Suis-je moi-même quand je suis passionné ?
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► Le sujet invite de manière évidente à mettre en question le caractère aliénant de la passion, mais implique également une réflexion sur l'identité personnelle. Il s'agira donc autant de déterminer l'influence de la passion sur la liberté, l'entendement et la volonté du «je», que de s'interroger sur ce que signifie «être soi-même». ► La formulation de l'énoncé ne doit cependant pas induire une dissociation des problèmes en jeu: il faudra les lier en montrant en quoi le rôle des passions présuppose une conception spécifique de l'identité. ► Les passions pourraient déposséder le sujet de lui-même, l'aliéner, et affecter la conscience qu'il a de lui-même. ► Il peut y avoir une césure au sein de l'individu: le «je» pourrait ne pas être «moi». ► Il est possible de savoir si l'on est ou non soi-même: le «je» serait apte à se connaître, à se définir et à se décrire. ► La passion ne m'empêcherait pas d'effectuer le mouvement réflexif et l'introspection que suppose la réponse à la question «suis-je moi-même?».
«
Vous pouvez partir ici d'une définition commune de la passion : la passion désigne un état dans lequel se trouve
un sujet dont tout le désir et tout l'intérêt vivant sont portés vers un unique objet.
Montrez que, en ce sens, la
passion n'est concevable que pour l'homme : dans la passion, l'homme s'affirme comme un être de désir qui ne se
contente plus de subir ce que les lois de la nature lui dictent.
Les passions seraient donc une des manières possibles
de reconnaître la spécificité de l'homme.
Montrez cependant (qu'il s'agisse du jeu, de l'alcool ou d'une personne) que
dans la passion le sujet commence toujours par se perdre : nécessairement insatisfait, le passionné devient étranger
à lui-même et finit par s'oublier totalement dans sa passion.
Montrez donc que s'il veut se retrouver, la passionné
doit chercher à maîtriser ses passions.
Demandez-vous en quoi consiste cette tâche (songez à l'opposition entre
raison et passion) : n'est-ce pas avant tout dans l'usage de la raison que se reconnaît l'humanité.
1.
Oui, dans la passion je suis moi-même.
A.
Les passions sont le contenu même de la vie.
Si, comme Descartes, on définit les passions comme des pensées que l'âme
ne peut pas diriger parce qu'elles sont provoquées par le corps, il est vrai
qu'on peut être amené à confondre nos passions avec notre volonté, et ainsi
perdre la maîtrise de soi.
Cependant, si les excès des passions peuvent être
nuisibles, il ne s'agit pourtant pas de les éradiquer pour être soi-même, car
elles sont «presque toutes bonnes» (Descartes, Correspondance avec
Élisabeth).
Elles sont le contenu même de la vie.
Autrement dit, sans elles, la
liberté ne serait qu'une liberté d'indifférence.
Si donc les excès des passions
peuvent nous mettre en contradiction avec nous-mêmes et avec les autres, il
suffit d'agir «avec industrie» sur nos passions pour les régler simplement.
Ainsi, puisque l'homme ne se définit pas seulement comme une substance
pensante, mais comme «union de l'âme et du corps», les passions font partie
intégrante du moi.
«Moi» désigne ici non seulement la nature humaine, mais
également la complexion spécifique de l'individu particulier: la passion est
effectivement ce qui nous permet de nous caractériser individuellement.
Si la
raison est universelle, la passion, elle, nous particularise.
B.
Seule la passion est motif d'action.
Si la raison est conçue comme strictement théorique (Hume), et que seule la
passion est dynamique et moteur de l'action, alors il n'y a plus lieu de croire
en un déchirement de l'individu entre sa raison et sa passion.
La passion n'est
pas déraisonnable puisqu'elle n'est pas une idée: la déraison, dans cette perspective, ne peut être que l'erreur
commise par le jugement.
La passion, elle, ne juge pas: elle nous fait agir et nous inscrit par là dans l'existence.
Ainsi, la passion procède de mon identité puisque sans elle je ne serais que pur pouvoir de contemplation, prévision
et jugement, sans aucune prise dans ce monde, sans inscription dans le moment présent: «La raison à elle seule ne
peut jamais produire une action, ni engendrer une volition» (Hume).
C.
La passion participe de mon identité: la pleine conscience de soi implique que l'on tienne compte des
passions.
Si, dans la passion, il semble que l'on soit victime d'une illusion, il reste à savoir si l'idée d'une pleine possession
immédiate de soi-même n'est pas elle aussi une forme d'illusion.
En effet, penser que je suis moi-même dès lors que
j'ai la capacité de choisir et de me déterminer moi-même sans avoir l'impression de subir une quelconque contrainte
ne signifie pas que je sois de fait pleinement maître de moi-même.
Le libre choix lui-même pourrait n'être qu'une.
»
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