Si nous désirons être libre, qu'est-ce qui nous en empêche ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet :
Etre libre, c'est, si on le définit spontanément, exercer sa liberté, avoir un rapport au monde caractérisé par cette
liberté, en un mot, faire ce que l'on veut comme on le veut.
Cette liberté peut se définir de plusieurs manières : ce
peut être une liberté de mouvement, une absence de contraintes physiques, mais aussi une liberté de pensée, une
liberté de ne pas être touché par certaines choses, de se détacher des contraintes du monde.
Donner une définition
unique de la liberté est difficile : il faudra faire varier la définition en fonction du propos.
« Désirer être libre » est une expression qui mérite d'être interrogée : le désir implique en effet généralement l'idée
d'un manque : si nous désirons être libres c'est que nous ne considérons pas comme libres, c'est que nous trouvons
que quelque chose nous empêche d'être libres, et le sujet présuppose que cet empêchement n'est pas résorbé par
le désir de liberté.
Il s'agit finalement de confronter le désir de la liberté à la réalité des possibilités d'exercice de la liberté, et, plus
précisément, de repérer l'endroit où cet exercice se trouve contraint ou empêché, pour pouvoir enfin éventuellement
résoudre et dépasser cet empêchement.
Par quoi notre liberté peut-elle être empêchée ? Faut-il chercher cet empêchement dans des contraintes extérieures
(lois, systèmes politiques – mais que dire alors des théories qui font des systèmes politiques les conditions
d'exercice d'une liberté moyenne pour tous ? - ; confrontation à la liberté et à la volonté des autres ? ou,
simplement, incapacité, par exemple, incapacité physique, à faire certaines choses ?) ou dans des contraintes
intérieures (et alors on peut adopter le point de vue de la psychanalyse, par exemple : nous sommes empêchés
d'exercer une pleine liberté sur le monde, mais d'abord sur nous-mêmes, à cause de névroses inconscientes) ? Dans
les deux cas, comment résorber cet empêchement ?
On peut ou bien accepter cette contrainte de manière pessimiste et essayer de se ménager une liberté très
partielle, ou bien modifier notre rapport à la contrainte pour acquérir un point pouvoir sur soi-même, ce que
proposent par exemple les ascétismes antiques, à commencer par le stoïcisme.
Ce sont deux voies de réponses
possibles au sujet.
Références utiles :
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs
Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse
Rousseau, Du contrat social
Textes à utiliser :
Spinoza, Lettre 58 à G.H.
Schuller
« J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée
par une autre chose à exister et à agir d'une certaine façon déterminée.
Dieu, par exemple, existe librement bien
que nécessairement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature.
De même aussi Dieu se connaît lui-même
librement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature.
De même aussi Dieu se connaît lui-même et connaît
toues choses librement, parce qu'il suit de la seule nécessité de sa nature, que Dieu connaisse toutes les choses.
Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité.
»
Epictète, Manuel
« Les choses qui dépendent de nous sont libres par leur nature, rien ne peut les arrêter, ni leur faire obstacle ;
celles qui n'en dépendent pas sont faibles, esclaves, dépendantes, sujettes à mille obstacles et à mille
inconvénients, et entièrement étrangères.
Souviens-toi donc que, si tu crois libres les choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui
dépendent d'autrui, tu rencontreras à chaque pas des obstacles, tu seras affligé, troublé, et tu te plaindras des
dieux et des hommes.
Au lieu que si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui,
jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux ; tu ne te
plaindras de personne ; tu n'accuseras personne ; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi ;
personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible.
»
Sans doute y a-t-il chez tout homme un désir de liberté.
Mais on constate aussi que, souvent, le même homme
se plaint de ne pas jouir d'une liberté suffisante.
Qu'est-ce qui vient ainsi contrarier son désir?
Si l'on comprend le désir d'être libre comme la conscience d'un manque, d'une absence de liberté, nous nous
condamnons à n'être jamais satisfait de la liberté qui nous est offerte, puisque par définition «désirer être libre»
signifie entrer dans un interminable processus au cours duquel le désir se verra alternativement satisfait en partie et
renaissant..
»
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