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Texte Bergson: un Supplément d'âme

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Comment le mysticisme se propagerait-il [...]dans une humanité absorbée par la crainte de ne pas manger à sa faim ? L'homme ne se soulèvera au-dessus de la terre que si un outillage puissant lui fournit le point d'appui. Il devra peser sur la matière s'il veut se détacher d'elle. En d'autres termes, la mystique appelle la mécanique. On ne l'a pas assez remarqué, parce que la mécanique, par un accident d'aiguillage, a été lancée sur une voie au bout de laquelle étaient le bien-être exagéré et le luxe pour un certain nombre plutôt que la libération pour tous. Nous sommes frappés du résultat accidentel, nous ne voyons pas le machinisme dans ce qu'il devait être, dans ce qui en fait l'essence.  Allons plus loin. Si nos organes sont des instruments naturels, nos instruments sont par là même des organes artificiels. L'outil de l'ouvrier continue son bras ; l'outillage de l'humanité est donc un prolongement de son corps. La nature, en nous dotant dune intelligence essentiellement fabricatrice, avait ainsi préparé pour nous un certain agrandissement. Mais des machines qui marchent au pétrole, au charbon [...] sont venues donner à notre organisme une extension si vaste et une puissance si formidable, si disproportionnée à sa dimension et à sa force, que sûrement il n'en avait rien été prévu dans le plan de structure de notre espèce : ce fut une chance unique, la plus grande réussite matérielle de l'homme sur la planète. Une impulsion spirituelle avait peut-être été imprimée au début : l'extension s'était faite automatiquement, servie par le coup de pioche accidentel qui heurta sous terre un trésor miraculeux.  Or, dans ce corps démesurément grossi, l'âme reste ce qu'elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger. D'où le vide entre lui et elle. D'où les redoutables problèmes sociaux, politiques, internationaux, qui sont autant de définitions de ce vide et qui, pour le combler, provoquent aujourd'hui tant d'efforts désordonnés et inefficaces : il y faudrait de nouvelles réserves d'énergie potentielle, cette fois morale. Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique. Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d'âme, et que la mécanique exigerait une mystique. Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu'on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l'humanité qu'elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel.    Bergson, Les deux sources de la Morale et de la Religion   

1/ La mystique appelle la mécanique : La mystique c'est ici la spiritualité, la mécanique, c'est la technique. L'homme ne peut sortir de la nature, de l'animalité (« se soulever au dessus de terre » l.2, « se détacher de la matière » l.3), pour accéder à des considération plus spirituelle (la science, la philosophie, l'art, la religion...) que par la technique qui est comme le levier (cad le moyen) sur lequel « peser » (l.3) pour s'élever jusqu'à la spiritualité. « Une humanité absorbée par la crainte de ne pas manger à sa faim » (l.1), étant précisément « absorbée » par des vues d'ordre exclusivement matérielles ne saurait développer aucune considération d'ordre plus spirituelle (la religion, la science, la philosophie, l'art...). Ce n'est donc que par la technique que l'homme peut s'élever à la spiritualité. La technique est cet « outillage puissant » (l.2) qui lui permet de manger à sa faim, de régler le problème du besoin, de « libérer » (l.6) l'homme de l'animalité, de la nature et du matériel, de le délier des nécessités, de l'affranchir du besoin, de telle sorte que l'esprit pourra alors élever ses vues vers des questions d'ordre purement spirituelle et que seule sa propre nature lui impose. La nature profonde de la technique est d'être un instrument de libération (idée similaire à celle de Hegel) mais ce que l'homme libère là en se détachant des nécessités, c'est sa spiritualité.

« Demande d'échange de corrigé de Gonthier Blaise ([email protected]). Sujet déposé : Texte Bergson: un Supplément d'âme Comment le mysticisme se propagerait-il [...]dans une humanité absorbée par la crainte de ne pas manger à sa faim ? L'homme ne se soulèvera au-dessus de la terre que si un outillage puissant lui fournit le point d'appui.

Il devra peser sur la matière s'il veut se détacher d'elle.

En d'autres termes, la mystique appelle la mécanique.

On ne l'a pas assez remarqué, parce que la mécanique, par un accident d'aiguillage, a été lancée sur une voie au bout de laquelle étaient le bien-être exagéré et le luxe pour un certain nombre plutôt que la libération pour tous.

Nous sommes frappés du résultat accidentel, nous ne voyons pas le machinisme dans ce qu'il devait être, dans ce qui en fait l'essence. Allons plus loin.

Si nos organes sont des instruments naturels, nos instruments sont par là même des organes artificiels.

L'outil de l'ouvrier continue son bras ; l'outillage de l'humanité est donc un prolongement de son corps.

La nature, en nous dotant dune intelligence essentiellement fabricatrice, avait ainsi préparé pour nous un certain agrandissement.

Mais des machines qui marchent au pétrole, au charbon [...] sont venues donner à notre organisme une extension si vaste et une puissance si formidable, si disproportionnée à sa dimension et à sa force, que sûrement il n'en avait rien été prévu dans le plan de structure de notre espèce : ce fut une chance unique, la plus grande réussite matérielle de l'homme sur la planète.

Une impulsion spirituelle avait peut-être été imprimée au début : l'extension s'était faite automatiquement, servie par le coup de pioche accidentel qui heurta sous terre un trésor miraculeux. Or, dans ce corps démesurément grossi, l'âme reste ce qu'elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger.

D'où le vide entre lui et elle.

D'où les redoutables problèmes sociaux, politiques, internationaux, qui sont autant de définitions de ce vide et qui, pour le combler, provoquent aujourd'hui tant d'efforts désordonnés et inefficaces : il y faudrait de nouvelles réserves d'énergie potentielle, cette fois morale.

Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique.

Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d'âme, et que la mécanique exigerait une mystique.

Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu'on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l'humanité qu'elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel. Bergson, Les deux sources de la Morale et de la Religion Texte assez imagé dont le nerf est le renversement de la fin : si la mystique appelle la mécanique, la mécanique exigerait une mystique. 1/ La mystique appelle la mécanique : La mystique c'est ici la spiritualité, la mécanique, c'est la technique.

L'homme ne peut sortir de la nature, de l'animalité (« se soulever au dessus de terre » l.2, « se détacher de la matière » l.3), pour accéder à des considération plus spirituelle (la science, la philosophie, l'art, la religion...) que par la technique qui est comme le levier (cad le moyen) sur lequel « peser » (l.3) pour s'élever jusqu'à la spiritualité.

« Une humanité absorbée par la crainte de ne pas manger à sa faim » (l.1), étant précisément « absorbée » par des vues d'ordre exclusivement matérielles ne saurait développer aucune considération d'ordre plus spirituelle (la religion, la science, la philosophie, l'art...).

Ce n'est donc que par la technique que l'homme peut s'élever à la spiritualité.

La technique est cet « outillage puissant » (l.2) qui lui permet de manger à sa faim, de régler le problème du besoin, de « libérer » (l.6) l'homme de l'animalité, de la nature et du matériel, de le délier des nécessités, de l'affranchir du besoin, de telle sorte que l'esprit pourra alors élever ses vues vers des questions d'ordre purement spirituelle et que seule sa propre nature lui impose.

La nature profonde de la technique est d'être un instrument de libération (idée similaire à celle de Hegel) mais ce que l'homme libère là en se détachant des nécessités, c'est sa spiritualité. 2/ La mécanique appelle une mystique : La puissance technique dont l'humanité dispose à l'époque moderne s'est considérablement accrue.

Mais si nos forces physiques se sont par là considérablement accrues (c'est ce que signifie l'image du corps agrandie), notre âme, notre puissance non physique ne s'est pas elle accrue ni modifiée.

Elle « reste ce qu'elle était » (l.19) : âme essentiellement « fabricatrice » (l.11) calculatrice, pragmatique, rationnelle. Cette raison essentiellement calculatrice n'est plus adéquate à « diriger » cette puissance et est « trop faible » (l.20) pour cela.

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Aussi y a-t-il une disproportion ou plutôt inadéquation, entre la puissance dont l'humanité dispose (ce « corps démesurément grossi ») aujourd'hui et ses forces intellectuelles essentiellement calculatrice alors que ce qu'il faudrait « cette fois » (l.23) c'est de l'intelligence morale, d'autant plus nécessaire que nous sommes plus puissants.

L'humanité a développer à l'excès sa puissance sans que ce développement ne s'accompagne d'une évolution morale de notre intelligence (pour caricaturer nous sommes encore un homme des cavernes mais dotés de la bombe atomique). 3/ Critique du réalisme : D'où ce vide, cette vacance, ce manque d'âme pour habiter la technique et reprendre son contrôle.

Nous laissons mourir des peuples, sans les aider à la mesure de notre pouvoir par les denrées alimentaires ou les médicaments, Nous expérimentons et accumulons des armes toujours plus destructrices, nous polluons... Pourtant, vouloir moraliser la technique n'est-il pas un peu idéaliste et utopique ? N'y-a-t-il pas une réalité économique, politique, stratégique qui rend impossible en pratique un tel discours ? Mais d'un autre point de vue. »

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