Sören KIERKEGAARD (1813-1855)
Extrait du document
«
« Le sérieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour,
que si l'on peut travailler la nuit, on peut agir le jour, et comme le
mot bref de la mort, l'appel concis, mais stimulant de la vie, c'est :
aujourd'hui-même.
Car la mort envisagée dans le sérieux est une
source d'énergie comme nulle autre; elle rend vigilant comme rien
d'autre.
La mort incite l'homme charnel à dire : « Mangeons et
buvons, car demain nous mourrons.
» Mais c'est là le lâche désir de
vivre de la sensualité, ce méprisable ordre de choses où l'on vit pour
manger et boire, et où l'on ne mange ni ne boit pour vivre.
L'idée de
la mort amène peut-être l'esprit plus profond à un sentiment
d'impuissance où il succombe sans aucun ressort; mais à l'homme
animé de sérieux, la pensée de la mort donne l'exacte vitesse à
observer dans la vie, et elle lui indique le but où diriger sa course.
Et
nul arc ne saurait être tendu ni communiquer à la flèche sa vitesse
comme la pensée de la mort stimule le vivant dont le sérieux tend
l'énergie.
Alors le sérieux s'empare de l'actuel aujourd'hui même; il
ne dédaigne aucune tâche comme insignifiante; il n'écarte aucun
moment comme trop court.» KIERKEGAARD
QUESTIONNAIRE INDICATIF
• A quoi la mort incite-t-elle « l'homme charnel » selon Kierkegaard ?
Pourquoi condamne-t-il cette attitude?
• A quoi « l'idée de la mort » amène-t-elle « l'esprit plus profond » mais pas encore « animé de sérieux » ?
• A quoi mène « la pensée de la mort » par « l'homme animé de sérieux »?
— En quoi et pour qui « la mort stimule le vivant » ?
— Importance des notations comme « aujourd'hui même », « s'empare de l'actuel aujourd'hui même », « n'écarte
aucun moment comme trop court »?
• Que veut faire apparaître Kierkegaard ?
• Qu'en pensez-vous ?
Selon ce texte, l'homme peut prendre trois attitudes par rapport à la mort.
Ce peut être celle de l'homme charnel,
dont la doctrine face à la mort est celle de l'hédonisme pur, c'est-à-dire de la recherche du seul plaisir.
Le plaisir
est le bien, la vie doit lui être consacrée et, comme la vie est courte, il faut se hâter de jouir.
Cette doctrine
d'Aristippe de Cyrène, contemporain de Socrate, représente une attitude typique et commune, celle d'Horace et
de son : Carpe diem, «cueille le jour présent», de Ronsard : «Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie», comme
du Jacques le Fataliste de Diderot : «Boire de bons vins, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies
femmes, tout le reste n'est que vanité.» Kierkegaard condamne sans réserve cette manière de vivre, qui se réduit
à la sensualité, lâche parce qu'elle fuit la pensée de la mort et méprisable puisqu'elle ravale l'homme à l'animalité.
L'homme s'élève déjà à un stade supérieur chez celui à qui est présente l'idée de la mort, mais qui n'en tire que la
conscience de son impuissance devant le fait de l'inévitable et qui, accablé par cette idée, est incapable de toute
réaction positive.
Reste la troisième attitude, celle du sérieux et de l'homme de sérieux, qui pèse à son juste poids aussi bien la
mort que la vie et qui en comprend le double et inséparable langage.
Au mot bref de la mort : «je suis
inexplicable», répond le concis : «aujourd'hui même», qui est l'appel de la vie à l'action.
Pour l'homme de sérieux,
c'est la conscience qu'il n'y a pas de temps à perdre qu'il faut tout de suite employer toute sa vigilance et bander
toute son énergie vers un but bien défini.
Car toute tâche est importante, tout moment compte, si court soit-il.
Grâce à cette stimulation de l'urgence, il «travaille, dit la fin de phrase qui suit notre texte, de toutes ses forces
à plein rendement».
KIERKEGAARD : LA MORT GUIDE ET STIMULE NOTRE VIE
Envisagée avec sérieux, la mort ne nous détourne pas de la vie ni ne nous conduit à une recherche effrénée des
plaisirs sensuels : envisagée avec sérieux, la mort nous fait comprendre l'entière et exacte valeur de la vie.
« Le sérieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour, que si l'on ne peut travailler la nuit, on peut
agir le jour, et comme le mot bref de la mort, l'appel concis, mais stimulant de la vie, c'est : aujourd'hui même.
Car la mort envisagée dans le sérieux est une source d'énergie comme nulle autre ; elle rend vigilant comme rien
d'autre.
La mort incite l'homme charnel à dire : "Mangeons et buvons, car demain, nous mourrons".
Mais c'est là le
lâche désir de vivre de la sensualité, ce méprisable ordre des choses où l'on vit pour manger et boire, et où l'on
ne mange ni ne boit pour vivre.
L'idée de la mort amène peut-être l'esprit plus profond à un sentiment
d'impuissance où il succombe sans aucun ressort ; mais à l'homme animé de sérieux, la pensée de la mort donne
l'exacte vitesse à observer dans la vie, et elle lui indique le but où diriger sa course.
Et nul arc ne saurait être.
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