SPINOZA : le désir est l'essence de l'homme
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«
« le désir est l'essence de l'homme » (III, définition générale des
affects)
Affirmer cela, c'est d'abord reconnaître l'importance et la nécessité du désir ;
irréductible à une imperfection, un manque, il est susceptible d'exprimer notre
nature.
Cela tient à la manière dont Spinoza envisage l'existence individuelle :
chacune est caractérisée par une tendance à affirmer son être, le conatus,
qui chez l'homme est conscient de lui-même.
Il naît d'une « affection » de
notre essence, qui peut concerner l'esprit seul — il s'agira d'une volonté — ou
l'esprit en même temps que le corps — on parle alors d'appétit.
L'existence
est donc affirmation dynamique d'une puissance qui s'oriente toujours vers ce
qui lui semble utile, le désir supporte cette affirmation.
Pourtant tout désir
n'exprime pas intégralement, ni adéquatement ma nature.
Parmi les affects, il
faut distinguer les affects qui sont des passions, déterminés par une cause
extérieure, des affects actifs.
De ces derniers seulement procéderont les
désirs qui correspondent à une affirmation de soi.
Pour Spinoza, « le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée, par une
quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose ».
Le désir est le terme générique englobant tous « les
efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme ».
Il constitue l'essence de l'homme parce qu'il est le mouvement
même par lequel ce dernier s'efforce de persévérer dans son être.
Chacun désire ce qu'il juge utile à la conservation
de son être et susceptible d'en accroître la perfection, c'est-à-dire ce qui lui semble bon, ce qu'il aime.
En
revanche, il désirera éviter ou détruire ce qui lui paraît faire obstacle au maintien de son être ou entraîner son
amoindrissement.
Ainsi « chacun désire ou tient en aversion nécessairement par les lois de sa nature ce qu'il juge
être bon ou mauvais ».
Le désir est donc une disposition naturelle, et tout désir est en soi légitime.
Cependant ce
que l'homme désire parce qu'il le juge comme lui étant utile n'est pas nécessairement ce qui lui est vraiment utile.
C'est que communément « chacun juge selon son propre sentiment ce qui est bon, ce qui est mauvais », non selon
sa droite raison.
Or le sentiment, en tant que passion de l'âme, est une « idée inadéquate », c'est-à-dire mutilée et
confuse, et qui est donc cause d'erreur et de fausseté.
C'est pourquoi les hommes, en croyant observer leur intérêt,
désirent souvent comme utile ce qui leur est en fait nuisible.
LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE.
Rien ne va au néant.
Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause
extérieure » (Éthique, III, P.
4).
L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de la Cause de soi, qui est puissance infinie :
« Tant que nous considérons seulement la chose elle-même, et non les causes extérieures, nous ne pouvons
rien trouver en elle qui puisse la détruire » (ibid.).
De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être, chaque chose s'efforce de persévérer
dans son être » L'être est désir d'être.
« Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il se rapporte à la fois à l'esprit et au
corps, il s'appelle tendance (appetitus) ; la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ;
de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à sa conservation; et ainsi l'homme est
déterminé à les faire.
De plus, entre la tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que le
désir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sont conscients de leurs tendances et c'est
pourquoi on peut donner la définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience de
cette même tendance.
Ainsi il est établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendons
vers elle, la désirons, non pas parce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'une
chose est bonne parce que nous faisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.
»
(Éthique, III, P.
9, Sc.).
Ainsi le désir, reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à la
nature, exprime directement l'essence de l'être fini, ou puissance finie..
»
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