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Sur quoi repose l'accord des esprits ?

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« VOCABULAIRE: ESPRIT: Du latin spiritus, «souffle» (qui anime la matière). * Dans la langue religieuse (le Saint-Esprit), le souffle ou le principe divin. * Par opposition au corps : principe individuel de la pensée, conscience. * Par opposition à la matière : le monde de la pensée, la réalité spirituelle. * Chez Hegel, l'Esprit (avec une majuscule) est le principe rationnel qui gouverne le monde. Accord: état qui résulte d'une communauté ou d'une conformité de pensées, de sentiments; c'est une entente.

Être d'accord, c'est être du même avis, partager la même idée. Introduction On peut distinguer l'accord à propos de quelque chose (opinion ou connaissance) et l'accord en vue de quelque chose.

A insi, la convention est aussi un accord.

Mais alors, c'est plutôt quelque chose (la valeur d'une monnaie, un signe arbitraire, ou un projet réalisé en commun) qui repose sur l'accord.

On aurait donc l'opposition de l'accord fondé et de l'accord fondateur.

Mais tout accord en vue de repose sur une fin, et donc sur la vérité d'un jugement portant sur le bien, particulier ou commun.

Il semble que l'on ne puisse envisager l'accord sans référence à une vérité. I — Accord et uniformité d'avis L'accord est-il constitué seulement par le fait que plusieurs parlent et pensent de même, ou sont du même avis ? a) Prenons la thèse soutenue par Pôlos dans le Gorgias, selon laquelle on peut être, tel le tyran, très heureux en commettant l'injustice.

Polos aura avec lui la multitude pour assurer que commettre l'injustice vaut bien mieux que la subir, il se prévaudra donc de l'accord de tous contre le seul Socrate. Commettre l'injustice est pire que la subir, et j'aimerai mieux quant à moi, la subir que la commettre (Gorgias) C ommettre l'injustice c'est perdre sa dignité et passer le reste de sa vie en compagnie d'un injuste.

L'assassin est celui qui perd l'estime de soi.

C ette phrase fonde l'idée moderne de conscience morale : il n'est pas de crime sans témoin car il est en moi un témoin intérieur qui me juge.

A rapprocher de la phrase de Montaigne : Je me fais plus d'injure en mentant que je n'en fais à celui à qui je mens (Essais) Mais cette unanimité des « faux témoins » (472b) est-elle bien un accord ? Oui, si l'accord se réduit au simple fait qu'une même opinion est partagée par tous.

L'accord serait uniquement une homodoxia, une uniformité d'opinion. Mais, en chacun, d'où procède cette opinion ? Empruntons un autre exemple au Gorgias.

Des enfants seront d'accord pour préférer le cuisinier au médecin, et pour condamner celui-ci sur les accusations de celui-là (521e-522c).

Mais comment cet accord se produit-il ? Il résulte d'une part de l'identité de la gourmandise et de l'ignorance en chacun des enfants, d'autre part de la flatterie et de la persuasion du cuisinier.

En chacun pris à part, l'avidité et la déraison produisent un avis, et, comme ils se ressemblent tous sur ce point, cet avis se trouve être celui de tous.

Mais également, en chacun, c'est aussi la voix de tous qui parle, articulée ou non par le rhéteur.

L'avis de Pôlos ou de l'enfant est donc à la fois l'effet de sa condition singulière (ignorance et désir) et l'immense rumeur de l'opinion anonyme.

Il se trouve donc d'accord avec tous : il y a un effet d'accord, mais jamais ils ne se sont mis d'accord, l'accord n'a jamais été visé et produit comme tel. b) Si moi-même et autrui effectuons correctement chacun de notre côté la même opération arithmétique, quand nous comparons à la fin les deux résultats, nous constaterons qu'ils sont identiques.

M ais s'agira-t-il d'un véritable accord ? Nous nous bornons à constater l'identité du résultat.

Il pourra même se faire que ce soit un tiers qui les compare, et que chacun de nous d'eux croie qu'il a été le seul à effectuer l'opération.

Si l'accord entre moi et autrui n'existe que pour le tiers qui recueille et confronte nos jugements, peut-on dire que je suis en accord avec autrui, si à aucun moment de ma réflexion ou de mon calcul je ne me suis rapporté à autrui ? C es analyses nous permettent de douter qu'il y ait véritable accord des esprits quand les esprits ne se sont pas accordés, quand l'accord est le simple constat extérieur d'une identité des avis ou des jugements dont chacun a été engendré à part. II - Le véritable accord : homologia a) Il n'y a pas d'accord sans que les esprits n'existent l'un pour l'autre, ne se rapportent l'un à l'autre dans la recherche et l'obtention de cet accord. A utrement dit, l'accord, l'homologia, implique en toute rigueur qu'autrui et moi-même nous nous rendions réciproquement raison de notre pensée pour obtenir notre aveu commun : « Moi au contraire, si je ne te produis pas toi-même comme unique témoin en accord avec ce dont je parle, j'estime n'avoir rien fait qui vaille » (Gorgias, 472b). Mais en même temps l'accord des esprits entre eux est immédiatement reconnu comme l'accord de chaque esprit avec soi : «Calliclès ne s'accordera pas avec toi, Calliclès, et dans toute ta vie il y aura dissonance » (482b). b) Mais s'il n'y a pas de vérité, c'est-à-dire de nature telle qu'elle soit toujours identique à elle-même, si toute chose est à chaque fois comme elle paraît à chacun, l'accord est impossible.

P our un tel, le vent sera froid, pour l'autre, chaud : jamais donc ils ne parleront de la même chose.

Il n'y a pas d'accord qui ne soit un accord sur l'objet.

A insi le petit esclave du Ménon, lorsqu'il dit « oui » à Socrate, ne se range pas à l'avis ou à l'opinion de ce dernier, mais ne fait que reconnaître à son tour la même vérité que Socrate connaissait déjà.

Il ne s'agit donc pas d'une contagion de l'opinion, mais de la soumission de tous les esprits à la même vérité.

C'est donc l'homologia qui permet d'éviter que les avis ne deviennent identiques par la ruse et la violence. c) S'agissant de l'arithmétique, il y a bien accord, et ce pour une double raison : d'une part autrui et moi-même admettons initialement les mêmes principes et les mêmes règles, d'autre part, chacun, même s'il calcule ou démontre tout seul, juge pour tout autre en jugeant selon la vérité.

C omme le dit Kant, l'universalité subjective (l'accord de tous les sujets) procède de l'universalité objective (la connaissance a priori). d) On peut cependant, d'après P laton, distinguer un accord dianoétique et un accord dialectique : quand nous nous mettons d'accord pour admettre tel postulat, nos raisonnements seront parallèles et nos conclusions concordantes.

C ependant, nous ne serons pas en parfait accord, parce que nous ne nous serons pas rendu raison de nos hypothèses.

La question sera dès lors de savoir si nos connaissances sont de l'ordre d'un accord hypothétique (fondé sur l'admission commune d'hypothèses infondées) ou si nous pouvons parvenir à un accord anhypothétique.

Seule la philosophie serait le véritable accord des esprits. Conclusion La question est de savoir si seule l'objectivité est la condition de l'accord des esprits.

O n aurait alors une alternative stricte entre l'accord comme effet (pathologie du désir ou de la persuasion qui flatte le désir) et l'accord comme connaissance.

Mais n'y a-t-il pas un véritable accord des esprits qui ne se fonde pas sur une connaissance, un accord entre les esprits qui ne soit pas un accord sur l'objet ? C 'est le sens que Kant donne au terme de « beau ».

Q uand je dis d'une chose qu'elle est belle (et pas seulement agréable), j'entends par là que tout un chacun devrait être d'accord avec moi pour la trouver belle également, bien que je ne puisse fournir aucune raison (aucun concept) pour fonder cet accord.. »

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