Sommes-nous responsables seulement de ce que nous avons voulu ?
Extrait du document
«
I.
La responsabilité essentielle.
Il faut, croyons-nous, maintenir le principe que la responsabilité, étant essentiellement personnelle, s'attache
primordialement à ceux de nos actes qui sont l'émanation de ce qu'il y a de plus personnel en nous : notre
volonté délibérée.
Ce- on ceux-là dont nous sommes pleinement responsables.
II.
L'extension de la responsabilité.
A.
— Mais il résulte déjà de là que nous sommes également responsables des conséquences, même lointaines,
de nos actes, pour peu que celles-ci ne soient pas totalement imprévisibles.
Puisque la volonté est une activité
réfléchie, et non pas impulsive, puis qu'elle est ainsi proche parente de l'attention, elle peut et doit prévoir ce
qui résultera de nos actions.
Il ne suffit donc pas, pour dégager sa responsabilité, de dire : « Je n'avais pas
voulu cela.
»
B.
— Il y a plus.
La psychologie de la volonté nous enseigne que celle-ci n'est pas une faculté à part : elle est
la synthèse de toutes nos puissances spirituelles.
L'instinct et le désir ne sont certes pas la volonté ; mais ils
peuvent y entrer à titre de composantes.
Nous sommes donc responsables aussi de nos actes spontanés, de
nos désirs, dans la mesure où ceux-ci impliquent au moins un demi-consentement de notre part.
Prenons
quelques exemples très simples.
Un désir coupable s'est développé en nous et nous a fait commettre,
impulsivement, une faute qui n'est donc pas totalement volontaire : nous en sommes cependant responsable ;
car il dépendait de nous de ne pas laisser croître en nous ce désir et de nous tenir en garde, du jour où nous
avons constaté son existence, contre les actes auxquels il pouvait nous pousser.
Nous avons peiné ou blessé
quelqu'un par une parole dure ou une réflexion désobligeante qui a jailli tout à coup et que nous avons peutêtre ensuite regrettée : nous en sommes encore responsable, car il nous appartenait de mieux nous surveiller
et de ne pas nous laisser aller à la première réaction venue.
—En ce sens, comme l'a dit RENOUVIER (Science
de la Morale, t.
II, p.
293-294), notre responsabilité « s'étend jusque dans le passé.
Parmi les défauts et les
vices de la personne actuelle, qui semblent si souvent excuser ses actes en les rendant inévitables, il en est
beaucoup — et l'ignorance même peut être dans ce cas — qui se trouvent acquis par un usage antérieur de la
liberté et reprochables à ce titre.
Une étude rétrospective et suffisamment approfondie de la personne morale
éclairerait souvent les raisons pour lesquelles une responsabilité sérieuse existe, encore que les éléments ne
paraissent point en être donnés dans le présent ».
C.
— Il est enfin un autre point dont il faut tenir compte.
Il est artificiel de considérer l'homme uniquement
comme individu.
Il ne vit pas à l'état isolé : il est engagé dans des groupes dont il est toujours plus ou moins
solidaire ; mieux que cela, il est engagé dans la grande communauté humaine.
D'où une double considération.
1° Du côté du sujet, il y a lieu de songer aux répercussions de ses actes sur autrui, ne serait-ce que par
l'exemple qu'il donne ; il participe donc incontestablement à la responsabilité des fautes commises par autrui si
celles-ci résultent du mauvais exemple qu'il a donné.
Cette responsabilité ne se présente d'ailleurs pas
uniquement sous l'aspect négatif ou prohibitif.
Nous ne devons pas seulement, sous quelque forme que ce soit,
nous abstenir d'induire nos semblables au mal.
Par le dogme de la « communion des saints », le christianisme a
proclamé que «tout homme est responsable du salut de ses frères ».
Nous devons, en effet, aider nos
semblables à s'élever moralement et spirituellement : l'abstention ou l'indifférence engagent ici notre
responsabilité.
— 2° Du côté de son « environnement » social, l'individu participe à la responsabilité de l'action
des groupes sociaux, dans la mesure précisément où il participe à cette action ou laisse accomplir le mal qu'il
aurait pu empêcher.
Si une société repose sur l'injustice, si certaines parties de l'humanité sont réduites à la
misère, notre responsabilité est engagée dans la mesure où nous bénéficions de cet état de choses et ne
faisons rien pour l'améliorer.
« La générosité, écrit VAUVENARGUES (Maximes, CLXXIII), souffre des maux
d'autrui comme si elle en était responsable », mais c'est peut-être qu'elle sent qu'elle l'est, en effet,
partiellement.
Ceci ne signifie pas cependant qu'ainsi qu'on l'a soutenu de nos jours, « chacun de nous est
responsable de tout ».
Une telle conception aboutirait à diluer la responsabilité de chacun dans une sorte de
responsabilité collective anonyme ; car la source de la responsabilité demeure dans la volonté personnelle.
Conclusion.
Même si elle repose essentiellement sur notre volonté, notre responsabilité s'étend beaucoup plus
loin qu'il ne le semble à première vue..
»
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