Suis-je libre face à la vérité ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
VÉRITÉ
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
Peut-on dire non au Vrai ? Tel est le sens du sujet.
Soutenir ou réfuter des propositions, ce sont des actes de la
volonté.
Mais le consentement intérieur dépend-il de la
volonté ?
Lorsqu'il s'agit d'une évidence, comme la somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits, l'expérience
immédiate semble m'enseigner que mon jugement est nécessaire et non libre.
Il en est de même lorsque quelque
chose m'est prouvé par de bons arguments.
Dans la pratique, il me semble difficile de résister au vrai, lorsque je le
connais.
Pourtant, j'ai aussi le sentiment immédiat d'une liberté infinie de ma volonté.
Ne puis-je pas affirmer ou nier,
vouloir ou ne pas vouloir en toute indépendance ? Cette certitude que j'ai, concernant ma volonté, m'amène à
conclure que je dois pouvoir, bien que l'expérience atteste que cela n'ait sérieusement jamais lieu, refuser librement
mon consentement, même lorsqu'il s'agit d'une évidence intellectuelle ou d'une vérité bien établie.
Autrement dit, si, dans la pratique, il m'est difficile d'être libre face à la vérité, dans l'absolu, il me semble que c'est
possible.
C'est, en tout cas, ce qu'affirme Descartes:
« Lors même qu'une raison fort évidente nous pousse vers un parti, quoique moralement parlant, il soit difficile de
faire le contraire, absolument parlant, néanmoins nous le pouvons » (lettre au Père Mesland, 9 février 1645).
Qu'est-ce que dire non au Vrai ? Descartes répond qu'au moment même où je conçois clairement et distinctement
une chose, ma volonté est inclinée irrésistiblement à affirmer.
Elle n'est pas libre face à la vérité.
Mais l'évidence ne
s'impose qu'à un esprit attentif.
Il est donc toujours en mon pouvoir de détourner mon attention des raisons qui me
font admettre telle chose pour vraie, de suspendre mon jugement, puis de trouver des raisons de douter et même
d'aller jusqu'à affirmer le contraire.
Mais Descartes ajoute aussitôt : « pourvu que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre ».
Ce n'est donc pas sans raison que je peux dire non
au Vrai.
Peut-on être libre devant la vérité ?
Est-ce que Galilée était libre de dire que la terre tourne autour du soleil ? S'il était libre de le dire, était-il libre "en
face" de cette vérité ? Est-ce que c'était une manifestation de sa liberté ? Il n'a pas "choisi" de faire que la terre
tourne autour du soleil, il n'a pas choisi de croire à ça, il a compris, montré, su que c'était ainsi.
Le problème donc
est le suivant : la vérité semble être par définition indépendante de moi.
La vérité en ce sens ne contraint-elle pas
la liberté ? "1+1=2" : cette vérité n'attend pas que je choisisse de la croire vraie pour être vraie.
Il n'y a pas "deux
vérités" entre lesquelles je pourrais choisir, la vérité n'est pas l'objet d'un choix, elle est par définition indépendante
de moi.
Pourtant la vérité s'oppose-t-elle nécessairement à l'exercice de la liberté ? En quel sens la vérité, supposet-elle une construction libre ? Ne puis-je pas toujours refuser la vérité qui est devant moi ? La question qui se pose
alors est celle du devoir.
Dois-je garder ma liberté devant la liberté, pour la remettre en question avant de
l'accepter par exemple, ou au contraire par scepticisme ? Ne doit-on pas garder sa liberté devant ce que l'on nous
donne comme vrai ? Référence utile : "La liberté cartésienne" dans Critiques littéraires-Situations I de Jean-Paul
Sartre..
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