Suis-je libre quand j'aime ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet:
C e sujet propose de pens er une relation entre l'amour et la liberté.
Etre libre, dans un premier sens , c'est pouvoir faire ce que je veux, ne pas être
empêché.
En ce sens, la liberté s e pose par rapport à l'extérieur, je ne suis pas libre quand je suis en prison ou encore attaché.
Mais ici, c'est une autre
conception de la liberté dont il est question, liberté qui ne se limite pas à la pos sibilité d'une action mais qui se situe en amont, c'est-à-dire avant, dans
l'intention.
Si je fais ce que je veux et que rien d'extérieur ne m'en empêche, je peux néanmoins être dupé, et m'apercevoir trop tard que je n'ai pas vraiment
voulu c e que j'ai fait, que ce n'était pas moi.
Etre libre nécessite une clairvoyance, voire une sérénité qui engage une certaine relation à ses propres
passions.
Pour être libre, il faut être maître de soi.
O r, l'amour est une passion éprouvée de façon s i puissante, parfois si violente, qu'elle peut faire voler en éclat jusqu'au s imple bon sens.
N o u s n e
sommes plus tout à fait maître de nous-mêmes quand nous sommes amoureux, mais sous le joug d'une passion qui nous entraîne malgré nous.
A insi la relation la plus évidente entre l'amour et la liberté semble être que l'amour s'il est éprouvé de façon très violente peut m'empêcher d'être libre,
voire de vouloir être libre.
C 'est donc la plus sûre des prisons, que celle que l'amoureux transi réclame.
M ais l'amour n'est pas toujours si impétueux, tout
amour n'est pas idolâtrie, et n'est pas moins puissant pour être moins remarquable.
L'amour ne désigne pas s eulement non plus cette passion que ressent
l'amant, mais d'une autre manière l'ami.
Il suffit de voir tout les types de relations que nous désignons par la proposition « j'aime ».
Je peux aimer une
activité, une discipline ; la philosophie n'est-elle pas amour de la sagess e, de la vérité ? Q u'en est-il de la liberté dans c es passions ?
Problématisation:
Il faut donc dans ce sujet se garder de prendre la formule du s ujet « j'aime » pour désigner uniquement l'amour entre deux amants.
Il ne pourra figurer qu'à
titre d'exemple, voire comme l'exemple le plus entendu, c elui qu'on ne peut passer sous silenc e.
Il faudra traiter l'amour de façon général, car cela serait
caricatural de faire de l'A mour éprouvé par l'amant ou le prétendant, un amour toujours aveugle tandis que les autres types d'amour s eraient eux plus
raisonnés .
Il doit y avoir quelque c hose de commun entre toutes ces situations où je dis « j'aime », et où un certain rapport à la liberté est engagé.
Il faudra
également faire varier les conceptions de la liberté.
1.
Sans amour je ne peux être libre.
a) On peut commencer par renverser ce que nous avons dit plus haut (qui pourrait figurer en introduc tion) en affirmant la thès e inverse, la liberté ne peut se
penser sans désir.
En effet, quand je dis « j'aime », c e n'est pas toujours d'amour dont il s'agit.
« J'aimerais » est d'ailleurs synonyme de « je voudrais » ».
O r, puisque être libre, c'est faire ce que je désire, si je ne désire rien, alors je ne veux rien et je ne suis pas libre.
b) On retrouve ce rapport du désir et de la liberté dans la philosophie de Hobbes, au c œur du système politique qu'il élabore dans le Léviathan.
Hobbes es t
surtout connu pour affirmer la méchanceté naturelle de l'homme, c e qui est en réalité tout à fait inexact.
L'essentiel est
que l'homme est mû par le désir, la volonté n'est que le produit des désirs et des craintes à l'issu d'un calcul plus ou
moins rationnel.
Dans une telle perspective, l'homme es t toujours libre pour peu qu'il ne soit pas empêché par quelque
obstacles extérieurs.
La liberté ne se pense qu'au moment de l'ac te, c 'est le premier sens de la liberté que nous avons
évoqué précédemment.
Pour Hobbes, tout homme ressent quelque désir, mais i l s ne s o n t p a s t o u s raisonnables car
l'homme ne voit pas suffisamment loin les c onséquences de ses actions pour les bien ajuster à s on désir.
c) Sans adhérer au méc anis me passionnel, il est clair que si je n'aime pas , la question de la liberté semble ne pas s e
poser.
Il faut bien une motivation, un élan, qui me pousse à agir.
C 'est bien l'amour, la préférence, la passion, que ce soit
un idéal déraisonnable ou pas , qui me permet d'établir un projet futur lointain ou proche.
C e projet est ce vers quoi tendent
toutes mes actions.
2.
Aimer, c'est être esclave de sa passion.
a) Mais, à cette conception, on peut opposer l'impétuosité des passions.
La passion ne se laisse pas ainsi remettre à plus
tard, attendant sagement que les circ onstances soient favorables .
Si j'aime trop, je ne fais pas tout ce qui est le plus
adapté pour parvenir à mon attente, par exemple être aimé en retour.
A c e titre, on peut reprendre l'argumentation
présente dans notre analyse du s ujet et qui fait de l'amour une passion aveuglante.
L'amour nous rend aveugle, il nous
pouss e à accomplir des chos es que nous ne voulons pas vraiment.
b) D a n s c e cadre, l'amour s'oppose à la volonté, l'homme qui aime éperdument perd son indépendance, il est s o u s
l'emprise de son amour ou de l'être aimé.
C ela est aussi valable pour toutes les passions qui entraîne l'addiction.
La dépendance à l'égard de quelqu'un ou
de tout autre chose s'oppose à l'indépendance de l'homme qui est véritablement libre.
T outes ces affections de l'âme sont autant d'attac hes, de liens qui
nous rendent esclave.
L'homme ainsi attaché n'est pas maître de sa vie, ce qui ne dépend pas de lui l'affecte, il se fait la proie du s ort.
c) En effet, que l'amour nous rende dépendant de quelqu'un ou quelque chose, c ela est c lair et cela est enc ore plus clair quand cet amour est idolâtrie.
L'amoureux se laiss e influencer quand son amour devient adoration.
Sa conc eption de l'autre est tronquée, il ne peut en voir les défauts, même si c eux-ci
sont flagrants, il préfèrera nier la réalité que de fouler l'être de s on adoration.
Dans ce genre d'amour, il est rare que celui ou c elle qui se trouve aimé aime en
retour, car il es t difficile d'idolâtrer quelqu'un qui nous idolâtre, cela s'oppos e à l'idéalisation de l'autre.
M ais, en outre, sans faire de cet amour particulier
l'amour en général, tout attac hement parce qu'il est éphémère rend notre bonheur dépendant du destin.
3.
Il faut être libre pour aimer vraiment
a) Pour être libre de ses propres affections, selon les stoïciens, il faut passer par le stade de l'apathie c'est-à-dire l'absence de pass ions e t non pas
seulement de douleur.
M ais, l'apathie n'est pas le terme de l'éthique s toïcienne, c'est un moment pour atteindre la sagess e.
Le sage n'est pas celui qui
n'aime pas mais celui qui aime vraiment.
Il n'aime pas par dépendance, il ne préfère pas tel ou tel par habitude, il est celui qui peut aimer librement.
b) P our en revenir à l'expérience quotidienne, puisque tout le monde ne peut être sage, il faut remarquer que l'idolâtrie, ou même la folie de l'amour parfois
douce, parfois destructrice, est une extrême dépendance et que tout amour n'engage pas le même niveau de dépendance.
Dans celle-c i, ce n'est pas tant un
être qui est aimé qu'un fantasme, une illusion.
C e n'est pas la personne qui est aimée pour ce qu'elle est.
A insi, ce que celui qui idolâtre aime c ' e s t s a
propre dépendance.
c) P our aimer une personne, il ne faut pas dépendre de lui.
L'amour du fils pour ses parents peut être, dans la petite enfanc e, un amour lié avec l'extrême
dépendance dans lequel l'enfant se trouve vis-à-vis des parents.
O r, l'enfant devenu homme, affranc hi, indépendant, n'est plus contraint, il peut aimer s es
parents pour ce qu'ils sont, d'un amour qui ne soit pas pure dépendance et donc pure remise de soi à un autre.
Mais, parfois l'homme ne s'affranchit d'une
dépendance affective que pour en retomber dans une autre.
Conclusion :
P our que l'homme s 'affranchisse de toutes ces dépendanc es, s ans pour autant être apathique, il doit éprouver un désir d'affranchissement, il ne se libérera
de ses passions que s'il nourrit pour la liberté un amour plus grand encore.
Je ne suis donc pas toujours libre quand j'aime, mais je ne suis libre que s i j'aime
la liberté plus que tout, l'amour libre plus que l'amour qui rend dépendant et qui est une négation de soi..
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