TEXTE Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la Médecine expérimentales
Extrait du document
Claude Bernard (1813-1878) est un des fondateurs de la physiologie moderne. Sa particularité est de refuser à la fois la conception vitaliste, qui considère l’organisme comme un lieu de forces vitales indéterminées, mais également une conception qui le réduit seulement à des éléments déterminés de façon mécanique par des propriétés physico-chimiques. Ce texte est représentatif de cette position originale, rigoureuse d’un point de vue scientifique, car fidèle à une conception où les lois physiques et chimiques sont capitales, mais consciente de l’importance de la notion de création pour la biologie. Quelle est en effet la particularité de la biologie au sein des sciences ? Si c’est le concept de vie comme création qui la distingue, comment penser ce dernier tout en faisant place à une rigueur scientifique ?
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Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale.
S'il fallait définir la vie d'un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mit en relief le seul caractère qui,
suivant moi, distingue nettement la
science biologique, je dirais: la vie, c'est la création.
En effet,
l'organisme créé est une machine qui fonctionne nécessairement en vertu des propriétés physico-chimiques
de ses éléments constituants.
Nous distinguons aujourd'hui trois ordres de propriétés manifestées dans les
phénomènes des
êtres vivants: propriétés physiques, propriétés chimiques et propriétés
vitales.
Cette
dernière dénomination de propriété vitale n'est, elle-même,
que provisoire; car nous appelons vitales les
propriétés organiques que nous n'avons encore pu réduire à des considérations physico-chimiques; mais il
n'est pas douteux qu'on y arrivera un jour.
De sorte que ce qui caractérise la machine vivante, ce n'est
pas la nature de ses propriétés physico-chimiques, si complexes qu'elles soient, mais bien la création d'une
machine qui se développe sous nos yeux dans les conditions qui lui sont propres et d'après une idée définie
qui exprime la nature de l'être vivant et l'essence même de la vie.
Présentation générale du texte
Claude Bernard (1813-1878) est un des fondateurs de la physiologie moderne.
Sa particularité est de refuser à
la fois la conception vitaliste, qui considère l'organisme comme un lieu de forces vitales indéterminées, mais
également une conception qui le réduit seulement à des éléments déterminés de façon mécanique par des
propriétés physico-chimiques.
Ce texte est représentatif de cette position originale, rigoureuse d'un point de
vue scientifique, car fidèle à une conception où les lois physiques et chimiques sont capitales, mais consciente
de l'importance de la notion de création pour la biologie.
Quelle est en effet la particularité de la biologie au
sein des sciences ? Si c'est le concept de vie comme création qui la distingue, comment penser ce dernier tout
en faisant place à une rigueur scientifique ?
Analyse de la structure du texte et de ses thèses principales.
Le texte débute par une thèse qui répond à une question implicite.
Cette question est la suivante : qu'est ce
qui distingue la « science biologique » des autres sciences ? Cette question suppose une réponse à deux
aspects : la biologie est une science et en cela elle doit être définie par un certain nombre de propriétés
communes à toutes les sciences, mais, en tant que science particulière, elle doit se « distinguer » par des
traits qui ne relèvent pas des autres sciences.
(On pourra faire ici référence à la distinction genre-espèce).
Cette précision est importante car si la phrase de Bernard ne précise pas de quoi la science biologique se
distingue, elle fait pourtant une référence implicite aux sciences en général.
Claude Bernard propose donc une définition de la biologie.
Mais cette définition ne porte pas sur une méthode
qui serait propre à cette dernière.
Elle porte sur l'objet de la biologie, qui est ici la vie considérée comme
création.
Avant d'analyser cette expression, notons cependant que la définition de Bernard implique une
certaine conception de la science.
Si ce qui permet de distinguer la biologie des autres sciences (de la définir
au sens de délimiter son champ propre), c'est son objet, qui lui est spécifique et non sa méthode, c'est que ce
qui définit une science particulière est, justement, son objet.
La méthode, qui pour Bernard doit être
expérimentale, semble ainsi être ce qui définit la science en général, l'objet d'investigation étant ce qui définit
chaque science en particulier.
L'objet d'investigation de la biologie est donc la vie comme création.
L'objet de la recherche, la vie, est
certes spécifique à la biologie.
La physique, elle, a pour objet le mouvement des corps, les mathématiques, les
ensembles d'éléments abstraits.
Cette conception qui fait de la vie l'objet de recherche de la biologie est
traditionnelle.
Pourtant, ce n'est pas la vie elle-même que met ici en avant Bernard mais la vie comme création (l'affirmation
lisible dans le texte – « la vie, c'est la création » - renvoie à une situation d'énonciation, voire une prise de
partie).
C'est donc moins l'objet « vie » qui importe qu'une certaine conception de la vie, qui la considère sous
l'angle de la notion de création.
Or, en cela, son point de vue est original.
En quoi considérer la vie comme
création est une position spécifique ? C'est ce que la suite du texte tente de démontrer (cf.
« en effet » dans
la phrase qui suit).
Après avoir énoncé cette thèse, Claude Bernard introduit une nouvelle définition qui concerne cette fois-ci
l'organisme considéré comme créé.
Ce dernier « fonctionne nécessairement en vertu des propriétés physicochimiques de ses éléments constituants ».
Une analyse des termes est ici nécessaire.
Les verbes « fonctionner » et « constituer » sont ici très importants et seront repris à la fin de l'analyse du
texte.
En effet, l'être créé est un organisme dans la mesure où il fonctionne, c'est-à-dire dans la mesure où
ses élément sont en relation en vertu d'un tout.
Chaque élément est dit constituant non pas simplement au
sens où il est une partie quantitative d'un tout mais au sens où il participe au tout dans une relation avec les
autres organismes.
Or, ce qui permet aux éléments constituants de fonctionner, donc de participer à la vie de l'organisme, ce.
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