Sommes-nous maîtres de nos désirs ?
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«
Définition et problématique :
Le désir est un mouvement qui, au-delà du besoin en tant que tel, nous porte vers une réalité que l'on se
représente comme une source possible de satisfaction.
Mais ce désir est-il maîtrisable ? Dans la mesure où il est un mouvement dont l'individu est conscient, on
peut supposer que l'on peut en être maître.
Cependant, ce n'est pas l'impression que l'on a au premier abord ; on
ressent plutôt comme une pression extérieure de la part des désirs.
I – Les désirs sont des excès
Pour toute une pensée philosophique, le désir est conçu comme excès.
1)
Démesure et tempérance
Platon oppose raison et désir.
Platon, Phèdre :
« Alors, à quoi distinguons-nous celui qui aime de celui qui n'aime pas ? Il faut encore prendre en
considération le fait que, en chacun de nous, il y a deux espèces de tendances qui nous gouvernent et nous
dirigent, et que nous allons là où elles nous dirigent : l'une, qui est innée, c'est le désir des plaisirs ; l'autre, qui est
une façon de voir acquise, c'est l'aspiration au meilleur.
Or, ces deus tendances qui sont en nous, tantôt
s'accordent, tantôt se combattent ; et c'est parfois celle-ci qui domine, parfois l'autre.
Cela posé, quand une
opinion rationnelle qui mène vers ce qu'il y a de meilleur et qui domine, cette domination s'appelle « tempérance ».
Mais, quand c'est un désir qui entraîne déraisonnablement vers le plaisir et qui gouverne en nous, ce gouvernement
a pour nom « démesure ».
»
2)
Besoins et désirs
Augustin, Confessions (397-401) :
« Vous m'avez appris à ne prendre les aliments que comme remèdes.
Mais quand je passe de ce pénible
besoin à la quiétude de la satiété, dans ce passage la concupiscence me tend son piège.
Car ce passage même est
un plaisir, et il n'en n'est pas d'autre pour arriver où la nécessité nous force à nous rendre.
La conservation de la
santé est la raison du boire et du manger ; mais un dangereux plaisir, comme un laquais, accompagne ces fonctions,
et ordinairement s'efforce de prendre les devants, de sorte que je fais pour lui ce que je dis et veux faire pour ma
santé.
»
Ainsi, pour Augustin, besoin et désir se mêlent dans notre esprit et il est difficile de savoir ce que l'on fait
pour satisfaire l'un et pour satisfaire l'autre.
Le désir se situerait au moment où l'on dépasse le simple besoin.
Maîtriser ses désirs commencerait alors par distinguer besoin et désir pour ne pas accepter ce
dépassement.
II – Désir et bonheur
1)
Désirs naturels et désirs vains
Epicure, Lettre à Ménécée :
« Maintenant il faut parvenir à penser que, parmi les désirs, certains sont fondés en nature, d'autres sont
vains.
Parmi les désirs naturels, certains sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour le calme du corps,
d'autres enfin simplement pour le fait de vivre.
En effet, une juste vision de ces catégories permettra chaque fois de
choisir et de refuser, relativement à la santé du corps et à la sérénité, puisque telle est la perfection même de la vie
bienheureuse.
»
Les désirs utiles sont ainsi à prendre en compte ; les autres sont à éloigner.
Il y a bien ici une certaine
maîtrise des désirs qui est proposée.
Épicure constate que le plaisir, recherché par tous, est l'élément essentiel de la vie heureuse.
Conforme à la nature
humaine, il procure un critère parfait de tous les choix que nous avons à faire.
Il réside dans la sensation qui, nous
mettant en rapport avec le monde, est la règle qui nous fait choisir ou exclure.
Ce bien est inné et personnel,
puisque chacun est juge de ce qui lui convient : c'est de notre propre point de vue sensible que nous jugeons de ce
qui est pour nous un plaisir ou une douleur.
Ainsi, nous ne recherchons pas les plaisirs qui engendrent de l'ennui, et
l'on peut préférer endurer certaines douleurs si elles sont le moyen d'accéder à un plus grand plaisir.
L'épicurisme
n'est pas une philosophie simpliste qui recherche le plaisir à tout prix et fuit la douleur ; elle repose sur un principe
de détermination, qui est la sensation, critère complexe d'estimation des valeurs, puisqu'il aboutit à un paradoxe :
"Nous en usons parfois avec le bien comme s'il était le mal, et avec le mal comme s'il était le bien", (Épicure)..
»
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