Sextus Empiricus, «À toute raison s'oppose une raison de force égale»
Extrait du document
«
Indications générales
Philosophe, médecin et astronome grec, Sextus (Ile, llle siècle) fut surnommé «l'empirique» (empiricus) pour avoir
introduit le recours à l'expérience en médecine.
Son oeuvre est surtout une présentation des philosophies stoïcienne et
sceptique.
C'est notamment à travers ses Hypotyposes pyrrhoniennes que nous connaissons la pensée du grand
philosophe sceptique Pyrrhon d'Élis.
La citation qui suit est donc tirée d'un texte de Sextus, mais c'est la doctrine de
Pyrrhon qui est exprimée.
Citation
«Quand je dis à toute raison s'oppose une raison de force égale», je veux dire: "à toute raison que j'ai examinée, qui
construit une assertion dogmatique, une autre raison, qui construit une assertion dogmatique égale à elle pour
persuader ou ne pas persuader m'apparaît s'opposer"».
(Hypotyposes pyrrhoniennes, livre I, chap.
27.)
Explication
Ce que dit Pyrrhon, c'est que toute argumentation rationnelle admet une contre-argumentation, qui est tout aussi
rationnelle et tout aussi convaincante.
Dans ces conditions, il nous faut reconnaître que la raison n'est pas capable de
dire quoi que ce soit de sûr sur le réel.
La sagesse consiste alors dans la suspension du jugement.
Cette suspension
doit déboucher sur ce que les sceptiques appellent l'« aphasie» ou absence de parole.
Pour ces philosophes, c'est la
forme que prend l'ataraxie (ou absence de trouble, idéal commun aux stoïciens, aux épicuriens et aux sceptiques, mais
que chaque école définit différemment).
Exemple d'utilisation
Le scepticisme est un cas limite de la philosophie: c'est à la fois un véritable système philosophique, mais avec lui, le
discours philosophique prend fin.
Il doit être utilisé avec précaution.
C'est une bonne référence lorsque l'on veut
montrer que le langage ne peut pas vraiment dire la réalité, ou que celle-ci a quelque chose de radicalement
incommensurable avec la pensée humaine: il n'y a pas de mesure commune entre la pensée et le réel, et donc mieux
vaut se taire.
SUJET TYPE: L'amour de la vérité peut-il faire obstacle au jugement?
Contresens à ne pas commettre
Il ne faut pas confondre le scepticisme banal, qui est un relativisme mou, avec le scepticisme philosophique de
Pyrrhon, qui est une véritable doctrine, logique et morale.
Le scepticisme banal est en amont de toute réflexion ; le
scepticisme philosophique vient en aval, après avoir parcouru tout le champ de la philosophie.
Rien n'est plus banal que
de dire «tout est relatif», «à chacun sa vérité », «chacun peut répondre comme il veut aux questions qu'on lui
pose»...et d'en profiter pour arrêter de réfléchir.
La liberté d'opinion et d'expression ne signifie pas qu'il existe autant
de vérités qu'il y a d'individus: en démocratie, chacun doit pouvoir dire ce qu'il pense, cela ne signifie pas que tout le
monde a également raison! Le scepticisme de Pyrrhon, au risque d'être contradictoire avec lui-même, prétend bien
énoncer une vérité absolue en disant que le bonheur se trouve dans l'aphasie.
Cet idéal de suspension du jugement se
conquiert au prix de grands efforts intellectuels pour reconnaître sa valeur.
En bref, le scepticisme banal est la paresse
de la pensée; le scepticisme philosophique est au contraire son plus grand effort..
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