SPINOZA: RAISON ET PASSIONS
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Le désir pour Spinoza est une puissance d’affirmation de soi. Le désir est source de toute évaluation, la mise en relief du monde à partir des valeurs qu’il produit. Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne. C’est au contraire parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. Telle est la thèse que l’on doit tirer de Ethique, Troisième partie proposition 6.
Selon Spinoza le désir exprime le conatus c’est-à-dire l’effort pour persévérer dans l’être, qui définit l’essence de toute chose : ce que toute chose doit réaliser afin de s’accomplir. Or, le conatus n’est pas spontanément rationnel, il peut aliéner (égarer) l’homme dans des représentations dilettantes et illusoires qui expriment certes le conatus mais mutilé et réduit en puissance.
Un « Désir par lequel un individu s’efforce de se conserver en vertu du seul commandement de la Raison » Ethique, livre 4, proposition 59, scolie) engendre la joie. Ce à quoi nous enjoint Spinoza de faire est de réaliser notre nature, de l’accomplir au plus haut sens du terme. Mais cela ne peut s’effectuer que si nous persévérons dans notre être et que nous accomplissons le désir de puissance comme expression de la vie même. Tous les désirs ne sont pas pour autant signe de notre puissance d’agir. Seuls les désirs dont nous sommes causes adéquates mènent à la vertu et donc au bonheur.
Or, constate Spinoza, les hommes ne répondent pas à cet idéal de sagesse. Pour autant Spinoza ne détruit pas toute possibilité pour l’homme du commun d’atteindre la sagesse, il sera contraint à être libre et sage. La loi a en effet pour rôle de contraindre les hommes à la vertu, en suscitant de leur part la crainte. D’où la nécessité d’un Etat suffisamment fort pour contraindre les hommes à la vertu et donc plus paradoxalement à la liberté.
Nous verrons en premier lieu, le décalage entre ce que les hommes sont et ce qu’ils devraient être pour être libres. (De : « Si les hommes étaient ainsi disposés.. » à « …ce qui est vraiment utile »)
Ensuite, nous étudierons en quoi le recours à la loi est nécessaire pour contraindre les hommes à la vertu et à la liberté. (De : « Mais tout autre est la disposition de la nature humaine » à « l’appétit du plaisir et des passions sans frein »)
«
Introduction
Le désir pour Spinoza est une puissance d'affirmation de soi.
Le désir est
source de toute évaluation, la mise en relief du monde à partir des valeurs
qu'il produit.
Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons
bonne.
C'est au contraire parce que nous la désirons que nous la jugeons
bonne.
Telle est la thèse que l'on doit tirer de Ethique, Troisième partie
proposition 6.
Selon Spinoza le désir exprime le conatus c'est-à-dire l'effort pour persévérer
dans l'être, qui définit l'essence de toute chose : ce que toute chose doit
réaliser afin de s'accomplir.
Or, le conatus n'est pas spontanément rationnel,
il peut aliéner (égarer) l'homme dans des représentations dilettantes et
illusoires qui expriment certes le conatus mais mutilé et réduit en puissance.
Un « Désir par lequel un individu s'efforce de se conserver en vertu du seul
commandement de la Raison » Ethique, livre 4, proposition 59, scolie)
engendre la joie.
Ce à quoi nous enjoint Spinoza de faire est de réaliser notre
nature, de l'accomplir au plus haut sens du terme.
Mais cela ne peut
s'effectuer que si nous persévérons dans notre être et que nous
accomplissons le désir de puissance comme expression de la vie même.
Tous
les désirs ne sont pas pour autant signe de notre puissance d'agir.
Seuls les
désirs dont nous sommes causes adéquates mènent à la vertu et donc au bonheur.
Or, constate Spinoza, les hommes ne répondent pas à cet idéal de sagesse.
Pour autant Spinoza ne détruit pas
toute possibilité pour l'homme du commun d'atteindre la sagesse, il sera contraint à être libre et sage.
La loi a en
effet pour rôle de contraindre les hommes à la vertu, en suscitant de leur part la crainte.
D'où la nécessité d'un Etat
suffisamment fort pour contraindre les hommes à la vertu et donc plus paradoxalement à la liberté.
Nous verrons en premier lieu, le décalage entre ce que les hommes sont et ce qu'ils devraient être pour être libres.
(De : « Si les hommes étaient ainsi disposés..
» à « …ce qui est vraiment utile »)
Ensuite, nous étudierons en quoi le recours à la loi est nécessaire pour contraindre les hommes à la vertu et à la
liberté.
(De : « Mais tout autre est la disposition de la nature humaine » à « l'appétit du plaisir et des passions sans
frein »)
Les hommes sont incapables d'être vertueux par eux-mêmes
Spinoza commence ce texte par un constat, les hommes ne sont pas comme ils devraient être.
Ils devraient être
sages, moraux et donc libres mais ils sont esclaves et entraînés par la passion.
Précisons que la sagesse pour Spinoza consiste en une connaissance des causes qui nous poussent à agir.
A cet
égard la connaissance du bien ne se révèle pas sous la forme d'une prescription morale qui nous empêche d'agir à
cause de la dissociation qu'elle nous impose entre raison et passion, mais elle s'identifie complètement à la
recherche de ce que nous savons être nécessaire à la conservation et à l'affirmation de notre puissance, c'est-àdire à l'utilité.
La libération résulte d'une connaissance et non d'un refoulement du désir, essence de l'homme.
« Etre
cause adéquate de soi » pour Spinoza c'est parvenir à la pleine maîtrise de soi qui ne peut se réaliser sans la
connaissance de soi.
Il n'y a donc pas lieu pour Spinoza de rejeter le désir, il faut plutôt connaître les causes qui
nous conduisent à désirer et s'en rendre maître.
Telle est l'attitude selon la droite raison.
Si tous les individus qui composent une société étaient ainsi, une telle société pourrait faire l'économie de
l'établissement de lois, puisque les individus agiraient selon les règles de la vertu qu'ils se seraient donnés à euxmêmes.
Ou comme le dit Spinoza « la société n'aurait besoin d'aucune lois, il suffirait absolument d'éclairer les
hommes par des enseignements moraux pour qu'ils fissent d'eux-mêmes et d'une âme libérale ce qui est vraiment
utile ».
Dans la mesure où en effet les hommes suivent leur désir indépendamment de la droite raison, ils suivent non leur
véritable intérêt mais ce qu'ils pensent leur être utile.
En effet nous avons davantage tendance à nous égarés dans
des représentations dilettantes, à suivre les passions, nous pâtissons davantage que nous n'agissons.
Pour autant
la solution de Spinoza ne conduit pas a condamner toute forme de désir, mais à l'orienter vers la raison, la passion
devient dés lors action.
La solution, pour Spinoza est de faire appel à deux affects primitifs que sont la crainte et l'espoir et qui commandent
aux hommes à rechercher leur utile propre.
Pour Spinoza, comme il l'expose dans la seconde scolie proposition 37 de l'Ethique: « La différence entre la vertu
véritable et l'impuissance se perçoit aisément dés lors, la vertu véritable ne consistant en rien d'autre qu'à vivre
sous la conduite de la Raison, l'impuissance consistant seulement par les choses extérieures à lui et déterminé par
elles à faire ce que la constitution du monde extérieur demande, et non ce que demande sa propre nature
considérée en elle seule ».
La loi est envisagée comme un pis aller nécessaire à l'absence de sagesse des hommes.
Ils sont incapables de se
commander par eux-mêmes, c'est à la loi de les diriger vers la droite raison.
Or la loi est un commandement
extérieur, elle s'impose à l'individu et peut paraître arbitraire.
Pour qu'elle ne revête pas ce caractère d'arbitraire, elle
doit suggérer la vertu aux individus qui en sont incapables.
La loi libère davantage qu'elle ne contraint, mais elle doit
contraindre à la vertu pour libérer..
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