Sommes-nous autorisés a confondre ce qui est illégal et ce qui est injuste ?
Extrait du document
«
Opérer la confusion entre l'illégalité et l'injustice c'est assimiler la justice à la loi.
Une telle assimilation est-elle
défendable ? Le légitime se réduit-il au légal ? La loi dit-elle toute la justice ? Néanmoins, il s'agit de s'interroger à
savoir si cette identification de la justice à la loi est toujours légitime.
En effet, ne peut-il pas y avoir des lois
injustes ? Que l'on songe ici aux lois iniques des dictatures.
Dans une première partie, il faudra soutenir l'égalité entre l'illégal et l'injuste.
C'est la thèse du positivisme juridique.
Dans un deuxième temps, pour contredire cette assimilation, vous montrerez que le légal ne peut se réduire au
légitime.
C'est la thèse du droit naturel.
Et enfin, il faudra penser la réconciliation du légal et du légitime possible au cours de l'histoire.
Vous trouverez ci-dessous un cours comportant tous les éléments nécessaires pour réaliser votre plan.
LE DROIT COMME REEL.
LE DROIT COMME IDEAL.
A) Droit positif et droit idéal.
En ce qui concerne le droit positif, la question de son origine est relativement simple : les règles juridiques ont une
existence dans la mesure où elles ont fait l'objet d'un acte humain d'institution, effectué par un organe compétent,
l'autorité législative.
Le droit positif est donc une construction artificielle, il varie d'un Etat à l'autre, et aussi d'une
époque à l'autre, car des lois peuvent être abrogées, des lois nouvelles adoptées; il est relatif.
En ce qui concerne le droit idéal, la réponse est moins simple.
Puisqu'il s'agit d'idéal, il ne saurait y avoir d'institution
à proprement parler ; il vaut mieux considérer que ce droit découle de ce qu'en termes platoniciens on pourrait
appeler l'idée de juste, et qu'il fixe un programme au législateur : instituer une juridiction positive qui soit la moins
éloignée possible de l'idée du Juste, ou réformer la législation existante, pour la rapprocher de cet idéal.
Certains
estiment toutefois qu'il existe un droit idéal d'institution naturelle.
Il importe en tous cas de savoir dans quel rapport l'un à l'autre se trouvent droit positif et droit idéal ou naturel, afin
de déterminer des deux variétés de droit laquelle constitue le droit par excellence, et donc la nature du fondement,
institutionnel ou idéal (naturel), du droit.
B) L'idéalisme juridique.
On peut être tenté de considérer que le droit idéal ou naturel l'emporte sur le droit positif, et s'il se présente comme
une supra-norme destinée à normer la norme juridique positive : c'est la mission du législateur que de rapprocher le
droit positif du droit idéal ou naturel, en légiférant le regard fixé sur l'idée de juste.
Dans ce cas, il conviendrait de
considérer comme illégitime, bien que légale, une loi positive injuste, cad non conforme à l'idée de juste, et de ne
reconnaître de pleine légitimité qu'aux lois positives effectivement conformes à la supra-norme de justice.
La loi
positive ne serait pleinement juste, légitime, disons presque juridique, que dans la mesure où elle serait une
adaptation de la loi idéale ou naturelle.
Elle devrait alors être respectée.
En revanche, dans l'hypothèse où la loi positive s'écarterait de la supra-norme, se
poserait sérieusement la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux désobéir.
On appelle idéalisme juridique, la
doctrine qui subordonne la validité de la loi positive à sa conformité à la loi idéale ou naturelle, la doctrine qui fonde
le droit positif dans le droit idéal ou naturel.
C) Le positivisme juridique.
L'idéalisme s'expose à des objections.
On peut contester qu'il existe une Idée de juste, ou un droit naturel.
On peut
faire observer qu'à supposer l'existence de quelque chose de cet ordre, nous ne disposons pas des moyens de
différencier à coup sûr ce qui est juste de ce qui est injuste, ainsi qu'en témoigne la divergence des opinions à ce
sujet.
Et l'on peut douter de la capacité des hommes à s'accorder entre deux, dans la représentation du juste et de
l'injuste.
Si l'on va jusqu'au bout de ces objections, on ne arrive à la conclusion qu'il faut renoncer à évaluer le droit positif au
nom d'une supra-norme idéale ou naturelle.
On accordera donc par principe la légitimité et la validité juridiques au
droit positif, quel que soit son contenu.
On appelle positivisme juridique la doctrine qui justifie inconditionnellement le
droit positif, et ne fonde pas le droit positif sur autre chose que l'acte de son institution par une autorité
compétente.
Antigone, dans la tragédie de Sophocle, agit en idéaliste quand elle brave l'interdiction s'ensevelir son frère Polynice,
au nom de ce qu'elle considère comme des devoirs plus fondamentaux, familiaux ou religieux.
Aristote estime qu'elle
désobéit à une loi particulière, au nom d'une loi plus puissante, naturelle, commune à tous et éternelle (« Rhétorique
», I, 13).
A l'opposé, un représentant éminent du positivisme, Kelsen estime qu'on peut certes critiquer une loi positive au nom
d'une idée du juste, mais qu'il peut exister autant d'idées du juste que d'individus : il ne serait donc jamais permis de
considérer comme non valable un élément d'une législation positive, sous peine de replonger dans le règne de
l'arbitraire individuel.
Mais il faut distinguer le légalisme kelsenien, « tout ce qui n'est pas contraire au droit est licite » et le légalisme qui
ne s'attache qu'à la lettre de la loi, que l'on pourrait appeler le « juridisme », qui estime que « tout ce qui n'est pas
contraire à la lettre de la loi est licite »..
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