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THÉORIE ET EXPÉRIENCE (cours de philosophie)

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Il est banal d'opposer le théoricien à l'homme d'expérience, en reconnaissant une supériorité dans le domaine spéculatif au premier, et une supériorité dans le domaine pratique au second. Mais cette opposition radicale ne semble pas recouvrir une analyse précise des notions.
I. OPPOSITION
- A - La théorie.
La théorie est très exactement une vue de l'esprit (le grec «theorein» signifie : contempler), c'est-à-dire, selon le sens commun, une conception à laquelle ne correspond aucune réalité (cf. le sens de l'adverbe «théoriquement»). En philosophie aussi, le mot théorie a souvent un sens péjoratif: on l'emploie alors pour désigner un ensemble d'hypothèses invérifiables que chacun peut accepter ou rejeter selon sa convenance. Mais quelquefois aussi la théorie représente un ensemble d'idées cohérentes liées à une pratique; chez Marx, par exemple, théorie et pratique sont inséparables. Dans les sciences enfin, les théories sont le résultat d'un effort de coordination et de systématisation destiné à rendre compte des faits et des lois concernant un domaine déterminé (la théorie atomique, la théorie chromosomique de l'hérédité).
- B - L'expérience.
L'expérience scientifique se présente sous un double aspect: l'observation et l'expérimentation, cette dernière se ramenant ordinairement à une observation provoquée (ordinairement, parce qu'il y a aussi des «expériences pour voir» comme disait Claude Bernard, c'est-à-dire des expérimentations tâtonnantes). De toutes façons, expérience signifie toujours recours à la réalité. C'est bien ainsi que le philosophe entend l'expérience, quand il l'oppose à la raison : les données de l'expérience sont celles que nous fournissent nos sens ou notre conscience. Conformément à l'étymologie (du latin «experiri»: éprouver), l'expérience, c'est ce que j'éprouve au contact de la réalité, et le sens commun appelle homme d'expérience celui qui a beaucoup vécu c'est-à-dire a été en contact avec des réalités diverses.


« Il est banal d'opposer le théoricien à l'homme d'expérience, en reconnaissant une supériorité dans le domaine spéculatif au premier, et une supériorité dans le domaine pratique au second.

Mais cette opposition radicale ne semble pas recouvrir une analyse précise des notions. I.

OPPOSITION - A - La théorie. La théorie est très exactement une vue de l'esprit (le grec «theorein» signifie : contempler), c'est-à-dire, selon le sens commun, une conception à laquelle ne correspond aucune réalité (cf.

le sens de l'adverbe «théoriquement»).

En philosophie aussi, le mot théorie a souvent un sens péjoratif: on l'emploie alors pour désigner un ensemble d'hypothèses invérifiables que chacun peut accepter ou rejeter selon sa convenance.

Mais quelquefois aussi la théorie représente un ensemble d'idées cohérentes liées à une pratique; chez Marx, par exemple, théorie et pratique sont inséparables.

Dans les sciences enfin, les théories sont le résultat d'un effort de coordination et de systématisation destiné à rendre compte des faits et des lois concernant un domaine déterminé (la théorie atomique, la théorie chromosomique de l'hérédité). - B - L'expérience. L'expérience scientifique se présente sous un double aspect: l'observation et l'expérimentation, cette dernière se ramenant ordinairement à une observation provoquée (ordinairement, parce qu'il y a aussi des «expériences pour voir» comme disait Claude Bernard, c'est-à-dire des expérimentations tâtonnantes).

De toutes façons, expérience signifie toujours recours à la réalité.

C'est bien ainsi que le philosophe entend l'expérience, quand il l'oppose à la raison : les données de l'expérience sont celles que nous fournissent nos sens ou notre conscience.

Conformément à l'étymologie (du latin «experiri»: éprouver), l'expérience, c'est ce que j'éprouve au contact de la réalité, et le sens commun appelle homme d'expérience celui qui a beaucoup vécu c'est-à-dire a été en contact avec des réalités diverses. - C - Supériorité de l'expérience sur la théorie. A la notion d'expérience se trouve communément liée la notion de certitude.

Ce que je sais d'expérience, ce que je sais pour l'avoir éprouvé, a plus de valeur pour moi que toutes les théories.

Il est impossible, par exemple, de prendre au sérieux ceux qui voudraient dire que le monde n'existe pas, parce que leur théorie est en contradiction avec l'expérience quotidienne de chacun.

C'est toujours l'expérience, en définitive, qui est juge des idées.

L'empirisme va même jusqu'à soutenir qu'il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait été auparavant dans les sens, c'est-à-dire que l'expérience est la source de toutes nos idées.

Les soi-disant principes de la raison seraient eux-mêmes le fruit de l'expérience, l'habitude étant, selon Hume, « le grand guide de la vie humaine ». II.

RAPPROCHEMENT - A - La théorie donne un sens à l'expérience. Ce que l'habitude engendre, ordinairement, ce sont des préjugés c'est-à-dire précisément des opinions qui nous masquent l'expérience, ou plutôt qui nous font l'interpréter mal.

L'expérience, en effet, n'a de sens que si elle est interprétée.

Comme le disait Kant, «des intuitions sans concept sont aveugles» et cette proposition philosophique est confirmée par l'analyse psychologique qui nous montre que «les sensations sont précisément des impressions qui ne peuvent être senties qu'à la condition d'être comprises» (Pradines).

En d'autres termes l'expérience doit être, comme on dit aujourd'hui, «théorisée».

Aussi Auguste Comte avait-il raison de faire remarquer que «pour se livrer à l'observation, notre esprit a besoin d'une théorie quelconque».

C'est encore plus vrai de l'expérimentation, qui est la mise à l'épreuve d'une idée. - B - L'expérience donne un contenu à la théorie. Il est clair, toutefois, que les théories doivent s'ajuster à l'expérience et non se substituer à elle.

Leur rôle est de nous faire voir le monde et si elles n'y parviennent pas, elles demeurent de pures «vues de l'esprit».

En effet, «des concepts sans matière sont vides» (Kant) c'est-à-dire que toute connaissance doit se rapporter à une expérience possible.

En ce sens, la pratique est bien la justification de la théorie, dans la mesure où notre action sur les choses n'est efficace que si nous avons une vue juste des choses.

Mais il ne faut oublier qu'il y a des idées fausses qui réussissent et que le succès dans l'action ne fait pas preuve.

Ce qui fait la validité ou la valeur d'une théorie, c'est l'accord des esprits qu'elle est susceptible de réaliser, plus encore que les résultats qu'elle engendre. - C - Valeur des théories. Toute théorie est une hypothèse destinée à rendre compte de l'expérience et c'est pourquoi on peut dire avec Jaspers que « tout fait est déjà théorie» et avec Bachelard que «les théories de chaque génération deviennent les faits de la génération suivante» (on dit, par exemple, que c'est un fait que la terre tourne).

Mais en un sens plus restreint on entend par théories scientifiques les hypothèses les plus générales auxquelles une science aboutit et qui prétendent nous donner, sinon une représentation exacte, du moins une image commode de la réalité.

C'est le cas, par exemple, de la théorie atomique.

Ainsi entendues, les théories sont évidemment «provisoires et caduques», comme le remarquait Poincaré, puisqu'elles doivent toujours être dépassées pour s'ajuster mieux à l'expérience.

En effet, « aucune idée n'égale la nature des choses » (Alain).

ce qui signifie qu'aucune théorie n'épuisera jamais l'expérience. CONCLUSION «Il faut être bien savant pour saisir un fait» disait Alain, voulant rappeler que les plus hautes théories ne sont pas inutiles parfois pour saisir l'expérience la plus commune (par exemple, le mouvement de la Terre).

Mais les théories ne sont jamais que des «instruments pour voir», ce qui signifie qu'il ne faut pas perdre de vue le réel et qu'aucune théorie n'est jamais suffisante.. »

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