Se passionner est-ce s'illusionner ?
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il faut avant tout examiner la signification des termes « passion » et « illusion » : la passion est-elle, au sens classique, tout état d'esprit dans lequel je suis passif, ou, en un sens plus moderne, un sentiment violent et durable qui domine mon esprit ? L'illusion est-elle, pour sa part, réductible à la simple erreur involontaire due à une apparence trompeuse, ou à l'inverse, ne contribué-je pas à la faire naître, croître, persister, n'en suis-je pas aussi responsable ? Il conviendra aussi de s'interroger sur les liens possibles de la passion à l'illusion : la passion repose-t-elle sur l'illusion comme sur une condition ou une cause, ou au contraire, l'illusion est-elle le fruit de la passion ?
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APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE
Bien lire le sujet : il faut avant tout examiner la signification des termes « passion » et « illusion » : la passion estelle, au sens classique, tout état d'esprit dans lequel je suis passif, ou, en un sens plus moderne, un sentiment
violent et durable qui domine mon esprit ? L'illusion est-elle, pour sa part, réductible à la simple erreur involontaire
due à une apparence trompeuse, ou à l'inverse, ne contribué-je pas à la faire naître, croître, persister, n'en suis-je
pas aussi responsable ? Il conviendra aussi de s'interroger sur les liens possibles de la passion à l'illusion : la passion
repose-t-elle sur l'illusion comme sur une condition ou une cause, ou au contraire, l'illusion est-elle le fruit de la
passion ?
Un point de départ à discuter : on pourra partir de l'opinion commune selon laquelle le passionné se berce
d'illusions ou se méprend sur l'objet de sa passion, en prenant, par exemple, la passion particulière qu'est l'amour
pour modèle, au moins jusqu'à un certain point, de la passion.
Recherche du problème : la passion et l'illusion ont ceci de commun qu'en l'une comme en l'autre, je suis à la fois
passif et actif, je suis soumis à une passion ou à une illusion, mais en même temps, je m'y soumets librement et
demeure ainsi libre à leur égard.
C'est ainsi que s'ouvre la possibilité de penser une passion dépourvue d'illusion.
PLAN
Introduction
I.
La passion est liée à l'illusion.
1.
La passion.
2.
Le passionné et l'objet de sa passion.
3.
L'illusion accompagne la passion.
II.
La nature du lien de la passion à l'illusion.
1.
Le pouvoir que nous avons sur nos passions.
2.
La nature de l'illusion.
3.
L'illusion opposée à la passion.
III.
La passion véritable, fondée sur la connaissance.
1.
La « grande passion ».
2.
Passion et connaissance.
3.
La passion de générosité.
Conclusion
Introduction
Lorsqu'on dit que l'amour est aveugle, on entend qu'il s'illusionne sur son objet, que l'amour ne peut exister sans
illusion.
Plus généralement, toute passion semble accompagnée d'illusion : l'avare place les richesses au-dessus de
tout et n'accorde plus à l'argent et aux biens matériels la place qu'ils méritent, l'ambitieux ne voit plus dans le
pouvoir qu'il cherche ou les honneurs qu'il brigue la récompense de ses mérites, mais le plus haut de tous les biens.
Le passionné, dès lors, en vertu de sa passion même, vit dans l'illusion, et sans illusion il semblerait qu'il ne pût plus
y avoir pour lui de passion, parce que les choses lui sembleraient alors ternes, pâles, ordinaires et sans intérêt.
La
passion suppose en ce sens que celui qui y est sujet y succombe et perde alors le discernement nécessaire pour
estimer l'objet de sa passion comme celui-ci le mérite.
Néanmoins, nul ne succombe à une passion ou à une illusion
sans l'avoir de quelque façon voulu.
C'est donc en examinant les liens entre la passion et l'illusion qu'il pourra
apparaître si ce lien est constitutif de la passion et si celle-ci peut se libérer de l'illusion.
I.
La passion est liée à l'illusion
1.
La passion
Nous pouvons, afin de déterminer la nature de la passion, prendre pour point de départ la définition qu'en donne
Descartes à l'article 27 des Passions de l'âme : elles consistent en « des perceptions, ou des sentiments, ou des
émotions de l'âme, qu'on rapporte particulièrement à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque
mouvement des esprits ».
Descartes explique cette définition dans les articles qui suivent : la passion est une
perception parce qu'elle est subie, passive ; un sentiment parce qu'elle se manifeste à l'occasion d'objets extérieurs
donnés par les sens, et enfin une émotion « parce que, de toutes les pensées que [l'âme] peut avoir, il n'y en a
point d'autres qui l'agitent et l'ébranlent si fort que font ces passions ».
Par ailleurs, la passion est rapportée à l'âme
pour qu'elle soit distinguée des sensations extérieures à nous (sons et couleurs) ainsi que des sentiments rapportés
à notre corps (faim et douleur), et les « esprits » qui l'animent sont l'appellation cartésienne de ce que l'on nomme
aujourd'hui influx nerveux : en d'autres termes, les passions ont toujours de quelque façon à voir avec la disposition
corporelle, c'est en tant que nous avons un corps que nous sommes sujets aux passions.
2.
Le passionné et l'objet de sa passion.
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