Suis-je libre de diriger ma conscience ?
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Introduction
La conscience m'apparaît comme donnée, déjà là à chaque instant de mon existence ; et elle m'apparaît comme libre, comme
manifestant ma liberté, selon un sentiment spontané.
Mais diriger cette conscience est autre chose : je peux être doté librement d'une
conscience sans que l'exercice de celle-ci soit lui-même libre.
Vers quoi se dirige la conscience ? Le choix de cet objet de la conscience
est-il lui-même libre ? Et si cela est le cas, cela signifie-t-il que l'origine de la conscience bénéficie aussi de cette liberté ?
I La conscience comme volonté libre : liberté de conscience, liberté d'attention, Descartes et Husserl
-Descartes : le cogito (Discours de la méthode ) permet de fonder la certitude de mon existence et
fournit une base certaine pour l'édification de la science humaine.
La forme du cogito est la
conscience, dès lors dressée comme valeur suprême, car ses qualités de clarté et de distinction
permettent à l'homme de se débarrasser des préjugés dont il a hérité par la tradition.
La libération
de l'entendement se fait donc par la liberté de la volonté, qui se porte vers une effort de conscience
de soi (le cogito), et provoque une rupture dans la chaîne des déterminations inconscientes,
notamment celles de nos préjugés.
La conscience, avant même d'être dirigée, se présente donc
comme l'objet d'une direction libre.
-Husserl : Dans les Méditations cartésiennes, Husserl ne s'intéresse pas tant à l'origine de la
conscience, qu'il prend comme une structure pré-donnée, qu'à la visée de celle-ci.
Que vise la
conscience ? Husserl répond que la conscience est toujours liée à une intention (terme technique
qu'il ne faut pas confondre avec l'intention au sens courant) : c'est-à-dire que toute conscience est
conscience de quelque chose.
Et ce quelque chose est librement choisi par le sujet : l'objet
intentionnel est déterminé par les motivations du sujet, et non pas par une série de causalités qui
régit le monde extérieur.
Pour Husserl il y a donc une liberté fondamentale d'orienter sa
conscience.
II Origine déterminée de la conscience, et sa conséquence sur son objet : Freud et
Spinoza
-Freud : la conscience s'expérimente spontanément comme libre ; mais le moi conscient normal
procède en fait d'une confrontation entre le fonds pulsionnel du ça et l'instance morale du surmoi, qui permet au sujet d'intérioriser les
normes de la société (Le ça et le moi).
L'origine de la conscience est donc en partie au moins déterminée ; il n'empêche que cette
genèse psychologique du moi aboutit à un sentiment positif de liberté, qui recouvre l'influence déterminante du surmoi.
Dès lors, la
liberté de direction de sa conscience est forcément limitée par son origine déterminée.
-Spinoza : c'est ce lien entre l'origine de la conscience et son objet que Spinoza explicite dans l' Ethique.
Pour lui, la conscience n'est
que l'émergence d'un désir particulièrement puissant chez l'homme ; or, ce désir n'est pas libre, il est déterminé par les causes du
monde extérieur.
Dès lors, le choix de l'objet du désir sur lequel se porte la conscience n'est pas libre : il est le résultat d'un
déterminisme causal.
C'est pourquoi Spinoza peut dire que je ne désire (ou aime) pas ce que je trouve bon librement, mais que je
crois trouver librement bon ce qu'en fait en premier lieu je désire de façon déterminée, non libre.
III : le choix de l'objet conscient : le dépassement de la détermination de l'origine , Merleau-Ponty et Bergson
-Merleau-Ponty : le fait même que ma conscience doit dirigée vers quelque chose peut fonder la liberté de cette conscience et de cette
direction.
En effet, l'orientation de la conscience montre le lien intime qui unit l'homme à son monde : lien de mouvement, d'interaction,
de projet ( Phénoménologie de la perception).
La conscience n'est donc que l'expression de cette appartenance de l'homme au monde,
et de la possibilité pour lui d'intervenir à l'intérieur de celui-ci.
Dès lors, la conscience n'est pas la simple manifestation de ce lien
fondamental : elle est aussi l'instrument de son optimisation (amélioration), elle est elle-même orientation de son orientation, possibilité
d'influer sur sa direction, de la diriger donc.
-Bergson : il faut donc renverser la problématique.
Ce n'est plus la liberté qui doit fonder la direction
de la conscience, c'est le fait même de cette direction de la conscience qui permet de comprendre en
quoi cette conscience peut être libre.
Bergson ira plus loin : c'est l'apparition même d'un objet sur
lequel se dirige la conscience qui montre que la conscience est active et libre ( Essai sur les données
immédiates de la conscience et Matière et mémoire).
En effet, la conscience est pour Bergson une
sélection d'une partie de notre vie inconsciente.
C'est cette sélection qui peut nous rendre libre : non
par son résultat conscient, mais par son activité même de sélection qui relance notre vie inconsciente
vers une nouvelle prise de conscience.
La direction de la conscience vers un objet particulier est donc
un acte de libération.
Conclusion
-La liberté de diriger la conscience se mesure selon deux facteurs : son origine et sa visée.
-Penser la liberté de son origine, c'est pouvoir penser fondamentalement la liberté de sa visée.
-Refuser cette liberté d'origine apparaît comme signifier irrémédiablement la détermination non libre
de la direction de la conscience.
-Cependant, cette visée particulière de la conscience peut se concevoir comme un acte de libération
de l'homme.
Dès lors, il est possible d'accorder une possibilité de liberté à la conscience, malgré la
détermination de son origine, laquelle paraît difficile à contester..
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