Spinoza: Morale et politique
Extrait du document
«
Tout homme est sous la dépendance d'un autre, aussi longtemps que cet
autre le tient en sa puissance.
Il est indépendant, aussi longtemps qu'il
est capable de tenir tête à n'importe quelle force, de se venger à son gré
de tout préjudice qui lui serait causé, en un mot aussi longtemps qu'il
peut vivre exactement comme bon lui semble.
Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir
recours à différents procédés.
On peut l'avoir immobilisé par des liens, on
peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou
de s'enfuir.
On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché
par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son
maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien
propre.
Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière,
on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis.
Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous
sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci.
Du moins aussi
longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir.
Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant.
SPINOZA
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Morale: principes de la conduite recherchant la «perfection» et la «vertu», mais commandés traditionnellement par
la crainte (de la mort et des sanctions) et entraînant l’éloge de l’austérité et de l’humiliation.
Cette perfection et cette
vertu devront donc être définies autrement pour être véritables.
Ce sera la tâche de l’éthique.
Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).
La liberté
concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui
résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir).
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».
C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»).
Corps: mode fini de l’Attribut Étendue.
Il est composé de parties dont les actions internes et réciproques sont
constantes, formant ainsi un Individu stable.
Le corps humain est l’objet de l’idée constituant l’esprit humain.
Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.
Mais les séries
causales n’agissent que dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et
agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur
les corps (Attribut Étendue).
POUR DÉMARRER
on ne peut se dire indépendant que si l'on n'est maîtrisé par aucun lien de subordination, qu'il soit d'ordre matériel ou
d'ordre spirituel : telle est l'idée directrice qui anime ce texte de Spinoza, qui nous introduit ainsi à l'un des fondements
essentiels de la liberté.
CONSEILS PRATIQUES
Ici, les termes essentiels sont indépendance et puissance.
Ce terme, en particulier, joue un rôle pivot dans ce texte.
Spinoza décline ensuite les différentes formes que peut prendre cette puissance.
Notez bien que, dans la dernière
partie de ce texte, Spinoza montre la fragilité de la dépendance spirituelle, qui peut disparaître en effaçant simplement
les sentiments de crainte ou d'espoir.
C'est la connaissance qui nous purifie, nous délivre et nous permet d'accéder à la
vraie liberté.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
Spinoza analyse ici avec cynisme comment on peut soumettre l'homme à l'ordre social.
Selon lui, l'individu ne cherche
que son indépendance.
Il est dans une telle illusion sur sa liberté, que sa docilité en société ne peut être obtenue que par l'intimidation, la
force, la contrainte ou les récompenses..
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