Si l'on veut penser par soi-même, faut-il craindre toute influence ?
Extrait du document
«
THÈMES DE RÉFLEXION
• Qu'est-ce que « penser » ? (Voir le commentaire du sujet t Quelle différence faites-vous entre opinion et pensée ?
»)
• Que peut signifier « penser par soi-même ».
• Peut-on « penser » (en quel(s) sens, en quoi) si l'on n'a pas été marqué (voire « construit ») par de multiples «
influences » ? (Cf.
« Les enfants sauvages.
Mythe et réalité », de Malson (Collection 10-18).
• Remarquer qu'il est question ici de « craindre toute influence ».
Ne serait-ce pas une crainte vaine (voire futile)
dans la mesure où « penser » ne serait possible sans de multiples influences reçues et toujours « actuelles », à
l'oeuvre (en nous) ?
Commencez donc par analyser ce que peut signifier l'expression " penser par soi-même ".
A partir de là, vous
pouvez montrer que penser par soi-même consiste justement à refuser et à échapper à toute forme d'influence, de
persuasion...Néanmoins, il faut se demander ici ce que la notion d'influence signifie.
Il y a en effet plusieurs formes
d'influence et la question est peut être de savoir par quoi on se fait influencer.
On peut être aussi bien sous
l'influence des désirs que sous celle de la raison par exemple.
L'opinion d'autrui n'est pas forcément la vérité.
Ainsi que l'écrit Alain dans Mars ou la guerre jugée: «Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que
chacun les subit et que personne ne les forme.» Voilà le grand travers de l'opinion: elle me conduit à penser, non
par moi-même, de manière libre et autonome, mais, bien au contraire, en me conformant à l'avis général.
Avis
général que je suis souvent par paresse et parfois par lâcheté.
Kant dira: " La paresse et la lâcheté sont les causes
qui expliquent qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les a depuis longtemps affranchis d'une direction
étrangère (naturaliter maiorennes) (1), demeurent pourtant leur vie durant volontiers mineurs ; et qu'il soit si facile
à d'autres de se poser comme leurs tuteurs.
Il est si confortable d'être mineur.
Si j'ai un livre qui a de l'entendement
à ma place, un pasteur qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime
alimentaire, etc., je n'ai alors bien sûr nul besoin de m'en donner moi-même la peine.
Il ne m'est pas nécessaire de
penser, du moment que je peux payer; d'autres se chargeront bien pour moi de ce travail fastidieux.
Que de loin la
plus grande part des hommes (et parmi elle, la totalité du beau sexe) tienne, outre le fait qu'il est pénible à franchir,
pour également très dangereux le dernier pas vers la majorité, c'est ce dont s'avisent ces tuteurs qui, très
aimablement, ont pris sur eux d'exercer leur haute bienveillance sur ces hommes.
Après avoir, d'abord, rendu stupide
leur bétail domestique, et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire un seul
pas hors du parc (2) où ils les ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace si elles essaient de
marcher seules.
Or ce danger n'est pas si grand qu'il paraît, car, moyennant quelques chutes, elles finiraient bien par
apprendre à marcher ; mais le moindre exemple d'une telle chute les rend cependant timides et les dissuade de faire
une nouvelle tentative.
"
Aussi dois-je bien me garder de subir l'influence de l'altérité si je veux conquérir une autonomie de pensée.
C'est-àdire une pensée émanant pleinement et totalement de moi, une pensée qui me soit propre..
»
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