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Suffit-il de percevoir pour savoir ?

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« La perception est le mode de notre rapport au monde.

Le monde nous apparaît à travers le travail des sens.

La perception est cependant plus qu'une simple sensation: elle est déjà un jugement sur l'objet perçu.

Ce n'est pas seulement sentir des couleurs, des odeurs, c'est identifier un objet.

Une perception est ainsi une sensation accompagnée d'un jugement.

La perception contient ainsi deux problématiques: soit on la considère selon l'objet perçu, on s'interroge alors sur la réalité objective du phénomène, sur sa capacité à être partager par plusieurs observateurs aux représentations concordantes.

Soit on s'intéresse à l'observateur qui lors de la perception opère un retour réflexif sur des événements qui se produisent en lui, conscients ou inconscients, et qui influent sur son jugement.

On s'intéresse alors à la perception d'un point de vue subjectif.

C'est dans cette dualité que se situe notre question.

Peut-on dégager de la perception des aspects objectifs de l'objet qui nous en livrerait un savoir objectif; ou bien la perception n'est-elle que la vision du monde au travers de notre sensibilité, toujours mêlée de nos attentes, de notre histoire...

et donc uniquement subjective et incapable de fonder un savoir. I- Les erreurs de la perception Il faut tout d'abord confronter la perception à la science, c'est-à-dire déterminer l'objectivité de nos représentations.

Est-ce que la perception est suffisamment fiable pour s'ériger en savoir? Quel est le degré de généralisation de nos représentations perçues? -Une première critique s'oppose à l'idée d'un savoir obtenue par la perception: ce sont les erreurs de la perception, les illusions des sens.

La perception peut être source d'erreurs et ne peut donc fonder un savoir.

Les illusions d'optique comme ce bâton qui plongée dans l'eau paraît rompue, ou bien ces lignes qui paraissent de taille différente suivant leur placement...

sont autant d'exemples qui montrent le danger de se fonder uniquement sur la perception. -Prenons avec Descartes l'exemple du morceau de cire.

(Méditations métaphysiques) Je vois de prime abord une cire dure, d'une certaine couleur et d'une certaine forme.

Mais dès que je la réchauffe, toutes ses impressions premières disparaissent, je ne reconnais plus la cire initiale.

La seule « vision des yeux » empêche de comprendre qu'il s'agit de la même cire, seule « l'inspection de l'esprit » permet de me le faire comprendre.

« Si par hasard je ne regardais d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire, et cependant que vois-je de cette fenêtre sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par des ressorts, mai je juge que ce sont des vrais hommes.

» Les sens nous fournissent une information, la vision des chapeaux et des manteaux, mais l'esprit par sa capacité de juger annonce qu'il s'agit d'hommes réels.

Ici réside la possibilité d'une erreur: le jugement de la raison dépasse ce que nous enseignent les sens.

C'est donc bien la perception en tant que mélange de sensibilité et de jugement qui est ici critiquée et déclarée inapte à fonder un savoir. II-La perception comme expérience première -A l'opposé de cette rationaliste qui voit dans la perception une source inépuisable d'erreurs, on peut se tourner du coté subjectif de la perception et mettre en avant non plus l'objet dans une recherche d'objectivité rationnelle, mais le sujet percevant, cette conscience fondatrice qui cherche à se dégager des préjugés du langage pour sentir le monde tel qu'il est.

C'est le sens du reproche de Merleau-ponty à Descartes qui ne voit plus la cire en tant que telle, mais déjà la cire du physicien.

Il s'agit pour lui de ne pas oublier que la perception est cette expérience première du monde, l'expérience fondatrice de ce que nous savons du monde, et de ce que nous pouvons en dire, en un langage scientifique ou non. « Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d'une vue mienne ou d'une expérience du monde sans laquelle les symboles de la science ne voudraient rien dire.

Tout l'univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons penser la science (...) il nous faut réveiller d'abord cette expérience du monde dont elle est l'expression seconde.

» (Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception). -Pour Alain, la perception est déjà un savoir.

La perception est un savoir concret, direct, qu'aucune science ne pourra m'apporter.

En ce sens, la science est une perception droite, c'est-à-dire une idée exacte de la chose.

La perception doit s'accompagner d'une réflexion sur l'objet perçu, car « si je ne raisonne point, je resterai en présence d 'apparences qui par elles-mêmes ne me diront rien.

» (Alain, Propos).

Le degré de précision de la perception n'apporte rien au savoir, si celle-ci ne s'accompagne pas d'une volonté de réflexion sur le perçu: « le microscope étourdit l'ignorant, il ne l'instruit point ». III-La science comme nécessaire rupture d'avec l'immédiat. »

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