Suffit-il pour être soi-même d'être différent des autres?
Extrait du document
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Problématique:
L'affirmation de soi passe le plus souvent par la recherche d'une identité propre, différente de celle des autres.
Mais tous en cela se ressemblent.
La prise
en compte de l'universalité de l'humaine condition conduit à la vraie richesse intérieure.
Affirmer sa personnalité, c'est s'opposer à tout ce qui n'est pas conforme à elle.
C ependant, la différenciation à tout prix ne peut tenir lieu de personnalité.
L'être qui n'existe que dans l'opposition à autrui est tout aussi vide que celui qui ne s'oppose à rien parce qu'il n'est rien lui-même.
On ne peut devenir soi
complètement par référence à autrui.
Que faut-il donc ajouter à la simple différenciation des autres pour atteindre son être véritable? Nous essaierons de
tracer le chemin résolument personnel par lequel le moi, s'arrachant aux relations qui le lient aux autres, peut entrer en possession de soi.
Nous
découvrirons que la route qui mène à soi passe encore par autrui.
Ce sont donc les relations complexes qui m'unissent aux autres qu'il faut élucider.
[ Être soi-même, c'est ne pas se réduire à n'être que l'élément typé d'une catégorie.
Il faut, pour cela, être différent.
Pour être soi-même, il faut être un
sujet indépendant et irréductible.
Le «moi» ne peut s'affirmer qu'en se différenciant des autres.
C'est cette différenciation qui permet d'accéder à la
conscience de soi.]
Être soi-même, c'est être conscient de soi de sa différence
L'avènement de la conscience de soi et la reconnaissance de l'autre comme différent sont deux aspects d'un même processus spirituel.
Dans le
contexte social - et celui-ci est constitutif de l'existence humaine - le «moi» ne peut s'affirmer qu'en affirmant sa différence par rapport aux «autres».
Être soi-même, c'est être une personne
La conscience d'être une personne vient essentiellement du sentiment d'être différent des autres.
D'ailleurs, selon Émile Durkheim, c'est au terme
d'une évolution sociale qui instaure la division du travail et individualise le rôle de chacun dans la production que tout homme devient capable de se
sentir une personne.
Être soi-même, c'est être unique
Au sens strict, la personne, c'est le sujet singulier, unique.
C 'est ce que montre Marcel Mauss, dans ses analyses sur les Esquimaux, en insistant sur
l'importance du nom dans le sentiment d'être soi-même.
Tous les Esquimaux qui portent le même nom se considèrent, paraît-il, comme à peu près
interchangeables.
C e qui singularise l'individu dans le groupe, c'est la différenciation des fonctions.
[Être différent ne suffit pas.
Être soi-même, c'est aussi être un homme semblable à tous les autres hommes.
Pour être moi-même, il faut que je sois
différent des autres, mais il faut aussi que je leur ressemble.
Chacun est une individualité originale, mais, pour être une personne, il faut être semblable aux
autres.]
Être soi-même, c'est être conscient de soi
Or, être conscient de soi, c'est être conscient de soi comme homme.
Pour être conscient de soi comme homme, il faut avoir été reconnu comme tel
par un autre homme.
Donc, pour être soi-même, il faut d'abord être comme l'autre, et ce n'est qu'ensuite que l'on peut s'en différencier.
Je ne suis qu'un élément dans un ensemble
Lorsque je m'interroge sur mon être propre, je m'aperçois que je me réduis facilement à n'être que l'élément d'une catégorie.
L'orgueil de famille, de
caste ou de patrie n'est rien d'autre que l'affirmation qu'être soi-même, c'est d'abord appartenir à un groupe et se définir comme ayant, avec les autres
et comme eux, les qualités dont le groupe se targue.
Pour être soi-même, il faut alors être comme les autres.
Être soi-même, c'est se sentir exister
L'expérience prouve que la plupart des personnes ne se sentent exister que lorsqu'elles sont reconnues par les autres.
Et, pour être reconnu, il faut
être comme tout le monde.
Les sociétés d'enfants (école et terrain de jeu) le manifestent avec évidence.
Elles sont impitoyables pour celui qui n'est
pas habillé, bâti comme tout le monde.
[]
concevoir son propre accomplissement personnel sur le mode d'une affirmation individualiste, c'est méconnaître la nécessaire solidarité des
personnes humaines.
La personne est une valeur en tant qu'elle se manifeste comme étant la même en moi et en l'autre.
C'est pour cela, d'ailleurs,
qu'elle doit être défendue.
En fait, la distinction entre moi et l'autre n'est pas obligatoire, et, pour le moins tardive, tant dans la vie de l'individu que dans l'histoire des cultures.
Comme le fait remarquer Max Scheler dans Nature et formes de la sympathie: «L'homme vit tout d'abord et principalement dans les autres, non en luimême; il vit plus dans la communauté que dans son propre individu».
Autrui est, à la fois, le même et l'autre.
Il y a donc deux façons de méconnaître
l'homme: nier que l'autre soit différent ou nier qu'il soit semblable..
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