Sentir est-ce connaître ?
Extrait du document
«
PREMIERE CORRECTION
La connaissance désigne l'activité par laquelle l'homme se propose de comprendre ce qu'il vit et ce qui l'entoure.
Or
le premier contact que nous avons avec les choses du monde s'opère par l'intermédiaire de nos sens.
Sentir doit
donc ici être entendu dans son sens premier : éprouver des
sensations.
Montrez donc d'abord que toute
connaissance commence
nécessairement par une sensation, celle-ci désignant précisément le fait
qu'une
impression organique devienne consciente.
Cependant, par nature, la
sensation semble éphémère, liée à une
expérience singulière et donc
subjective.
Expliquez donc pourquoi l'exigence de connaissance nous pousse
nécessairement au-delà de ce simple fait de sentir, mais demandez- vous alors si ces extensions ou abstractions
ne sont pas en fait que des "transformations" de la sensation.
Il s'agit en fait de dépasser l'opposition simpliste de deux positions ; la première qui considère que la connaissance
découle de la seule expérience sensible, l'esprit étant une « table rase » (empirisme), et la deuxième affirmant que
les éléments premiers de la connaissance sont en notre esprit comme des « semences de vérité », connaissables par
une évidence immédiate (innéisme de Descartes).
On peut en effet affirmer avec Kant que toute connaissance débute avec l'expérience, mais qu'elle n'en découle
pas entièrement, dans la mesure où l'expérience sensible n'est que la « matière » de cette dernière.
La
connaissance est le résultat d'une organisation abstraite de ces matériaux sensible.
Il semble donc que si connaître
débute avec le sentir, la sensation seule ne suffise pas pour constituer une connaissance.
Le problème est dès lors le suivant.
Ces structures, que Kant considère comme a priori et qui permettent à la
connaissance de se constituer à partir de données sensibles sont-elles conditionnées par le sensible ou y sont-elles
irréductibles ?
1)
Toute connaissance semble débuter avec l'expérience sensible.
Cependant, la sensation est
éphémère et changeante là où la connaissance ne l'est pas.
Dans la connaissance, nous visons
justement à dépasser ce caractère mouvant et éphémère de la simple sensation.
"L'universel, ce qui s'applique à tous les cas, est impossible à percevoir, car ce n'est ni une chose déterminée ni un
moment déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous appelons universel ce qui est toujours et
partout.
Donc, puisque les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être
perçues, il est clair qu'il n'y a pas de science par la sensation.
Mais il est évident encore, que même s'il était
possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une
démonstration, et que nous n'en aurions pas une connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement
sur l'individuel, tandis que la science consiste dans la connaissance universelle.
Aussi, si nous étions sur la Lune, et
que nous voyions la Terre s'interposer sur le trajet de la lumière solaire, nous ne saurions pas la cause de l'éclipse :
nous percevrions qu'en ce moment il y a éclipse mais nullement le pourquoi, puisque la sensation ne porte pas sur
l'universel.
Ce qui ne veut pas dire que par l'observation répétée de cet événement, nous ne puissions, en
poursuivant l'universel, arriver à une démonstration, car c'est d'une pluralité de cas particuliers que se dégage
l'universel.” Aristote
"Nous allons énumérer ici tous les actes de notre entendement par lesquels nous pouvons parvenir à la connaissance
des choses sans aucune crainte d'erreur ; il n'y en a que deux : l'intuition' et la déduction.
Par intuition j'entends,
non pas le témoignage changeant des sens ou le jugement trompeur d'une imagination qui compose mal son objet,
mais la conception d'un esprit pur et attentif, conception si facile, si distincte qu'aucun doute ne reste sur ce que
nous comprenons ; ou, ce qui est la même chose, la conception ferme d'un esprit pur et attentif qui naît de la seule
lumière de la raison et qui, étant plus simple, est par suite plus pure que la déduction même, qui pourtant elle aussi
ne peut être mal faite par l'homme (...).”DESCARTES
"Les sens, quoique nécessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les
donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c'est-à-dire des vérités particulières ou
individuelles.
Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu'ils soient, ne suffisent
pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit point que ce qui est arrivé arrivera de
même.
Par exemple les Grecs et les Romains et tous les autres peuples ont toujours remarqué qu'avant le décours
de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour.
Mais on se serait trompé si l'on avait cru que la même
règle s'observe partout ailleurs, puisque depuis on a expérimenté le contraire dans le séjour de Nova Zembla .
Et
celui-là se tromperait encore qui croirait que, dans nos climats du moins, c'est une vérité nécessaire et éternelle qui
durera toujours, puisqu'on doit juger que la terre et le soleil même n'existent pas nécessairement, et qu'il y aura
peut-être un temps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans la présente forme, ni tout son système.
D'où il
paraît que les vérités nécessaires, telles qu'on les trouve dans les mathématiques pures et particulièrement dans
l'arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépende point des exemples, ni
par conséquent du témoignage des sens, quoique sans les sens on ne se serait jamais avisé d'y penser.
C'est ce
qu'il faut bien distinguer, et c'est ce qu'Euclide a si bien compris, qu'il démontre souvent par la raison ce qui se voit
assez par l'expérience et les images sensibles.” Leibniz.
»
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