Sommes-nous les sujets de nos désirs ?
Extrait du document
«
Le désir est une tendance spontanée et consciente vers une fin connue ou imaginée.
Ce qui signifie que ce que l'on
désire, on le pense et on cherche à l'atteindre.
Le désir appartient ainsi en propre à l'homme dans la mesure où il
consiste précisément en un écart, au sein de l'être humain, entre ce qu'il est et ce qu'il conçoit qu'il pourrait être ou
avoir.
Être sujet, c'est à la fois pouvoir exercer une ou des actions, mais cela peut aussi avoir un sens plus
psychologique et signifier l'individu conscient de ses pensées et actes.
Sommes-nous les sujets de nos désirs ?
Sommes-nous conscients et maîtres de nos désirs, ou les subissons-nous ? Sommes-nous libres de désirer ?
Le problème qui se pose est celui de savoir si les désirs sont un donné que l'homme accueille passivement, ou s'ils
sont choisis et activement nourris par des êtres conscients.
Il faut se demander pourquoi, bien que semblant
victimes de nos désirs (ils naîtraient en nous sans que nous les choisissions), nous sommes libres de les ressentir et
de les maîtriser.
I1-
Pourquoi subissons-nous nos désirs ?
Qu'est-ce qu'un désir ? Il s'agit tout d'abord de définir clairement ce qu'il faut entendre par ce terme pour
comprendre que nous ne sommes pas sujets de nos désirs, mais que ceux-ci sont selon Spinoza ce qui nous
déterminent (et non ce que nous choisissons).
Texte de Spinoza
Le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée, par une quelconque
affection d'elle-même, à faire quelque chose.
EXPLICATION : Nous avons dit plus haut, dans le scolie de la
proposition 9 de cette partie, que le désir est l'appétit qui a conscience de lui-même, et que l'appétit est l'essence
même de l'homme, en tant qu'elle est déterminée à faire les choses qui sont utiles à sa conservation.
Mais, dans le
même scolie, j'ai fait observer aussi qu'en réalité, entre l'appétit de l'homme et le désir, je ne fais aucune différence.
Car, que l'homme soit conscient ou non de son appétit, cet appétit reste un et le même ; par conséquent, pour ne
pas paraître énoncer une tautologie, je n'ai pas voulu expliquer le désir par l'appétit, mais j'ai pris soin de le définir
de façon à y comprendre à la fois tous les efforts (conatus) de la nature humaine que nous nommons appétit,
volonté, désir ou impulsion (impetus).
J'aurais pu dire, en effet, que le désir est l'essence même de l'homme, en tant
qu'elle est conçue comme déterminée à faire quelque chose ; mais de cette définition [...], on ne pourrait pas tirer
que l'esprit peut être conscient de son désir, autrement dit de son appétit.
Donc, voulant que la cause de cette I
conscience fût impliquée dans ma définition, il m'a été nécessaire d'ajouter : en tant qu'elle est déterminée par une
quelconque affection d'elle-même, etc.
Car, par affection de l'essence de l'homme, nous entendons toute
,organisation de cette essence, qu'elle soit innée - ou acquise - qu'elle soit conçue par le seul attribut de la pensée
ou par le seul attribut de l'étendue, ou en fin rapportée à l'un et à l'autre à la fois.
J'entends donc ici sous le nom de
désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme ; ils sont variables selon l'état variable d'un même
homme, et souvent opposés les uns aux autres, au point que l'homme est entraîné en divers sens et ne sait où se
tourner.
LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE.
Rien ne va au néant.
Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peut
être détruite, sinon par une cause extérieure » (Éthique, III, P.
4).
L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de la
Cause de soi, qui est puissance infinie : « Tant que nous considérons
seulement la chose elle-même, et non les causes extérieures, nous ne
pouvons rien trouver en elle qui puisse la détruire » (ibid.).
De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être,
chaque chose s'efforce de persévérer dans son être » L'être est désir
d'être.
« Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il se
rapporte à la fois à l'esprit et au corps, il s'appelle tendance (appetitus)
; la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ;
de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à sa
conservation; et ainsi l'homme est déterminé à les faire.
De plus, entre
la tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que le
désir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sont
conscients de leurs tendances et c'est pourquoi on peut donner la
définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience de cette même tendance.
Ainsi il
est établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendons vers elle, la désirons, non pas
parce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous
faisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.
» (Éthique, III, P.
9, Sc.).
Ainsi le désir,
reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à la nature, exprime directement l'essence de
l'être fini, ou puissance finie..
»
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