Suis-je d'autant plus libre que je suis techniquement puissant?
Extrait du document
«
Introduction
L'homme est un être naturel très faible de constitution.
La technique représente pour lui la seule façon de se sortir
du déterminisme causal dans lequel son existence est originairement inscrite.
Ainsi, la technique est le moyen pour
l'homme de s'extraire de sa condition animale, de s'affranchir des lois qui le soumettent.
Mais si elle est un indéniable
pouvoir libérateur, la technique telle que la modernité la pratique semble prendre un tout autre tournant, et pourrait
se retourner contre ses maîtres ...
I - La technique accroît notre liberté
- Qu'est-ce que la technique ?
En première définition pouvons-nous écrire que la technique est l'ensemble des modes d'action sur le monde naturel
- la technique fait l'objet d'une apprentissage.
Quelle est son origine ?
- le mythe de Prométhée
Epiméthée et Prométhée devaient distribuer aux espèces vivantes des caractéristiques (organes, savoir-faires,
capacités) qui leur permettraient de survivre, en équilibre.
A propos des êtres vivants :
"Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de
la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre.
Quand le moment de les
amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des
qualités appropriées."
L'objectif était, dans le mythe, car c'est un mythe, de trouver un état d'équilibre ou toutes les espèces pouvaient
survivre sans qu'aucune ne soit délaissée.
Or, quand Epiméthée arriva à la dernière étape de sa distribution, il avait
oublié l'homme, à qui il n'avait plus rien à donner, ayant déjà tout distribué.
Comment l'homme pouvait-il survivre
dans la nature et ses lois, alors qu'il n'avait reçu aucun outil de survie, tels que des griffes ou des muscles ?
Prométhée devait donc corriger l'erreur d'Epiméthée ("qui réfléchit trop tard") : pour cela il donna (notamment) le
feu aux hommes, après l'avoir volé à Héphaïstos.
Avec le feu de Prométhée, c'est la technique qui est rendue possible à l'homme : la capacité lui est laissée de
modifier, selon des fins, la nature et son environnement.
Dans ce dialogue de Platon, le personnage de Protagoras (célèbre sophiste) fait le récit
du mythe de la situation originelle de l'homme.
Dépourvu de tout, nu et sans défense,
celui-ci est à la merci d'une nature hostile et peu prodigue à son égard.
Chargé par les
dieux de distribuer des qualités spécifiques à chaque animal, Prométhée accepte de
déléguer cette mission à son frère Epiméthée qui, dans son empressement, oublie
l'homme.
Pour éviter que ce dernier ne disparaisse et pour réparer l'étourderie
d'Epiméthée, Prométhée dérobe le feu à Héphaïstos et la connaissance des arts à
Athéna pour en faire présent à l'homme.
Mais les Dieux en sont irrités et punissent
Prométhée pour sa forfaiture.
Les leçons de ce mythe sont très nombreuses.
D'abord, on
peut remarquer que sans les arts et le feu (c'est-à-dire sans la technique), l'homme est
dans un état de dénuement total.
Comparativement aux animaux, il ne dispose en effet
d'aucun "outil naturel" : pas de bec, pas de crocs, pas de fourrure, pas de venin, pas
d'agilité à la course… L'homme est donc contraint, sous peine de disparaître, de pallier la
faiblesse de sa condition par l'usage d'outils et d'artifices divers.
La technique se donne
par conséquent, d'abord, comme une nécessité vitale à laquelle nous devons notre
survie et notre arrachement à la nature ainsi que notre spécificité.
Mais dans le mythe,
il faut rappeler que les dieux punissent Prométhée et ce n'est pas seulement le vol qu'ils sanctionnent parce que
celui-ci s'apparente plus fondamentalement à un viol : Prométhée a donné à l'homme le moyen d'être une sorte de
dieu lui-même, un rival inattendu.
Par le développement des arts et des techniques, l'homme dispose d'un pouvoir
extraordinaire.
Alors, le cadeau est peut-être empoisonné : ce pouvoir, l'homme peut-il le maîtriser ? Ce à quoi il doit
sa survie ne risque-t-il pas de préparer paradoxalement sa disparition ? Si la technique est d'origine divine, elle
procure un grand pouvoir, une immense responsabilité, et elle peut aussi se retourner contre ceux qui ne sont pas
conscients des dangers qu'elle engendre.
- La technique pensée de telle sorte est-elle libératrice ?
- S'interroger sur l'adéquation de la puissance technique et de la liberté revient à s'interroger sur les rapports entre
la liberté de l'homme et la nature.
L'homme, est soumis à son environnement : il est pris dans le déterminisme, c'est
à dire dans la causalité qui régit les objets et les animaux.
Mais si l'on considère qu'une liberté est possible, alors on
doit considérer qu'il est possible pour lui de sortir de ce déterminisme.
- Or, une façon de voir cette liberté, c'est à dire cette possibilité pour l'homme de produire du nouveau, ne peut-elle
le pouvoir de la technique ? Pouvoir modifier son environnement constitue ainsi pour l'homme le seul moyen de
s'affranchir des lois naturelles.
Georges Bataille écrit, à ce propos (dans L'Erotisme)
"Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné
naturel, qui le nie.
Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui.
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