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Société sans histoire

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« VOCABULAIRE: SANS: A l'exclusion de, exprime l'absence. Société : association d'individus qui constitue le milieu où chacun s'intègre.

Toute espèce vivante est plus ou moins sociale ; mais tandis que les sociétés animales sont naturelles et gouvernées par l'instinct, les sociétés humaines, organisées selon des institutions mobiles, véhiculent une culture. Un homme « sans histoires », c'est une personne qui mène une vie à l'abri des grands malheurs mais dont l'existence est terriblement banale.

En ce sens, une société « sans histoires » aurait, elle aussi, une destinée heureuse mais obscure.

Seulement, une société peutelle échapper aux vicissitudes de l'Histoire? Un pays ou un État ne se construisent-ils pas plutôt sur un passé d'épreuves que l'historiographie conserve ? 1) UNE SOCIÉTÉ SANS VISAGE A - Les pages blanches de l'histoire Les livres d'histoire sont peuplés d'innombrables fléaux.

La fureur des combats et les calamités semblent beaucoup plus familières aux historiens que la félicité.

Que pourraient-ils dire d'une cité où l'économie prospère, où la paix règne et où le citoyen est libre ? Une société « sans histoires » a des poètes pour la chanter, mais pas d'historiens pour l'étudier.

Pourquoi donc le bonheur fait-il fuir l'historiographie ? Peut-être est-ce parce qu'une société sans infortunes essaye de se perpétuer indéfiniment à l'identique.

Aspirant au repos, elle sort du changement perpétuel qui caractérise le développement historique ; elle ne laissera donc que des pages blanches dans l'histoire universelle selon l'expression de Hegel. L'histoire du monde n'est pas le lieu de la félicité.

Les périodes de bonheur y sont des pages blanches (La Raison dans l'histoire) Ce que montre l'histoire apparente est un spectacle de violence et de fureur où le bonheur des peuples est la plupart du temps sacrifié.

Les peuples heureux n'ont donc pas d'histoire. B - Identité et historiographie Seulement, une telle société ne risque-t-elle pas de perdre le sens de son passé ? Si les désirs de ses membres abandonnent la scène historique et se cantonnent à la sphère privée, le passé, lui aussi, devient affaire purement individuelle.

Et l'identité collective s'estompe, la société vacille : dès que Rome cessa sa politique de conquête, les citoyens ne vécurent désormais plus pour la gloire de l'État.

L'oubli de sa tradition conquérante marqua le début de sa décadence et la dissolution de son identité. De plus, la naissance d'une nation dépend beaucoup des chroniques du passé.

Le récit d'un péril surmonté ensemble confère au groupe qui en hérite un sentiment d'unité.

Une société privée d'historiographie doit donc tôt ou tard perdre son visage.

Sans historiens et sans écriture, elle semble vouée à l'anéantissement. 2) DES SOCIÉTÉS HORS DE L'HISTOIRE A - Âge d'or ou arriération ? Certaines sociétés sont trois fois sans histoire : elles sont dépourvues de crises, d'évolution et d'écriture.

Mais, loin de se dissoudre, elles semblent appartenir à un perpétuel âge d'or.

Hors de l'histoire, elles préservent la condition apparemment bienheureuse de l'homme. • On peut au contraire considérer ces communautés comme des « sociétés primitives ».

Par exemple, lorsque les Européens découvrirent d'autres civilisations aux techniques moins perfectionnées que les leurs, ils estimèrent qu'elles restaient embourbées dans un temps que l'Europe moderne avait dépassé depuis longtemps.

Ils établirent une hiérarchie entre les sociétés et entre les époques.

Ces sociétés sorties du mouvement de l'histoire étaient à leurs yeux parfaitement arriérées. B - Deux types de sociétés, deux types d'histoires • Toutefois, cette conception reflète un certain ethnocentrisme.

Parler de « sociétés en retard », c'est considérer l'histoire comme un chemin unique emprunté par toute l'humanité : plus une société aura franchi d'étapes sur cette route, plus elle sera élevée sur l'échelle du progrès.

Mais alors, on adopte, pour juger l'histoire universelle, les critères de sociétés particulières, les « sociétés chaudes » qui conçoivent l'histoire comme une marche indéfinie vers le progrès technique. • Or, on peut adopter la perspective des sociétés sans histoire ou « sociétés froides ».

Elles ont une vision différente du temps.

Le passé n'est, pour elles, jamais révolu, il n'appartient pas à l'histoire, car il perdure dans la tradition qui détermine le présent.

Ici sont absents les soubresauts qui, dans les « sociétés chaudes », constituent l'Histoire.

Il est donc illusoire de considérer les sociétés traditionnelles comme des sociétés privées d'histoire.

Leur vision du temps historique est simplement différente de la nôtre. 3) OUTILS CONCEPTUELS Sociétés chaudes et sociétés froides : ces termes furent forgés par l'ethnologue Claude Levi-Strauss. Les sociétés chaudes considèrent l'histoire comme une accumulation d'innovations techniques. Les sociétés froides conçoivent le temps comme une perpétuation indéfinie de la tradition. Âge d'or : temps mythique antérieur à l'histoire, où l'homme aurait vécu en harmonie avec la nature, par exemple, la vie d'Adam et Ève, avant le péché originel, dans la Genèse, le premier livre de la Bible. Ethnocentrisme : attitude des membres d'une société qui considèrent leur propre civilisation comme un modèle pour les autres sociétés.. »

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