Suffit-il de communiquer pour dialoguer ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
COMMUNIQUER / COMMUNICATION: Transmission d'informations ou de signaux à l'aide d'un code.
Echange d'un
message entre un récepteur et un émetteur (aussi bien animaux qu'humains).
DIALOGUE : Discours à plusieurs voix cherchant la vérité universelle, et présupposant, entre ceux qui parlent et
se répondent, une raison commune.
PREMIERE CORRECTION
Le dialogue comme la communication ne sont-ils pas tous deux basés sur la réciprocité ? Communiquer, est-ce
simplement livrer des informations, donner des messages sans qu'il y ait besoin d'attendre de la part d'autrui autre
chose qu'une réaction simple : compris ou non, d'accord ou non ? Dialoguer ne suppose-t-il pas un véritable
échange d'idées, ou encore une réelle compréhension de l'autre ? Le dialogue semble impliquer plus de sens, plus de
don de soi, plus de richesse dans ce qui est à dire.
L'intérêt du sujet est de voir que le dialogue ne suppose
cependant pas forcément l'accord : dialoguer, c'est aussi échanger des point de vues contradictoires,
incompatibles, mais dans un horizon commun, celui de la discussion fructueuse.
Autrement dit, ce n'est pas le simple
fait d'user du langage qui donne du sens, c'est aussi une intentionnalité, une volonté, un besoin.
On trouvera de
bons exemples dans le personnage de Socrate dans les dialogues de Platon, ou dans les correspondances
philosophiques ou littéraires.
Le propre des médias n'est-il pas de communiquer d'abord avant de proposer très
rarement et souvent très partiellement des dialogues ? Leur but est d'attirer, de provoquer des désirs (publicité), de
créer des réactions de consommation mesurables et des sources d'argent (audimat).
Définition des termes du sujet
La question « suffit-il » demande de décider si une condition posée est suffisante ou non pour provoquer tel ou tel
effet.
Ici, la condition interrogée est « communiquer », l'action visée est « dialoguer ».
« Communiquer », c'est, à la lettre, faire en sorte qu'une pensée, qu'une idée, qu'un affect, deviennent communs :
celui qui communique cherche à former une communauté de compréhension avec celui à qui il adresse sa
communication.
« Dialoguer » a un sens plus précis.
Etymologiquement, c'est parler, raisonner (du grec « logein ») à deux (« di »),
c'est échanger des idées par le biais du langage, de la discussion, dans le but de mieux comprendre des idées ou
d'en élaborer de nouvelles.
(cf.
les dialogues « socratiques »).
La question est donc la suivante : la démarche de communication avec l'autre, comprise comme effort pour lui faire
comprendre et partager une pensée, et posée comme nécessaire à cet effort, est-elle suffisante pour établir avec
lui une discussion des points de vue, un travail commun des idées ? Si ce n'est pas le cas, quelles sont les
conditions d'existence du dialogue qui manquent à la communication ?
Proposition de plan
I.
Les difficiles conditions d'existence du dialogue et de la communication
Cette première partie devrait aider à élaborer le problème dans toute son ampleur.
Le problème de la communication
et du dialogue pose en effet celui des modalités par lesquelles nous nous rapportons à autrui.
Notamment, si l'on
tente de communiquer avec quelqu'un alors que ce dernier n'a pas de disposition à dialoguer avec nous, cette
tentative avorte, car ses conditions de possibilité ne sont pas réunies.
Il faudrait donc commencer par penser une
sorte de contrat de communication qui permettrait le dialogue.
Les problèmes posés par les deux textes de MerleauPonty qui suivent devraient permettre cela.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception
Autrui ou moi, il faut choisir, dit-on.
Mais on choisit l'un contre l'autre, et ainsi on affirme le conflit.
Autrui me
transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on.
En réalité le regard d'autrui ne me
transforme en objet, et mon regard ne le transforme en objet, que si l'un et l'autre nous nous retirons dans le fond
de notre nature pensante, si nous nous faisons l'un et l'autre regard inhumain, si chacun sent ses actions, non pas
reprises et comprises, mais observées comme celles d'un insecte.
C'est par exemple ce qui arrive quand je subis le
regard d'un inconnu.
Mais même alors, l'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie comme
pénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible.
Le regard d'un chien sur moi ne me gêne
guère.
Le refus de communiquer est encore un mode de communication.
La liberté protéiforme, la nature pensante,
le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend
bien la communication, mais ne l'anéantit pas.
Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seul mot, je peux
croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer.
Mais qu'il dise un
mot, ou seulement qu'il ait un geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'est donc là sa voix ce sont
là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible.
Chaque existence ne transcende définitivement
les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle..
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