Suis-je ce que j'ai conscience d'être ? dissertation
Publié le 28/12/2022
Extrait du document
«
Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?
Parmi tous les caractères définissant l'homme, la conscience apparaît comme le plus
essentiel, par elle il sait qu'il existe, que le monde autour de lui existe.
La conscience (du
latin cum scientia, qui signifie savoir avec, savoir que nous savons) est donc ce par quoi le
« je » se constitue comme présence au monde.
Par la conscience nous savons que nous
existons dans le monde et ce savoir accompagne toute notre existence.
Mais par ce savoir, pouvons-nous immédiatement saisir la réalité de notre être, connaître
la vérité sur nous-mêmes ? La conscience de soi nous permet de savoir que nous
sommes, mais nous permet-elle de savoir ce que nous sommes ? Il se peut que nous
nous trompons sur nous-mêmes, que l'image de nous-mêmes que nous renvoie notre
conscience soit illusoire.
Nous tenterons de répondre en distinguant la conscience de soi de la connaissance de soi
afin de déterminer s'il est possible et dans quelle condition il est possible de passer de
l'une à l'autre.
L'être conscient de soi est donc celui qui sait qu'il existe, qui se perçoit lui-même au
travers d'une intuition lui permettant de construire une représentation intellectuelle de luimême, c'est-à-dire de se penser lui-même.
Mais cette conscience de soi parvient-elle toujours à se constituer comme connaissance
de soi, c'est-à-dire à devenir un savoir plus approfondi du sujet sur lui-même, sur ce qu'il
est réellement ? Peut-elle se constituer comme un savoir excluant toute possibilité
d'erreurs et d'illusions sur soi-même ? Il semble en effet, à première vue, difficile de
séparer la conscience de soi de la connaissance de soi, puisque pour se connaître il est
nécessaire de savoir que nous existons existe.
Mais d'un autre point de vue pour se
tromper sur soi-même, être victime d'illusion sur soi-même, ne faut-il pas également avoir
conscience de soi ? Aussi la question qui nous est posé « Suis-je ce que j'ai conscience
d'être ? », oppose-t-elle ces deux formes de savoir, ou du moins s'interroge-t-elle sur les
relations qu'elles entretiennent entre elles ? Pour traiter cette question il est donc
nécessaire que soit confrontée à l'aspect que la conscience nous donne de nous-mêmes
(ce que nous avons conscience d'être), la réalité de ce nous dont nous avons conscience
(ce que nous sommes).
La conscience que nous avons de nous-mêmes n'est peut-être
qu'une réalité illusoire masquant la réalité sur ce que nous sommes.
Abordée
superficiellement cette question ne semble donc pas faire problème, ayant conscience de
nous, nous pouvons nous contempler, nous observer et savoir qui nous sommes, il ne
semble donc pas qu'il y ait réellement de différence entre conscience et connaissance de
soi ; ce qui n'est pas absolument faux dans la mesure où la connaissance de soi suppose
la conscience de soi, où elle est en quelque sorte le degré le plus achevé de la conscience
de soi.
Mais s'il y a une relation entre ces deux formes de savoir, elles ne sont pas
nécessairement identiques.
La conscience spontanée, immédiate peut se laisser abuser
par l'imagination, se fier aux fausses évidences que nous livrent les sens et l'affectivité, se
laisser influencer par le témoignage d'autrui parfois trompeur (mais parfois aussi
révélateur des illusions que nous pouvons nous faire sur nous-mêmes).
Ainsi tels les
prisonniers de la caverne de Platon, notre conscience ne nous montre peut-être que
l'ombre de nous-mêmes derrière laquelle se cache la véritable réalité de notre être.
Ainsi
tel Descartes, nous pouvons croire que l'existence de notre corps est plus certaine que
celle de notre âme ; nous avons conscience d'être un corps, mais sommes nous
véritablement ce corps que nous avons conscience d'être ?
Descartes montre que cette conscience immédiate que nous avons de nous-mêmes en
tant que corps, n'a en réalité rien d'évident ; bien au contraire l'existence du corps est
sujette au doute alors que notre existence en tant que pensée est, quant à elle,
indubitable.
Ainsi pour Descartes nous croyons être un corps avant d'être une âme, nous
sommes plus certains de l'existence de notre corps que de celle de notre âme, et après
réflexion voilà soudain la situation renversée, nous ne sommes plus ce que nous avions
conscience d'être, avant d'être un corps nous sommes une substance pensante.
Mais
cette pensée que nous sommes, selon Descartes, n'est-elle pas elle-même source
d'illusion ?Ainsi, si notre pensée nous apparaît avec plus d'évidence que notre corps, cela
signifie-t-il pour autant que nous puissions exister sans lui ?Cette question peut aussi
concerner les contenus de notre pensée, ce que nous voulons, concevons, désirons,
imaginons, etc.
Sont-ils de purs produits de cette pensée ? Ou proviennent-ils d'autres
choses ? Pourquoi sommes-nous plutôt attiré par telle pensée que par telle autre,
pourquoi sommes-nous plutôt mu par tel désir que par tel autre ? Nous croyons le penser
ou le désirer volontairement, mais ne sommes-nous pas à notre insu déterminé par des
causes que nous ignorons, ne sommes-nous pas encore victime d'une illusion ? La
conscience que nous avons de nous-mêmes comme pensée autonome, indépendante
correspond-elle à ce que nous sommes réellement ? Ne sommes-nous pas victime de
cette illusion de la liberté que dénonce Spinoza, et qui tire son origine de la conscience.
En effet nous avons conscience de nos désirs, mais nous ne connaissons pas pour autant
les causes qui les déterminent et qui les ont fait naître, nous croyons donc être nousmêmes l'origine de ces désirs alors qu'il n'en est rien ; tout comme l'homme ivre croit,
pendant qu'il parle, être la cause et....
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