Théorie et expérience (Cours de philosophie) ?
Extrait du document
«
La théorie et l'expérience ne sont pas séparables dans les sciences du concret.
Mais ce serait une erreur que
d'assimiler connaissance et science de la nature.
Les conditions de possibilité de l'expérience ne sont pas données
par l'expérience.
Il faut donc laisser une place à des connaissances a priori qui ne risquent pas d'être démenties par
l'expérience.
Pour les empiristes, toute notre connaissance vient des sens.
A l'origine, notre esprit est une tabula rasa (une table
rase) qui, peu à peu, est imprégnée par les expériences que nous faisons dans notre vie.
Notre esprit ne contient
rien au départ, et nos sens nous transmettent tout ce qui sera l'objet immédiat de notre entendement.
Ce sont
toutes nos idées qui viennent des sens, mêmes les idées métaphysiques, même celle de Dieu.
"Toutes ces pensées sublimes qui s'élèvent au-dessus des nues et pénètrent jusque dans les cieux tirent de là (de
l'expérience) leur origine et, dans toute cette grande étendue que l'âme parcourt par ses vastes spéculations qui
semblent l'élever si haut, elle ne passe point au-delà des idées que la sensation ou la réflexion lui présentent pour
être l'objet de ses contemplations." (Locke, Essai sur l'entendement humain)
Pour les empiristes, notre esprit enregistre, qu'il le veuille ou non, les idées qui lui viennent de l'extérieur.
Dans une
première phase, il est totalement passif, un peu comme un coquillage sur une plage qui retient une partie de l'eau de
mer quand la vague le submerge.
Ce n'est qu'ensuite que l'esprit peut se livrer à un travail de réflexion sur les idées.
Locke distingue ainsi les idées simples, celles que l'esprit reçoit passivement par l'intermédiaire des sens, et les idées
complexes, celles qui sont fabriquées à partir des idées simples.
La position de Locke, à la fin du XVIIe siècle,
constitue une véritable offensive contre la philosophie régnante.
L'innéisme, avec Descartes, était devenu une
espèce de vérité incontestable.
L'idée de Dieu, comme celle du principe de non contradiction, étaient considérées
comme innées.
En entamant une polémique avec les cartésiens, Locke a fait rebondir la théorie de la connaissance
de son temps.
Les rationalistes feront valoir que les conditions de l'expérience ne peuvent pas venir de l'expérience.
C'est ainsi que
Leibniz montrera que, même si on accepte l'idée que toute connaissance a d'abord été dans les sens avant d'être
dans l'esprit, l'esprit lui-même n'est pas donné par l'expérience.
Dès lors, il doit bien exister une forme de
connaissance qui ne dérive pas de l'expérience.
En outre, selon Leibniz, les vérités tirées de l'expérience ne sont pas
nécessaires.
Elles sont liées au particulier.
Au contraire, pour être nécessaire, une vérité doit être affranchie de la
mouvance de l'expérience.
"Les sens ne donnent jamais que des exemples, c'est-à-dire des vérités particulières et
individuelles.
Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu'ils soient, ne suffisent
pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité : car il ne suit pas que ce qui est arrivé arrivera
toujours de même." (Leibniz, Réflexions sur l'Essai de Locke, avant-propos).
Pour le rationaliste, jamais la simple
somme des expériences ne peut aboutir à une véritable connaissance.
L'induction, c'est-à-dire le fait de passer d'un
ensemble de cas particuliers à une généralisation, ne permet pas d'aboutir à la certitude.
Seule une réflexion fondée
en raison permet la certitude.
Four Leibniz, il existe deux principes a priori qui expliquent que les choses se
produisent d'une certaine manière : le principe de raison suffisante et celui de non contradiction.
Le premier peut
s'exprimer ainsi : tout ce qui est a sa raison d'être.
Le second signifie qu'une chose ne peut pas, en même temps et
sous le même rapport, être et ne pas être.
Ces principes sont des propositions évidentes et indémontrables qui sont
présupposées dans toute activité rationnelle de l'esprit, en particulier dans la recherche de la raison et de la cause
des choses.
David Hume, au XVIIIe siècle, a soulevé une question à propos de l'inférence
par induction qui n'a cessé de retentir.
Ce problème est resté très actuel et
l'on peut dire que toute philosophie de la connaissance se doit d'aborder
l'interrogation laissée en suspens par Hume.
Comment, en effet, peut-on être
certain qu'un phénomène qui s'est toujours produit de la même manière dans
le passé se produira de la même manière dans le futur ? La célèbre boutade
"de mémoire de rose, on n'a jamais vu mourir un jardinier" illustre le caractère
douteux de l'induction : une rose pourrait conclure à l'immortalité du jardinier
puisqu'elle n'en a jamais vu mourir.
De même, le principe de causalité pose des
problèmes quasi insurmontables.
"Tous les raisonnements sur les faits
paraissent se fonder sur la relation de cause à effet [...] L'esprit ne peut sans
doute jamais trouver l'effet dans la cause supposée par la recherche et
l'examen les plus précis.
Car l'effet est totalement différent de la cause et,
par suite, ne peut jamais l'y découvrir.
[...] Une pierre ou un morceau de
métal élevés en l'air et laissés sans support tombent immédiatement ; mais à
considérer la question a priori, découvrons-nous rien dans cette situation qui
puisse engendrer l'idée d'une chute plutôt que d'une élévation ou de tout
autre mouvement, dans la pierre ou le morceau de métal ?" (Hume, Enquête
sur l'entendement humain, section IV.)
Avant la critique de Hume, on considérait que la causalité pouvait se ramener
à un jugement analytique, c'est-à-dire qu'à partir d'une cause on pouvait
déduire un effet.
Or, comme le montre Hume, la relation qui existe entre une
cause et un effet ne peut pas être découverte par raison démonstrative.
L'expérience est indispensable pour savoir
dans quelle direction va aller la pierre lancée en l'air.
Certes, certains raisonnements visent à justifier l'induction ou
la causalité.
Mais ils sont la plupart du temps circulaires.
Par exemple : je crois que le principe d'induction est juste
parce que toutes les fois que je l'ai utilisé il était juste.
Une justification de ce genre utilise précisément l'induction
pour justifier l'induction.
Faute de pouvoir fonder la connaissance par la raison ou par l'expérience, Hume aboutit
finalement à un certain scepticisme.
La critique de Hume s'exprime au moment où la science astronomique connaît.
»
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