Sigmund Freud: L'homme est-il naturellement violent ?
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PRESENTATION DU "MALAISE DANS LA CIVILISATION" DE FREUD
Freud (1856-1939) propose ici une réflexion sur la dimension tragique de la condition humaine.
Pour cerner l'origine du «
malaise » de l'homme civilisé, il s'appuie sur l'hypothèse, introduite dans Au-delà du principe de plaisir (1920), d'un
dualisme fondamental du psychisme humain, divisé entre les pulsions de vie (pulsions sexuelles et d'autoconservation)
et les pulsions de mort (pulsions d'autodestruction et d'agressivité).
L'interprétation du développement de la culture
comme la transposition, à l'échelle de l'humanité, du combat entre Éros et Thanatos permet à Freud d'en montrer toute
l'ambiguïté : la répression du penchant à l'agression et la promotion de l'amour du prochain sont difficilement
conciliables avec l'épanouissement individuel car elles restreignent considérablement les possibilités de satisfaction des
pulsions.
Cette analyse marquera profondément la pensée du XXe siècle, en inspirant notamment Éros et Civilisation
(1955) d'Herbert Marcuse.
"L'homme n'est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour, dont on dit
qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au
compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité.
Pour lui, par
conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel
possibles, mais aussi un objet de tentation.
L'homme est, en effet, tenté de
satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son
travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement,
de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le
martyriser et de le tuer.
Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous
les enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ?
Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont
nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le principal facteur de
perturbation dans nos rapports avec notre prochain.
C'est elle qui impose à la
civilisation tant d'efforts.
Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les
hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée
de ruine."
Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1929), P.U.F.
QUESTIONNEMENT INDICATIF
• Quelle est l'importance des mots « instinctives », « primaires » dans la détermination de la thèse de Freud ?
• Les faits rapportés par Freud dans le premier paragraphe prouvent-ils en toute rigueur sa thèse ?
Comment d'autres penseurs en rendent-ils compte ?
• En quoi peut-on soutenir que « l'intérêt du travail solidaire » participe au maintien de la société civilisée ? En quoi
Freud peut-il soutenir que c'est un « intérêt rationnel » ?
• Comment comprenez-vous « réactions psychiques d'ordre éthique » ?
• Que signifie ici « inhibé », « identification » ; en quoi cela peut-il « limiter l'agressivité humaine », « en réduire les
manifestations » ?
• De quoi Freud veut-il rendre compte dans ce texte ? Quelles sont les implications « morales » et philosophiques de sa
thèse ? Que pensez-vous de sa thèse et de son argumentation ?
Ce que défend ce texte:
Ces lignes, extraites de Malaise dans la civilisation, tentent de répondre aux questions suivantes : quelle est la source
de la violence que l'homme, dans sa vie ordinaire comme dans son histoire, n'a cessé de manifester ? Cette violence lui
est-elle naturelle ou provient-elle de causes purement culturelles, clairement identifiables et contraires à sa nature ?
Ce questionnement doit être replacé dans son contexte.
Freud affirme avoir été frappé par le déchaînement de
violence qui s'est produit, au niveau mondial, pendant la guerre de 1914-1918, et c'est le choc que causa en lui
l'ampleur de cette guerre qui l'amena à s'interroger sur la source de l'agressivité humaine.
La thèse qu'il défend ici
cherche à dénoncer un mythe, celui de l'homme naturellement bon, de ce prétendu « être débonnaire, au coeur
assoiffé d'amour », idée que répandit en particulier Rousseau au XVIII siècle.
Pour Freud, la violence est une donnée naturelle et «première», active et non réactive, une conduite qui puise sa
source dans les instincts de l'homme.
C'est pourquoi elle peut être rangée au rang de ses besoins, comme l'atteste
l'expression « besoin d'agression ».
Quelles preuves peut-on donner de cela ? Il suffit de constater ce que nous
enseignent les crimes entre individus, comme ceux commis entre les peuples.
Le « prochain », c'est-à-dire l'autre qui partage avec moi la vie en société, n'est pas seulement celui dont l'entraide et
la coopération permettent, grâce à la division du travail, l'émergence d'une société complexe et organisée suscitant
l'éclosion de tous les fruits de la vie civilisée.
La philosophie a trop insisté sur la valeur d'« auxiliaire », c'est-à-dire
d'aide, que chaque homme représente pour tous les autres.
Elle a trop insisté aussi sur le fait que les hommes et les
femmes, comme objets sexuels possibles, sont la condition de la reproduction de l'espèce.
En réalité, la principale fonction ou signification d'autrui est d'être un objet de tentation, une cible sur laquelle je vais
être tenté de « défouler » mes pulsions agressives.
C'est donc bien autrui qui me permettra d'avoir cette forme de
jouissance qui naît lorsqu'un besoin est satisfait, et ce besoin particulier, Freud l'a nommé «besoin d'agression».
C'est pourquoi la thèse soutenue par ce texte tient principalement en ces lignes : «l'homme est, en effet, tenté de.
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