Signification et portée du cogito cartésien ?
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«
Qu'est-ce que le cogito ? C'est d'abord l'aboutissement du doute méthodique de Descartes tel que les Méditations,
en particulier, l'exposent.
La seule certitude à laquelle il est possible de parvenir est celle de soi en tant qu'être
capable de pensée, c'est-à-dire de doute, d'erreur, d'imagination, de conceptualisation.
C'est à partir de cette
certitude première que Descartes, ramené à la seule connaissance d'un Moi qui n'est ni un corps ni une âme mais un
carrefour de facultés intellectuelles, va redécouvrir le monde, d'abord à partir des idées qui sont à l'intérieur de ce
moi, et surtout de la différence entre les idées.
Dieu, lui, joue le rôle de garant de la concordance entre les idées et
le monde.
Les présupposés du cogito cartésien sont multiples, il faut d'abord distinguer le doute cartésien d'un
scepticisme classique.
Le doute n'a pas pour vocation de suspendre le jugement sur toute chose.
Il cherche à
établir une certitude.
Or la certitude que trouve Descartes, celle du Moi comme activité intellectuelle, le coupe du
monde qu'il ne peut récupérer que de façon très contestable, en introduisant, en particulier, une différence entre les
idées « vraies et immuables » et les autres, issues de la sensation, différence que rien ne justifie à proprement
parler.
Car a vrai dire, en toute bonne logique, Descartes devrait, comme tout sceptique, se retrouver à la tête
d'idées qui sont des production de l'esprit et que rien ne relie au monde.
Le premier présupposé du cogito est donc, en fait, que le monde existe et qu'il faut le retrouver.
Mais le cogito le
présente, artificiellement, comme une production pure de l'esprit qui peut le retrouver par la seule force de sa
progression intérieure.
Voilà le monde dans un rapport de dépendance avec le Moi intellectuel.
C'est ce qui explique
que Descartes puisse considérer l'homme comme le « maître et possesseur de la nature », car le rapport ainsi créé
est de pure extériorité.
On saisit bien alors le cogito comme la conséquence naturelle de la rupture intellectuelle qui
inaugure l'âge classique, lorsque la science moderne naît et semble capable d'appréhender le monde tel qu'il est - et
en dehors de toute connaissance de Dieu.
Dieu est le garant de la concordance entre l'esprit et le monde, il n'est
plus l'objet de la connaissance elle-même, comme dans les théologies médiévales où toute notion de l'esprit humain
était, effacée et corrompue, une image des vérités intelligibles existant en Dieu.
Ce renversement complet place et présuppose - au centre du monde l'individu dans un état d'isolement total.
Les conséquences du cogito comme
seule connaissance sont exposées dans la critique kantienne.
Kant, tout à la fois, place le sujet - transcendantal comme source indépassable de la connaissance, et ferme définitivement la voie à la recherche métaphysique sur
Dieu, le monde et l'âme.
Les catégories de la sensibilité et de l'entendement n'appréhendent que les phénomènes et
non les choses en soi - c'est tirer les conséquences ultimes de l'« ordre des raisons » qui l'emporte sur l'« ordre des
matières » en supposant que l'appréhension des objets ne se fait pas selon l'objet, mais selon les capacités de
l'entendement.
D'autre part, la mort de la métaphysique classique, qui se voulait une connaissance de Dieu, est déjà
en germe dans Descartes puisque Dieu n'y est plus l'objet même de la connaissance en tant que toute chose
participe de lui tant « dans les choses » que « dans l'âme », comme le dit Saint Thomas, mais le créateur du monde.
La connaissance cartésienne n'est pas une participation à Dieu.
Aussi Kant peut-il entériner le fait en déclarant les
Idées de la Raison pure hors de portée de l'entendement.
Le cogito cartésien contient toutes les prémisses de la modernité.
Il est l'illustration la plus nette de ce moment qui
a vu s'effondrer un monde et en naître un nouveau, scientifique..
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