.
VIVANT: L'être vivant est un organisme.
Il n'est pas constitué d'une juxtaposition de parties ajoutées les unes
aux autres.
Ces parties forment un tout car elles sont interdépendantes (le fonctionnement d'une partie est
tributaire de celui des autres) et paraissent toutes participer à une fin commune : le maintien de l'être vivant en vie.
Parce qu'il est un organisme, l'être vivant est un organisme.
Tout être vivant est un individu au sens où il forme une
unité distincte, ne ressemblant exactement à aucune autre, qui ne peut être divisée sans être détruite.
Leibniz au
XVII ième avait énoncé l'existence d'un principe, nommé principe des indiscernables, selon lequel il n'y a pas deux
êtres identiques dans la nature.
Qu'est-ce qui différencie les organismes vivants des choses naturelles ou objets fabriqués ? Jacques Monod,
généticien, prix Nobel de médecine en 1965, retient dans Le hasard et la nécessité trois critères qui doivent être
présents simultanément dans un être pour que celui-ci puisse être qualifié de vivant.
Le premier est la téléonomie (du grec télos : fin et nomos : loi).
L'être vivant est toujours un être qui, pris dans son
ensemble ou chacune de ses parties, répond à une fonction, donc apparemment à une fin.
Du point de vue de
l'ensemble, l'être vivant semble "fait pour" se perpétuer.
Se perpétuer lui-même, du moins le temps nécessaire à la
reproduction, et perpétuer son espèce.
Du point de vue de chacune des parties, ces dernières semblent "faites
pour" accomplir telle ou telle fonction.
L'oeil est "fait pour" voir, la langue du fourmilier "pour" attraper les fourmis ...
comme si une fin à réaliser était à l'origine de chaque organe, comme si la fonction créait l'organe.
Le second critère retenu par Monod est la morphogenèse autonome (du grec morphé : forme et genesis
développement).
L'être vivant est en relation constante avec un milieu extérieur ; néanmoins, le processus de
formation et de développement d'un être vivant est indépendant du milieu extérieur.
Même si, pour son entretien et
sa croissance, un organisme vivant a besoin d'assimiler des substances étrangères (nourriture, oxygène, gaz
carbonique, etc.), même si, sans ce type de relations la vie ne pourrait ni exister, ni se développer, toujours est-il
que sa forme et sa croissance sont régies par une programmation interne qui n'est pas le résultat des forces
extérieures qui s'exercent sur l'être vivant.
Par exemple, un poisson rouge ne peut survivre sans eau et daphnies,
mais aucune force physique ne peut transformer ce dernier en éléphant.
Les manifestations principales de cette
morphogenèse autonome sont l'auto-formation, l'autorégulation et l'auto-réparation.
Cette dernière, bien qu'elle ne
concerne pas tous les organes, s'étend cependant à un nombre infini d'agressions et de blessures.
C'est ainsi que
l'écorce du pin entaillé se refait, que la pince du crabe repousse et que les blessures se cicatrisent.
Le troisième critère est l'invariance reproductive.
Les êtres vivants se reproduisent.
En outre, cette reproduction est
marquée par l'invariance, soit complète en cas de reproduction par sissiparité (division des cellules), soit partielle en
cas de reproduction sexuée.
Il existe alors des différences individuelles (à l'exception des jumeaux univitellins) mais
les caractéristiques de l'espèces sont conservées.
Il ne faut pas confondre la variabilité des individus et l'invariance
propre à l'espèce.
Ces trois critères, présents en un même être, nous permettent-ils de distinguer assurément le vivant de l'inerte ?
Après tout les machines sont également des objets téléonomiques, les machines peuvent s'autoréguler et les
ordinateurs, en raison de la programmation, ont une certaine autonomie.
Il est moins aisé qu'il ne le paraît au
premier abord de dégager des critères permettant de différencier un être vivant d'une machine complexe toutefois,
la machine ne se reproduit pas, ne croit pas et connaît une autonomie très limitée.
Problématique :
C'est Descartes qui le premier a émis l'idée qu'on pouvait légitimement assimiler l'animal à un mécanisme (Discours de
la méthode, V ième partie).
Cette thèse est inséparable de son contexte intellectuel et scientifique ; on aura soin
de la comprendre et de la juger dans ce contexte : la lutte des nouvelles conceptions scientifiques contre l'animisme
aristotélicien.
Cette idée peut-elle être maintenue aujourd'hui ? Malgré ses insuffisances (qu'il faudra mettre en évidence), on se
demandera en quoi l'idée qu'un être vivant est un mécanisme persiste dans les démarches scientifiques de la biologie
contemporaine.
1.
L'âme, moteur interne du vivant
Ce qui différencie le vivant de la matière inerte réside, selon Aristote, dans l'âme.
«L'âme disparue, il n'y a plus d'animal et aucune des parties ne demeure la même, sinon seulement par la
configuration extérieure, comme ceux qui, dans la légende, ont été changés en pierres; s'il en est ainsi, il
appartiendra au naturaliste de parler de l'âme et d'en avoir la science, et sinon de toute l'âme, du moins de ce qui
fait l'animal ce qu'il est; le naturaliste doit connaître ce qu'est l'âme, ou cette partie spéciale de l'âme, et tout ce
qui accompagne son essence, d'autant plus que la nature se dit en deux sens : la matière et la substance.
C'est
cette dernière qui joue le rôle de moteur et de fin.
C'est cela qu'est l'âme de l'animal, ou tout entière, ou une partie
d'elle-même.
Ainsi, il faut, dans l'étude de la nature, insister davantage sur l'âme que sur la matière, dans la mesure
précisément selon laquelle c'est par l'âme que la matière est nature, et non l'inverse; en effet, le bois n'est lit et
trépied, que parce qu'il est cela en puissance.
» Aristote, Des parties des animaux..
»
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