Servitude humaine et liberté chez Spinoza
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Thème 512
Servitude humaine et liberté chez Spinoza
Servitude: état de dépendance à l’égard des causes extérieures (action, ou causalité inadéquate).
Les passions produisent la servitude
par leur passivité, non par leur essence affective liée au Désir.
Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).
La liberté concrète est
l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet
individu, c’est-à-dire de son Désir).
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est
pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
« Je prie les lecteurs de distinguer soigneusement entre une idée, autrement dit un concept de l'esprit, et les images des choses que nous
imaginons.
Il est nécessaire aussi de bien faire la distinction entre les idées et les mots par lesquels nous désignons les choses ».
La
connaissance humaine comporte trois degrés :
Le premier (connaissance du premier genre) est purement empirique, c'est la connaissance par ouï-dire, par expérience vague, par images.
Elle exprime davantage le sujet avec ses désirs et ses craintes que l'objet.
Cette connaissance est fondamentalement mutilée, elle ne saisit
qu'un aspect très partiel du réel.
La connaissance « du premier genre » est la cause principale du fanatisme et de la superstition.
Mélange de
réel et de fictif, elle est le produit de l'imagination et la source des passions.
Elle induit un usage ambigu du langage : nous érigeons des
termes abstraits en autant de réalités objectives, les paroles permettent toutes les libertés (tous les délires) et sur ce terrain se déploient les
fictions, les mythes.
Les mots sont les signes des choses telles qu'elles apparaissent à l'imagination, non à l'entendement.
Le deuxième genre de connaissance, c'est la connaissance discursive qui procède par enchaînements de raisonnements, la connaissance
claire et distincte telle que les mathématiques nous en fournissent l'exemple.
Le troisième genre de connaissance, c'est la connaissance intuitive, la perception évidente, immédiate d'un lien logique d'implication.
Elle
seule permet de parvenir à l'idée vraie, celle qui rend compte d'une réalité par la totalité de ses causes ou de ses déterminations logiques.
C'est une connaissance qui relie chaque chose à toutes les autres, elle seule sera adéquate (à son objet), complète.
Il sera donc nécessaire
de définir l'objet par sa seule essence ou sa cause prochaine, ce n'est qu'ensuite que l'on pourra déduire ses propriétés.
Par exemple, le
cercle est une figure décrite par tout segment de droite dont une extrémité est fixe et l'autre mobile.
A partir de cette définition, on pourra
déduire les propriétés du cercle.
Par exemple : les droites menées du centre à la circonférence sont égales.
Le concept de la chose (ou sa
définition) doit être tel que toutes ses propriétés puissent en être déduites.
Il est remarquable que les exemples de connaissance du 3e genre (intuitive ou de l'essence) et du 2e genre (enchaînement de déductions)
soient empruntés aux mathématiques; c'est là en effet la science qui ne laisse aucune prise au délire de l'imagination ni au verbalisme.
L'idée ne consiste ni dans l'image ni dans les mots mais dans l'exercice de l'intellect qui coïncide avec son objet.
La vérité ne sera donc pas
du côté du senti ou du vécu, de l'existence en général, car tout ce qui s'offre à la perception sensible ou à l'imagination n'a aucune
nécessité.
La connaissance du 2e et du 3e genre a pour objet de prédilection Dieu ou la nature mais la fin de cette connaissance est de libérer l'homme
de la servitude des sentiments et des passions afin qu'il puisse vivre en harmonie avec ses semblables sous la conduite de la raison.
La
connaissance par suite ne doit pas s'arrêter devant les « mystères de l'âme humaine ou la violence des passions » : ceci aussi appartient à
la nature et doit pouvoir recevoir une explication rationnelle.
L'état primitif d e l'homme est la passivité car la tendance à persévérer dans l'être commence par subir l'influence des modifications
imposées à notre corps.
La passion, c'est d'abord la passivité : des changements liés à des causes extérieures affectent le corps et ces changements sont
représentés à notre esprit par des idées confuses, tant que nous n'en connaissons ni l'origine ni le mécanisme.
Si quelque chose augmente ou diminue, favorise ou empêche notre puissance d'agir, l'idée de cette chose augmente ou diminue la
puissance de penser de notre âme.
La joie, la tristesse et le désir sont les trois affections primitives dont naissent toutes les autres : la joie ce sera l'expérience du passage
d'une moindre à une plus grande perfection, la tristesse l'expérience contraire ; quant au désir, il exprime la tendance de l'être à persévérer
dans son être, à augmenter sa puissance d'agir.
Ainsi — par les mécanismes de l'association par contiguïté, ressemblance, contraste — notre
âme aimera l'objet dont elle associe l'image à sa tristesse.
Mais l'analyse montre que le lien entre l'objet d'amour et l'amour est tout à fait
fortuit : ce n'est pas parce qu'un objet est aimable que nous l'aimons, mais bien plutôt parce qu'il se trouve satisfaire une tendance, que
nous le jugeons aimable.
Le bien, le mal, le beau, le laid ne sont pas des propriétés des choses mais des modes d'imaginer.
Nous sommes une partie de la nature qui ne peut se suffire à elle-même ; les passions assujettissent les individus à l'influence des
circonstances extérieures mais elles n'ont qu'une nécessité de circonstance; il est possible de réfréner l'imagination en s'attachant à la
poursuite d'un bien propre à satisfaire la pensée quelles que soient les circonstances : ce bien c'est la connaissance de la nature dans sa
nécessité ou, par rapport à l'homme, la connaissance de ce qu'il est de ce qu'il peut.
Or « nous ne savons même pas ce que peut un corps ».
(Éthique III — proposition 2 scolie).
La spéculation philosophique n'a que trop tendance à disserter sur l'âme, la conscience, l'esprit, à imaginer l'influence de l'esprit sur le corps
ou vice versa.
L'esprit et le corps expriment tous deux — et de façon égale — la nature : « l'ordre des actions et des passions de notre corps va par nature
de pair avec l'ordre des actions et des passions de l'esprit», car plus un corps est apte à agir et à pâtir de plus de façons à la fois, plus son
esprit est apte à percevoir de choses à la fois ; et plus les actions d'un corps dépendent de lui seul et moins d'autres corps concourent avec
lui à une action, plus son esprit est apte à comprendre distinctement.
Tout ce que peut un corps c'est son droit naturel, et la société a pour fonction de rendre possible le développement du maximum de
puissance du corps et de l'esprit.
Isolé à la naissance, nul n'est ni raisonnable, ni fort, ni libre.
L'enfant dépend au plus haut point des causes extérieures.
Adam est l'image de l'enfance de l'humanité : triste, faible, esclave, ignorant.
La société conforme à la nature de l'homme est celle où la
puissance d'agir et de penser est possible, c'est-à-dire une société de laquelle la superstition serait exclue : c'est la superstition qui menace
toutes les entreprises de l'homme, et aussi bien la tâche du philosophe est éminemment politique : dénoncer les systèmes politiques qui ne
pourraient s'imposer qu'en inspirant aux hommes des passions tristes dont ils profitent.
C'est dans la cité que l'homme réalisera sa liberté.
« Le sage est plus libre dans la cité où il obéit à la Loi commune que dans la solitude où
il n'obéit qu'à ses passions »..
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