Suffit-il de se sentir libre pour être libre?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
LIBERTÉ:
Ce mot, en philosophie a trois sens :
1° Libre arbitre.
Pouvoir mystérieux de choisir entre les motifs qui me sollicitent sans être déterminé par aucun
d'eux.
2° Liberté de spontanéité.
S'oppose non plus au déterminisme mais à la contrainte : état de celui qui agit sans être
contraint par une force extérieure.
3° Liberté du sage.
État de celui qui est délivré des passions et agit à la lumière de la raison.
A.
Le sentiment intérieur de la liberté
Nous avons tous le sentiment intérieur de notre liberté.
Pour Descartes, la « liberté de notre volonté » se connaît
immédiatement, « sans preuves » par « la seule expérience que nous en avons».
Nous en faisons l'expérience en particulier dans le doute.
Au moment même où nous doutons de tout et où nous
supposons que celui qui nous a créé emploie tout son pouvoir à nous tromper, nous affirmons l'indépendance absolue
de notre volonté à l'égard de la raison et expérimentons ainsi notre liberté.
Celle-ci est si parfaite, si ample « qu'elle
n'est renfermée dans aucune borne ».
Elle nous fait connaître « que nous sommes à l'image et à la ressemblance de
Dieu ».
Le « je doute » implique donc la liberté : le « je suis libre » est la suite immédiate du « je doute ».
Je doute donc je
suis libre.
Mais qu'est-ce qu'un être libre? Justement un être qui doute, qui affirme ou qui nie, qui veut ou qui ne
veut pas.
Cette liberté se manifeste d'abord dans l'état d'« indifférence » lorsque la volonté « n'est point portée par
la connaissance du vrai ou du bien à suivre un parti plutôt qu'un autre ».
Ainsi, par exemple, l'âne de Buridan, entre
deux prés dont l'herbe est également fraîche, est également porté à l'un et à l'autre.
Dans une telle situation, si
l'âne n'a pas la liberté de choisir entre l'un ou l'autre pré, il se laissera mourir de faim.
La liberté est précisément ce
qui permet de choisir entre deux partis contraires auxquels nous sommes également déterminés.
Dans un tel choix,
nous expérimentons la liberté de notre volonté qui n'est déterminée par aucun mobile ou motif à pencher dans un
sens plutôt que dans l'autre.
Mais la liberté se manifeste aussi par le pouvoir d'affirmer ou de nier, de choisir ou de ne pas choisir dans une
indépendance absolue à l'égard de toutes déterminations sensibles ou intellectuelles : «Au point que, même
lorsqu'une raison fort évidente nous pousse vers un parti, quoique, moralement parlant, il soit difficile de faire le
contraire, parlant néanmoins absolument, nous le pouvons.
»
Ainsi, par exemple, contre les exigences de la morale, nous pouvons « suivre le pire tout en voyant le meilleur » ou
bien, contre les exigences de la raison, nous pouvons affirmer que le tout est plus petit que la partie.
Autrement dit,
nous pouvons choisir le mal alors même que nous connaissons le bien ou encore affirmer le faux alors même que
nous connaissons le vrai.
Ainsi se manifeste la liberté absolue de notre volonté ou ce qu'on nomme le « libre arbitre
».
B.
Critique du libre arbitre
Une liberté se déterminant indifféremment dans un sens ou dans un autre se traduit par des actes gratuits.
Un acte
gratuit est un acte commis sans raison, un acte qui n'a pas plus de raisons d'avoir été commis que de ne pas l'avoir
été, un acte non motivé, non déterminé.
Dans le Prométhée mal enchaîné, A.
Gide écrit : «j'ai longtemps pensé que
c'était là ce qui distinguait l'homme des animaux : une action gratuite...
Un acte qui n'est motivé par rien...
L'acte
désintéressé; né de soi; l'acte aussi sans but; donc sans maître, l'acte libre; l'Acte autochtone.
»
Ainsi dans Les caves du Vatican, on voit le personnage Lafcadio accomplir un acte « sans raison ni profit », un
meurtre immotivé, celui d'Amédée Fleurissoire, rencontré dans un train.
Mais, en fait, cet acte a pour but de prouver
à Lafcadio sa liberté.
Il n'est donc pas gratuit puisqu'il est déterminé par le désir d'accomplir un acte gratuit.
En
outre, qui peut juger de la gratuité d'un acte sinon celui qui le commet ? Or celui-ci, même s'il a le sentiment
intérieur d'agir gratuitement, peut ignorer les véritables déterminations insensibles ou inconscientes de son acte.
C'est dans ce sens que Leibniz, dans ses Essais de Théodicée', affirme que la liberté d'indifférence est une pure
fiction.
Le cas de l'âne de Buridan, dit-il, est une fiction « qui ne saurait avoir lieu dans l'univers, dans l'ordre de la
nature ».
Il y aura toujours bien des choses « dans l'âne et hors de l'âne, quoiqu'elles ne nous paraissent pas, qui le
détermineront à aller d'un côté plutôt que de l'autre ».
Il en est de même pour l'homme qui, quoique libre, ce que
l'âne n'est pas, ne saurait se trouver dans le « cas d'un parfait équilibre entre deux partis ».
Et seul un ange ou Dieu
pourrait toujours rendre raison du parti que l'homme a pris, « en assignant une cause ou une raison inclinante qui l'a
porté véritablement à le prendre ».
Cette raison est souvent inconcevable à nous-même parce que « l'enchaînement
des causes liées les unes avec les autres va loin »..
»
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