SIGNE ET SYMBOLE ?
Extrait du document
«
On parle indifféremment de signes algébriques ou de symboles algébriques : et il est vrai que tout symbole est un
signe.
c'est-à-dire une chose qui tient lieu d'une autre.
un u signifiant » qui renvoie à un u signifié ».
M.
Lalande
distingue dans son Vocabulaire le signe qui justifie une assertion (la baisse du baromètre signifie la pluie), le signe
qui communique un ordre (feu rouge), le signe qui évoque une idée (le mot).
Un signe peut avoir été expressément
créé (les galons sont le signe du grade).
il peut être aussi un fait naturel que l'esprit humain convertit en signal (le
départ des hirondelles signifie l'hiver).
Dans tous les cas le donné présent vaut pour une réalité absente ou invisible
qu'il re-présente.
Un symbole est aussi une présence qui re-présente.
Dans la langue grecque.
le symbole est
primitivement un bâton coupé en deux, dont deux amis conservent chacun une moitié qu'ils transmettent à leurs
enfants.
Les deux parties réunies (sumballein veut dire réunir) permettaient à leurs propriétaires de se reconnaître et
de continuer les relations amicales antérieures.
Par la suite les symboles sont les jetons que les juges recevaient à
Athènes au tribunal et contre lesquels ils touchaient ensuite leur solde.
D'où le sens plus général d'un objet ayant
valeur de signe.
Cependant, malgré la confusion couramment pratiquée dans le langage non-philosophique, il convient de distinguer
le signe et le symbole.
Le signe est abstrait il n'est rien en dehors de l'idée qu'il signifie par convention.
Les soidisant u symboles u algébriques sont à strictement parler des u signes u.
Ils sont abstraits, inter-changeables.
inertes.
Ils ne valent que par la pensée rationnelle à laquelle ils renvoient.
Le symbole a, tout au contraire.
quelque
chose de vivant et de charnel.
Les allégories, les paraboles de la pensée mythique, tout comme les images de la
poésie, ont en plus de leur fonction re-présentative, une sorte de présence concrète.
Les symboles ne s'effacent
pas tout à fait derrière ce qu'ils signifient.
Ou plutôt ils ne se contentent pas de re-présenter d'une façon toute
conventionnelle et extrinsèque la réalité signifiée, niais ils l'incarnent, elle vit en eux.
Pour faire comprendre la différence entre signe et symbole, nous pouvons rappeler les thèses opposées de deux
personnages platoniciens dans le dialogue qui porte le nom de l'un d'eux, le Cratyle : Hermogène pense que les noms
ont été attribués aux choses en vertu d'un décret, qu'il n'y a donc entre signifiant et signifié qu'un lien abstrait et
extrinsèque établi par convention : pour Hermogène les mots ne sont que des signes.
Pour Cratyle au contraire, les
mots sont une peinture des choses, ils ressemblent à ce qu'ils signifient et l'évoquent concrètement comme la
balance évoque la justice : pour Cratyle les mots sont des symboles.
Entretien de Socrate avec Hermogène (385a-427e)
a.
Les noms sont faits pour instruire
Socrate fait d'abord admettre à Hermogène que les choses ont une existence stable, «un certain être permanent qui
n'est ni relatif à nous ni dépendant de nous».
Il en est de même des actes qui, eux aussi, sont une forme
déterminée de réalité.
C'est donc en conformité avec leur propre nature qu'ils se font, et non pas selon notre façon
de voir.
Par exemple, si nous voulons couper, nous devons couper suivant la façon naturelle de couper et en
employant ce qu'il faut pour couper.
Or parler et donc aussi nommer sont des actes et le nom est un instrument qui
sert à instruire et à distinguer la réalité comme la navette fait le tissu.
Il s'ensuit qu'il faut nommer les choses
«suivant la manière et le moyen qu'elles ont naturellement de nommer et d'être nommées» et qu'un bon instructeur
doit user du nom comme il faut, c'est-à-dire de «façon propre à instruire» comme un bon tisserand se sert comme il
faut de la navette, c'est-à-dire de «façon propre au tissage».
b.
Établir les noms est un art pratiqué par les législateurs En second lieu, Socrate convainc Hermogène qu'établir les
noms est un art difficile.
Si la navette est l'oeuvre du menuisier, de quel artisan le nom est-il l'ouvrage ? La réponse
de Socrate paraît étonnante : «N'est-ce pas la loi (l'usage) à ton avis qui les met à notre disposition? –
Apparemment...
– Ainsi Hermogène, ce n'est pas au premier venu qu'il appartient d'établir le nom, mais à un faiseur
de noms ; et celui-là, semble-t-il, est le législateur...» (Commentaire : on sait que dans l'Antiquité, le terme de
nomos désignait la loi aussi bien que l'usage.
Les premières lois, en effet, ne furent que les premiers usages.
Et d'où
vinrent d'abord les usages, si ce n'est des peuples eux-mêmes ? Certains commentateurs voient donc dans cette
notion de législateur le peuple avec ses chefs et c'est lui qui aurait peu à peu créé la langue.
Mais d'autres y voient
un personnage mythique ou un homme doué d'un instinct divin, d'autres enfin les premiers hommes.
Socrate laisse
dans le vague cette notion.)
c.
La tâche du législateur
Selon Socrate, de même que le menuisier qui fabrique une navette pour le tissage a les yeux fixés sur la forme de la
navette (la navette en soi), de même le législateur devrait savoir ce qu'est le «nom en soi», «le nom naturellement
approprié à chaque objet» pour l'imposer aux sons et aux syllabes.
Il y aurait donc pour chaque chose un nom
unique mais qui se trouverait appliqué par le «faiseur de nom» ou le législateur à une matière sonore variable selon
les lieux.
D'où les variétés des langues.
«De même que tous les forgerons n'opèrent pas sur le même fer en
fabriquant pour le même but le même instrument», de même chaque législateur n'opérerait pas sur les mêmes
syllabes chez les Grecs ou les Barbares mais donnerait néanmoins à toutes «la forme du nom requise par chaque
objet».
d.
Le législateur devra être guidé par le dialecticien
Et qui devra diriger et juger ensuite l'ouvrage du législateur ? N'est-ce pas celui même qui s'en servira? Or celui-là
est l'homme qui connaît l'art d'interroger et en même temps celui de répondre, c'est-à-dire le dialecticien.
Ainsi le
nom, ouvrage du législateur, devra, pour être bon, être fait sous la direction du dialecticien ou de la dialectique.
Socrate en conclut que Cratyle a raison de considérer les noms comme justes par nature et non par l'effet d'une
convention.
Il y aurait une seule juste dénomination pour chaque chose qu'imitent plus ou moins bien les noms des
différentes langues.
Il reste maintenant à Socrate à expliquer en quoi consiste cette justesse naturelle du nom..
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