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Sören KIERKEGAARD (1813-1855)

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Le défaut de la définition socratique est de laisser dans le vague le sens plus précis de cette ignorance, son origine, etc. En d'autres termes, même si le péché est ignorance, ce qui en un certain sens est indéniable, y peut- on voir une ignorance originelle: c'est-à-dire l'état de quelqu'un qui n'a rien su et jusqu'ici rien pu savoir de la vérité? ou est-ce une ignorance acquise ultérieurement? Si oui, il faut bien que le péché plonge alors ses racines ailleurs qu'en l'ignorance et ce doit être dans cette activité au fond de nous par laquelle nous travaillons à obscurcir notre connaissance. Mais, même en l'admettant, ce défaut de la définition socratique, tenace et résistant, reparaît, car on peut se demander alors si l'homme, sur le point d'obscurcir sa connaissance, en avait pleine conscience. Sinon, c'est que sa connaissance est déjà quelque peu obscurcie, avant même qu'il ait commencé; et la question se pose derechef: Si, par contre, sur le point d'obscurcir sa connaissance, il en était conscient, alors le péché (quoique toujours ignorance en tant que résultat) n'est pas dans la connaissance, mais dans la volonté et la question inévitable alors se pose de leurs rapports entre elles. Ces rapports-là (et l'on pourrait ici continuer à questionner pendant des jours), la définition de Socrate au fond n'y entre pas. Sören KIERKEGAARD (1813-1855)

« Le défaut de la définition socratique est de laisser dans le vague le sens plus précis de cette ignorance, son origine, etc.

En d'autres termes, même si le péché est ignorance, ce qui en un certain sens est indéniable, y peut-on voir une ignorance originelle: c'est-à-dire l'état de quelqu'un qui n'a rien su et jusqu'ici rien pu savoir de la vérité? ou est-ce une ignorance acquise ultérieurement? Si oui, il faut bien que le péché plonge alors ses racines ailleurs qu'en l'ignorance et ce doit être dans cette activité au fond de nous par laquelle nous travaillons à obscurcir notre connaissance.

Mais, même en l'admettant, ce défaut de la définition socratique, tenace et résistant, reparaît, car on peut se demander alors si l'homme, sur le point d'obscurcir sa connaissance, en avait pleine conscience.

Sinon, c'est que sa connaissance est déjà quelque peu obscurcie, avant même qu'il ait commencé; et la question se pose derechef: Si, par contre, sur le point d'obscurcir sa connaissance, il en était conscient, alors le péché (quoique toujours ignorance en tant que résultat) n'est pas dans la connaissance, mais dans la volonté et la question inévitable alors se pose de leurs rapports entre elles.

Ces rapports-là (et l'on pourrait ici continuer à questionner pendant des jours), la définition de Socrate au fond n'y entre pas. DIRECTIONS DE RECHERCHE • En quel sens le péché est ignorance selon Kierkegaard ? • Qu'est-ce que Kierkegaard veut faire apparaître ? • Comment s'y prend-il ? — Par quel type de raisonnement ? • Est-ce que Kierkegaard apporte une solution au problème qu'il s'efforce de mettre à jour et de poser dans ce texte ? • Quel est l'enjeu de ce texte ? • En quoi présente-t-il un intérêt proprement philosophique ? Il serait inexact, voire trompeur de se polariser dans ce texte sur le mot péché, c'est-à-dire de faire de l'objet de ce texte un problème théologique.

En effet, l'Existence de Dieu n'est pas posée ici comme un a priori philosophique, mais le mot péché est employé en référence avec un Dieu qui représente le « Souverain Bien » (la philosophie de Socrate n'est pas une philosophie théocentrique).

Ce texte traite de l'homme seul, face au péché qui entrave sa marche vers le Bien, c'est-à-dire du problème de sa responsabilité.

Ce qui revient en fait à poser la question : Pourquoi y a-t-il de l'immoralité ? Et pour conduire sa recherche l'auteur part de la définition socratique : pécher, c'est ignorer (ce qui cadre d'ailleurs avec le discours de Socrate, érigeant la moralité en une forme, la plus noble, du Savoir). Ce texte est construit d'une façon très symétrique.

En effet, l'auteur commence par poser la question : s'il est vrai que je pèche parce que j'ignore la moralité, pourquoi et comment est-ce que je l'ignore? Puis son propos se partage en deux parties : la première est vouée à la question de savoir si cette ignorance est une ignorance vécue, c'est-à-dire qui dépend de la conduite de l'individu, ou si l'homme y est voué de par son essence même; la seconde, admettant l'hypothèse d'une ignorance vécue, pose le problème de la responsabilité réelle de cette ignorance.

J'ajouterai que l'existence de termes clef est là pour témoigner du plan suivi : si oui; mais; sinon, etc. La première partie pose donc le problème au niveau de l'essence de l'homme.

L'hypothèse d'une ignorance originelle voue au pessimisme ontologique, c'est-à-dire à l'idée de l'existence humaine placée sous le signe du manque, de l'incertitude et à qui la Nature aurait refusé l'accès à la Vérité.

C'est-à-dire de l'homme existant en tant qu'être raisonnable et fini, fini par sa Nature, mais possédant une Raison.

Ce qui renverrait au pessimisme ontologique de Kant, qui, à sa question « Que puis-je savoir? », donne une réponse prudente. Puis l'auteur pose l'hypothèse d'une ignorance vécue, supposant donc que l'homme est une structure de possibilités qui s'épanouiront ou se pervertiront selon sa conduite.

En parlant de « structure de possibilité », on pense volontiers à Rousseau qui suppose un état de Nature offrant des possibilités à l'état latent, mais la notion fondamentale que Rousseau a découverte pour sous-tendre son propos, c'est la notion de Culture, c'est-à-dire l'importance des Autres dans une individualité.

Et dans ce texte, l'homme est considéré en tant que sujet, en tant que conscience définissable en soi et pour soi, et c'est pourquoi il va se heurter à des problèmes de fond.

En effet, en admettant l'hypothèse d'une ignorance vécue, l'auteur va devoir dire que nous « travaillons » à acquérir, avec tout ce que ce terme suppose de volonté libre.

Et c'est dans sa deuxième partie qu'il mesure l'ambiguïté de cette position classique qui suppose une volonté autonome. C'est en posant le problème de la conscience de l'individu lorsqu'il va à l'encontre de ce qui est pour lui souhaitable, que l'auteur touche au problème de fond.

L'hypothèse de l'inconscience l'amène à dire que l'homme est naturellement enclin à se perdre.

Ce qui ramènerait d'ailleurs au pessimisme freudien : l'inconscient est formé de pulsions qui entravent sans cesse la marche vers l'accomplissement du « moi » et du « surmoi », c'est-à-dire, en l'occurrence, ici, vers la découverte spirituelle de la Vérité.

L'hypothèse de la pleine conscience de l'homme amène nécessairement à. »

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