Se pourrait-il que le réel ne soit pas rationnel ?
Extrait du document
«
[Bien des aspects du réel ne peuvent pas être expliqués par la raison.
Il se pourrait que le monde n'ait ni
cause, ni but, que les phénomènes n'obéissent à aucun ordre rationnel, que les actions des hommes ne
suivent aucune logique.]
Le monde est chaos
Nietzsche a remis en question l'idée selon laquelle le monde obéirait à
un ordre, raison ou logos.
Le réel se caractérise, selon lui, par le chaos,
l'absence d'ordre, le changement permanent.
«Même l'être le plus
raisonnable a de temps en temps besoin de retrouver la nature, c'està-dire le fond illogique de sa relation avec toutes choses.»
"Savoir jusqu'où va le caractère perspectiviste de l'existence, ou
même savoir si l'existence possède encore un autre caractère, si
une existence sans interprétation, sans « raison » ne devient pas
de la « déraison », Si, d'autre part, toute existence n'est pas
essentiellement interprétative – c'est ce qui, comme de juste, ne
peut pas être décidé par les analyses et les examens de l'intellect
les plus assidus et les plus minutieusement scientifiques : l'esprit
humain, durant cette analyse, ne pouvait faire autrement que de
se voir sous ces formes perspectives et uniquement ainsi.
Il nous
est impossible de voir au-delà de l'angle de notre regard : il y a
une curiosité sans espoir à vouloir connaître quelles autres
espèces d'intellects et de perspectives il pourrait y avoir, par
exemple, s'il y a des êtres qui peuvent concevoir le temps en
arrière, ou tour à tour en avant et en arrière (par quoi on
obtiendrait une autre direction et une autre conception de la
cause et de l'effet).
J'espère, cependant, que nous sommes au moins, de nos jours, assez éloignés
de ce ridicule manque de modestie de vouloir décréter de notre angle que ce n'est que de cet angle
que l'on a le droit d'avoir des perspectives.
Le monde, au contraire, est redevenu pour nous « infini »
: en tant que nous ne pouvons pas réfuter la possibilité qu'il contienne des interprétations à l'infini.
Encore une fois le grand frisson nous prend : – mais qui donc aurait envie de diviniser de nouveau,
immédiatement, à l'ancienne manière, ce monstre de monde inconnu ? Adorer cet inconnu
désormais comme le « dieu inconnu » ? Hélas, il y a trop de possibilités non divines d'interprétation
qui font partie de cet inconnu, trop de diableries, de bêtises, de folies d'interprétation, – sans
compter la nôtre, cette interprétation humaine, trop humaine que nous connaissons..." NIETZSCHE
• Ce texte de Nietzsche pose la thèse du perspectivisme qui révolutionne notre manière d'envisager le monde.
De quoi s'agit-il plus précisément ? La vision classique - celle de Platon par exemple - envisageait la Vérité
comme unique et universelle.
A cette unité-unicité du vrai, Nietzsche substitue un nouveau référentiel : il
existe sur le monde, une infinité de perspectives, d'interprétations du monde, toutes légitimes et acceptables.
Si le réel dans sa complexité et sa bigarrure est infini, il peut et il doit être infiniment interprété.
• On ne saurait échapper au perspectivisme : le réel ne se donne jamais qu'à partir d'une perspective, celle de
celui qui l'appréhende et l'interprète.
Le réel dépend donc de la perspective adoptée par son herméneute.
Le
réel n'est vu dans et par le point de vue de son interprète.
Dès lors, il ne saurait donc exister de réel
indépendant d'une perspective, d'une interprétation, il n'y a pas de réel en soi, un et univoque.
On trouve ici
une critique du platonisme qui croit ramener la multiplicité du sensible à l'unité de l'Idée.
• Ainsi, tout est interprétation.
Le monde est un texte à déchiffrer et les clefs de lecture en sont multiples.
Nietzsche écrira : « L'essence, l'être, sont une réalité perspectiviste et supposent une pluralité.
Au fond, c'est
toujours la question : qu'est-ce que c'est pour moi ? [...] Bref, l'essence d'une chose n'est somme toute
qu'une opinion sur cette chose.
Ou plutôt la formule cela passe pour est le résidu vrai de la formule : cela est
; c'est le seul cela est.
» (Volonté de puissance, I, § 204).
Dans un monde multiple, il y a plusieurs points de
vue possibles.
La perspective est l'art de faire varier les points de vue, afin d'enrichir le regard porté sur le
monde.
Le perspectivisme est l'attitude qui consiste à varier les points de vue sur une chose ou sur un événement de
façon à varier le sens de ceux-ci et donc l'interprétation qu'on peut en faire et élever ainsi peu à peu la vie à
la hauteur d'un événement.
En ce sens, le perspectivisme n'est pas autre chose que l'art appliqué à la culture..
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