Spinoza: Puissance de la raison et liberté
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VOCABULAIRE SPINOZISTE
Tristesse: état conscient de réduction, de diminution de la puissance existentielle du Désir et du conatus.
Toutes
les passions, passives, sont des formes dérivées de cette Tristesse.
Morale: principes de la conduite recherchant la «perfection» et la «vertu», mais commandés traditionnellement par
la crainte (de la mort et des sanctions) et entraînant l’éloge de l’austérité et de l’humiliation.
Cette perfection et cette
vertu devront donc être définies autrement pour être véritables.
Ce sera la tâche de l’éthique.
Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).
La liberté
concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui
résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir).
Joie: c’est l’idée, la conscience, d’un accroissement de la puissance d’exister (le conatus).
Elle est, selon Spinoza,
l’un des trois affects fondamentaux (avec le Désir et la Tristesse) qui permettent de comprendre et de définir tous les
affects.
Ceux-ci (tels l’amour ou la haine, l’orgueil ou l’humilité) ne sont que des formes dérivées, actives ou passives,
de la Joie ou de la Tristesse.
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Éthique: recherche philosophique (réflexive) des voies permettant d’accéder à la félicité dans l’existence.
Cette
recherche définit donc des principes constants pour l’action et pour la connaissance.
Elle est distincte de la morale qui
n’est qu’une pseudo-connaissance, toujours inadéquate, du "bien" et du "mal".
La connaissance des mécanismes passionnels permet à l'homme de se libérer et d'accéder à la vertu véritable, qui
n'est autre que le bonheur.
1.
La voie du salut
A.
La connaissance libératrice
Nées de l'ignorance, les passions ne peuvent être vaincues que par la connaissance.
Prenons un exemple : un
homme est raciste parce que son imagination, à une certaine occasion, a lié ensemble l'appartenance à une certaine
race et la méchanceté.
Cette association imaginaire, dont il ignore le caractère illusoire, s'est faite spontanément en
lui à la suite d'une expérience désagréable, et ressurgit à toute occasion.
Mais la raison lui montre que cette association est une généralisation abusive, opérée par sa seule imagination ; que
la cause réelle de l'outrage n'était pas la race de l'individu, mais son caractère.
Du coup, sa haine à l'égard de la race
en question disparaît ; même si son imagination continue de faire l'association, il n'en est plus la proie ; son souvenir
désagréable ne se transformera plus en haine.
Si la raison ne supprime pas totalement la passion*, elle en neutralise au moins les conséquences.
Son irritation ne
se dirige plus sur des causes imaginaires.
B.
Impuissance des préceptes
Pour lutter contre une passion, la connaissance abstraite d'une règle de conduite n'est donc pas suffisante : le
tueur sait qu'il ne faut pas tuer, mais cela ne peut s'opposer victorieusement à ses passions, car il ne sait pas pourquoi
il est mal de tuer.
Ou plus exactement, il sait seulement que « c'est mal », sans comprendre que c'est mauvais, que
cela ne fera pas son bonheur.
La loi morale, pour être efficace, doit être vécue de l'intérieur, éprouvée, comprise.
Celui qui l'a comprise ne la
ressent plus comme une loi extérieure, imposée, mais comme une norme naturelle, qui ne fait que développer sa
puissance d'agir.
Pour contrer un sentiment, il faut un autre sentiment, plus fort, engendré par la connaissance : ainsi, la raison nous
présentant autrui comme notre semblable, et démontrant que l'homme est utile à l'homme, que la rivalité et la haine
sont stériles et finalement destructrices, elle suscite un sentiment de joie lié à l'idée d'autrui, bref un amour de
l'humanité capable de contrer l'emportement.
2.
L'éthique : la morale sans la tristesse
La vertu consiste à chercher ce qui nous est utile, sous la conduite de la raison : bref, à ordonner le désir à la
raison et non plus à l'imagination.
L'utile, c'est la joie durable de tout l'être, différente du plaisir passager, éprouvé
dans une partie du corps.
Au fond la raison permet au désir d'atteindre sa fin véritable, qui est la vertu, c'est-à-dire le
bonheur.
Or, la raison nous montre comme utile quasiment tout ce que la morale traditionnelle se contente d'énoncer comme
des règles ou des devoirs.
Elle en élimine seulement les passions tristes, bref les mauvais motifs – tout ce qui dans la
morale de tous les jours ne fait qu'ajouter la tristesse à la tristesse : ainsi le remords doit-il laisser place à la résolution
de bien faire, la crainte du châtiment à l'amour direct du bien, l'apitoiement stérile à une miséricorde active et joyeuse.
On découvre que les « lois morales » ne sont pas arbitraires ; le sage comprend pourquoi il est effectivement
mauvais pour notre bonheur véritable de tuer, de tromper, de mépriser, de haïr ; l'homme du commun est vertueux par.
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