Suffit-il d'être indépendant pour être libre ?

« Sujet : Suffit-il d'être indépendant pour être libre ? Analyse du sujet : - « Suffit-il » indique qu'il faut s'interroger sur une condition et plus précisément sur une condition qui soit à la fois nécessaire et suffisante. - Il est donc présupposé ici que l'indépendance est nécessaire ; tout le problème est alors de savoir si cela suffit, c'est-à-dire si l'indépendance entraîne à elle seule l'effet souhaité, si elle est l'unique facteur déterminant la liberté. - La notion d'indépendance : si elle est simplement l'absence de dépendance au sens de soumission à une autorité et alors, elle serait effectivement ce qui est uniquement requis pour penser la liberté entendue comme opposé de la servitude et puissance d'agir sans être empêché. - Cependant, la liberté n'est pas que pouvoir d'agir sans contrainte : il existe une forme de liberté qui inclut l'idée de contrainte et de soumission (=l'autonomie comme capacité de la volonté à constituer pour elle-même et par elle-même ses propres règles au lieu de rejeter toute forme de détermination).

C'est cette définition qui permet de donner sens au sujet et qui est ici en jeu : la liberté doit-elle être pensée sur le modèle de l'affranchissement ou émancipation à l'égard de toute figure du commandement, de toute autorité ou bien n'existe-t-elle que dans et par une certaine forme de déterminisme ou de limitation ? 1- LA DÉPENDANCE COMME HÉTÉRONOMIE PERMET DE DIRE QU'IL SUFFIT D'ÊTRE INDÉPENDANT POUR ÊTRE LIBRE a) qu'est-ce que la dépendance ? Au sens courant, un être dépendant est un être qui est placé sous le signe de l'hétéronomie : l'ensemble de ses actes est déterminé par des causes extérieures à sa volonté.

Exemple : la conduite des enfants qui est commandée par celle de ses maîtres et parents. Au contraire de cet état où l'on décide pour nous, l'indépendance renvoie à la capacité d'être « principe et générateur de ses actions comme un père l'est de ses enfants » (Aristote). b) être libre = être à soi-même sa propre cause L'indépendance désigne l'état de celui qui n'est pas soumis à une autorité ou une volonté extérieure à lui : il a sur lui-même et sur ses actes un empire total.

Autrement dit, être indépendant et être libre sont une seule et même chose de sorte que la liberté ne vient à exister dès lors que toute forme de résistance ou de contrainte ne vient pas m'empêcher de vouloir et de faire.

Cette idée est exposée par Nietzsche. c) l'indépendance comme victoire sur ce qui me résiste Pour Nietzsche, au §38 du Crépuscule des idoles, la liberté doit être pensée sur le modèle de l'avoir, c'est-à-dire de ce qu'on obtient au prix d'un effort, d'un combat.

Ainsi, il n'y a de liberté que dans l'annulation de toute forme de force contraire à l'expansion de ma force. Nietzsche écrit : « A quoi se mesure la liberté chez les individus comme chez les peuples? A la résistance qu'il faut surmonter, à la peine qu'il en coûte pour arriver en haut.

Le type le plus élevé de l'homme libre doit être cherché là où constamment la plus forte résistance doit être vaincue ».

L'indépendance comme annulation, suppression et dépassement de toute forme de commandement suffit donc pour penser la liberté. Transition : Cependant, la liberté n'est-elle que libération et victoire sur ce qui s'oppose à moi ? Etre indépendant au sens d'affranchi de toute autorité est-il la condition qui à elle seule permet de rendre compte de ce que c'est qu'être libre ? Cette question car il semble qu'une indépendance totale, un néant d'autorité, mène, comme le montre Platon dans La République en décrivant le régime démocratique (régime radicalement permissif et excessivement égalitaire), à la tyrannie (les hommes voulant être absolument indépendants, il est inévitable que l'un d'entre eux finissent par s'asservir tous les autres afin d'être le seul et unique maître = être parfaitement libre) 2- LA LIBERTÉ NE SE RÉDUIT PAS À L'INDÉPENDANCE IMPRATICABLE : SANS POUVOIR CONTRAIGNANT, UNE TELLE LIBERTÉ EST. »