Sujet : « La Religion, fondée sur la représentation monothéiste, est-elle agent de cohésion ou de désordre politique ? »
Publié le 28/03/2023
Extrait du document
«
Dissertation rédigée
Sujet : « La Religion, fondée sur la représentation monothéiste, est-elle agent de cohésion ou de
désordre politique ? »
Les sociétés humaines se sont construites, au fil des siècles, en mettant en place et en les
respectant des lois, des règles de vie politiques et éthique communes.
En même temps, lors de leur
laborieuse construction culturelle, les humains ont forgé leurs mythes et croyances, pour satisfaire et
combler leur besoin de spiritualité, et trouver réponse à des questionnements d’ordre métaphysique.
La
religion est donc née de cette double nécessité : élaborer une spiritualité, et fonder un socle commun
de croyances fédératrices, de lois organisatrices.
Néanmoins, nous nous apercevons que la religion,
notamment celle fondée sur la représentation monothéiste, peut parfois dévier de sa vocation première
(exprimée dans l’étymologie du verbe latin « religare », relier), en tant que garante et « agent de
cohésion ».
La religion peut aussi, comme l’histoire de l’humanité en témoigne, être un « agent de
désordre social ».
Il s’agira donc de s’interroger sur la stabilité réelle produite par le fait religieux au
cours des siècles et se demander en quoi le monothéisme suppose l’ordre, ou le désordre, en fonction
des époques qui en ont marqué l’apogée ou l’affaiblissement.
Quelles seraient, autrement dit, les
conditions de pérennité de la Religion, dans sa relation avec le fait politique ?
Nous rappellerons tout d’abord les principes fondateurs qui font de la religion un facteur de
cohésion, aussi bien sur le plan social que politique (I).
Nous tâcherons ensuite de comprendre en quoi
cette association entre le spirituel et le politique, entre le sacré et le profane, est porteuse d’un risque :
corrompre le religieux et en faire un facteur de désordre (II).
Enfin, nous verrons quelles possibilités
existent pour garantir à la religion sa pérennité, en en soulignant surtout le rôle auquel la religion
monothéiste doit être associée : quête de transcendance et de salut individuel (III).
En vertu de sa vocation salvatrice, la religion monothéiste est fondée sur un principe
d’homogénéité spirituelle, dont l’objectif principal consiste à créer l’unité au sein d’une communauté
(judaïque, chrétienne ou musulmane), et à renforcer et légitimer l’action politique fondée par les
représentants de cette religion pour maintenir un ordre inspiré des commandements divins et des
messages et enseignements de ses prophètes.
Le principe monothéiste originel, qui est celui de l’alliance passée entre Dieu et telle ou telle
communauté élue, via un ou plusieurs prophètes, constitue le premier sceau par lequel une certaine
idée de l’ordre, de l’union et de la cohésion spirituelle sont admis.
Lorsque Yahvé s’est manifesté pour
la première fois à Abraham, lui intimant l’ordre de se rendre au pays de Canaan, et de perpétuer son
message, Il le fit sous le signe d’une alliance sacrée, symbolisée par l’acte de la circoncision.
Nous
parlons à ce propos d’une Ancienne alliance, adressée au peuple juif, suivie quelques siècles plus tard
par une Nouvelle alliance, qui est le pacte entre dieu et tous ceux qui reconnaissent le sacrifice du
Christ.
L’exemple du message adressé à Mahomet est également significatif d’une semblable union,
qui passe par le Verbe sacré, et l’acceptation d’un principe univoque : celui de l’unicité divine.
Le
point commun entre les trois monothéismes est donc celui d’une acceptation soumise à l’ordre d’une
seule divinité, dans la perspective de fonder le règne de Dieu sur terre et d’incarner ses lois.
Et pour ce
faire, il faut nécessairement qu’il existe une communauté d’esprits, de fidèles croyants et unis,
capables de faire aboutir le projet d’un peuple élu (hébraïque), d’une communauté chrétienne
(consciente du sacrifice du Christ pour la sauver), et d’une Oumma musulmane, forte et unie contre les
Koraïchites qui en voulaient la destruction.
1
Partant de cette première perspective, dans laquelle le message divin joue un rôle de guidance et
de prescription spirituelle, la communauté élue se trouve ainsi investie du rôle d’incarner,
politiquement, un nouvel idéal de société, gérée selon des lois justes et fédératrices.
C’est ainsi que la
religion renforce et légitime le politique, et permet ce faisant de fonder des civilisations et des empires.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la civilisation judéo-chrétienne a pu se maintenir tant de siècles
durant, ou si l’empire arabo-musulman a réussi à étendre sa sphère d’influence sur un territoire aussi
grand que ceux de l’Asie, de l’Afrique et d’une partie de l’Europe réunis.
Nous observons, à ce
propos, et malgré le déclin de la civilisation arabo-musulmane, entamé dès le 14ème siècle,
qu’aujourd’hui encore survit l’idéal d’une Oumma, ou d’un Kalifat fort et uni.
Ces projets à caractère
politique, fondés sur des textes révélés il y a plus de quatorze siècles de cela, montrent à quel point la
force d’appel exercée par ces messages religieux est grande et pérenne, et qu’elle ne cesse de
fonctionner aujourd’hui encore par les enjeux d’union forte et de domination qu’elles inspirent.
Travaillant certes à faire advenir plus de paix et de justice, et de contrecarrer certaines pratiques
païennes considérées comme archaïques, les trois religions monothéistes n’ont pas été que de simples
messages de cohésion et de paix, précisément dans la manière dont les puissants de ce monde ont
voulu les utiliser pour régner.
L’instrumentalisation de la foi à des fins politiques n’est pas sans périls, entre autres lorsque le
message religieux, pour se propager, recourt à la coercition et aux moyens de la force pour réaliser ses
fins.
Ce faisant, les religions trahissent leur propension à l’absolutisme, et font facilement le lit de
l’intolérance et du fanatisme.
Alors que les religions païennes affirmaient une certaine aptitude à intégrer les rites étrangers,
afin de mieux assimiler les populations étrangères, comme ce fut le cas dans la Rome antique, les
religions révélées se présentent quant à elles comme les seules émanations de la parole divine.
Elles
érigent ainsi leur vérité en absolu et cherchent à l’imposer en éliminant toute autre pratique, qu’elles
considèrent comme une pure superstition ou comme une hérésie condamnable.
Tout monothéisme
peut ainsi receler une propension, plus ou moins affirmée, à l’absolutisme.
On peut par exemple
constater que ces religions fondées sur le principe d’un dieu unique et d’une vérité indubitable se sont
souvent imposées par la conquête et la diaspora.
L’évangélisation de l’Occident s’est faite, entre
autres, par l’intermédiaire des soldats, milice autoproclamée de Dieu, comme le furent par exemple les
Croisés au Moyen Âge et certains ordres chrétiens comme celui des Templiers.
Ce fut le cas
également de l’Islam, qui a acquis sa dimension universelle par la force de l’épée et dont les armées
ont mené des expansions territoriales poussées jusqu’en Espagne.
En outre, il semble souvent difficile,
voire inadmissible, pour les politiques usant de la foi comme principe d’autorité souveraine d’accepter
la divergence ou la spécificité doctrinaire au sein de leur Etat.
Nous l’observons à la façon dont
certaines communautés chiites sont stigmatisées au sein de pays à majorité sunnite.
Ce fut aussi le cas
pour les Protestants d’Europe aux XVIème et XVIIème siècles.
À cette oppression et aliénation, qui sont les manifestations collatérales d’une pratique uniforme
de la foi, peuvent parfois répondre des contre-courants violents et motivés par le désir naturel
d’insoumission et de rejet d’une conception monolithique de la religion.
Toute pensée unique, ainsi
que l’ordre absolu qui en découle, appelle la contestation et la remise en question.
Ainsi observonsnous, à travers l’histoire politique très mouvementée des monothéismes, apparaître des schismes et des
courants de pensée contestataires dont le principe fut d’introduire une réflexion et un discours
relativistes.
Ce fut le cas du mu‘tazilisme, au VIIIème siècle.
Cette école de théologie musulmane s’est
opposée à d’autres écoles littéralistes, telle que le Hanbalisme dont est issu le wahhabisme toujours en
vigueur aujourd’hui.
Croyant au libre-arbitre et érigeant la raison comme instrument critique essentiel
2
à l’exercice de la foi et comme rempart contre le dogmatisme et l’orthodoxie 1, les Mu’tazilites
défendaient la recherche scientifique et la philosophie (falsafa).
Le dernier représentant le plus célèbre
de ces tenants de la Raison (en inspiration du logos grec) fut Averroès, dont les ouvrages furent brûlés
et la pensée combattue au XIIème siècle.
De même que plus tard, au XVIème siècle en Europe, naquit
le schisme protestant contre les dérives autoritaires de l’Eglise catholique et sa monopolisation de la
foi, dont elle faisait aussi un moyen d’enrichissement et de lucre.
Divisés sur des questions de dogme,
Protestants et Catholiques se livrèrent une querelle sans merci, qui culmina en des massacres et des
guerres sanglantes (ces luttes fratricides déchirèrent l’Irlande du nord durant la seconde moitié du
XXème siècle).
En outre, de nombreux foyers de tension durables sont aujourd’hui alimentés par des
conflits de nature religieuse : les tensions interminables entre Palestiniens et sionistes au ProcheOrient, les affrontements par armées interposées entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite.
Dans
toutes ces manifestations de violence au nom de la religion, c’est la radicalisation du religieux, au nom
d’une pensée ou d’une foi écrasante, qui est toujours la cause et l’instrument.
Tout le mal que peut ainsi incarner la pratique fanatisée et radicale....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Spinoza: Religion et politique
- La morale ne peut-elle être fondée que sur une religion ?
- Un critique contemporain définit l'esprit du XVIIIe siècle en ces termes: "Il fallait édifier une politique sans droit divin, une religion sans mystère, une morale sans dogme." Dans quelle mesure et avec quelles nuances ce jugement se trouve-t-il vérifié
- La religion est-elle fondée sur la peur de la mort ?
- La religion est-elle fondée sur la peur de la mort ?