Sciences & Techniques: Sismologie : à l'écoute de la Terre
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Sciences & Techniques: Sismologie : à l'écoute de la Terre
Notre planète sous surveillance rapprochée livre le secret de ses mouvements tectoniques.
Pourra-t-on un jour prévoir les séismes ?
Fin 1989, tout San Francisco attendait le Big One.
Le tremblement de terre qui arriva ne fut pas celui-là, mais détruisit tout de même de nombreuses habitations, en couchant à terre des
autoroutes chargées de voitures.
Dans la ligne de mire de la faille de San Andrea, la ville échappait de justesse à la destruction totale.
La cause de l'activité sismique de la région est entendue : le glissement de la plaque Pacifique le long de la plaque américaine, un mouvement de
décrochement qui entraîne la croûte océanique vers le nord.
Les spécialistes pensent pourtant que l'apparition des séismes est un phénomène chaotique
comme celui des ouragans qu'une aile de papillon pourrait déclencher.
Cependant, les signes précurseurs existent et si leur fiabilité n'est pas totale, une écoute
attentive est nécessaire.
Elle se pratique au travers de réseaux d'observation à l'échelle d'une région, ou encore, par une surveillance globale des bruits de la
Terre.
Sur le terrain, les sismologues surveillent une grande variété de paramètres : le niveau des lacs ou nappes phréatiques avec des marégraphes, l'inclinaison des pentes, le taux de radon
ou l'écartement de failles à l'aide d'une brassée de capteurs bien disposés.
Des sismographes portatifs complètent cette panoplie de campagne.
Ces appareils, constitués d'une masse
qui oppose son inertie au mouvement du support, ont fait d'étonnants progrès depuis les débuts de la sismologie.
Aujourd'hui, ils détectent des mouvements inférieurs à l'angström (0,1
millionième de millimètre) et sont capables d'enregistrer les ondes sismiques sur presque toute la largeur de leur spectre.
Le déploiement de cet arsenal d'espions requiert énergie et intelligence, tant pour le matériel laissé sur place que pour les sismologues qui vont et viennent entre les capteurs espacés de
plusieurs kilomètres.
Ils récoltent les disques durs emplis de données et entretiennent les cellules solaires et les batteries d'alimentation.
Pascal Bernard, du laboratoire de sismologie de
l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), voyage régulièrement en Grèce où son équipe concentre ses efforts d'observation autour du golfe de Corinthe.
Situé sur un rift qui sépare
le Péloponnèse du continent au rythme de 1 centimètre par an, ce site est le plus actif d'Europe.
Lorsqu'un séisme survient, ce fut le cas le 15 juin 1995 à Aigion, une petite ville du golfe,
un ensemble de capteurs est prêt pour l'enregistrement.
Toutes les disciplines liées à la sismologie contribuent à reconstituer l'histoire et l'origine d'un tel événement.
En plus des sismogrammes, les scientifiques
français et grecs d'Aigion se sont servis des données géodésiques des 35 balises GPS (Global Positionning System) réinstallées sur le site juste après le
séisme.
Ils ont pu ainsi déterminer quels points s'étaient réellement déplacés.
Pour obtenir une vue plus globale de l'événement, ils ont utilisé des images du
radar à ouverture synthétique (SAR) embarqué sur le satellite géodésique ERS1.
En superposant des vues d'avant et d'après le séisme, on obtient une figure
d'interférence, base d'une véritable modélisation des mouvements profonds responsables de la secousse.
Déduite de l'ensemble des données sismologiques, la faille d'Aigion devait s'étendre sur une aire rectangulaire, profonde d'une dizaine de kilomètres.
Pour
affiner ce modèle, un programme spécialisé donne les franges d'interférence correspondant aux différentes positions probables de la faille.
En comparant les résultats des simulations de
chaque hypothèse aux images SAR, il ressort que cette faille devait être inclinée d'une trentaine de degrés..
Les roches profondes se seraient donc déplacées de quelque 87 centimètres
de part et d'autre en provoquant, outre le séisme et la rupture des failles secondaires, un léger affaissement de la partie nord du golfe de Corinthe.
L'étude de terrain aurait pu aussi se doubler d'une activité de prévention.
C'est le cas au Japon, qui concentre sur son minuscule territoire un vingtième de l'activité sismique mondiale.
Il
est situé à la rencontre de trois plaques tectoniques qui glissent l'une contre l'autre.
Les plaques Philippine et Pacifique s'y enfoncent sous la plaque Asiatique à la vitesse de 10 cm par
an.
Les spécialistes japonais prévoient un tremblement de terre de magnitude 8 ou plus dans les trente années qui viennent.
Mais aujourd'hui, ou demain, et où exactement? Personne ne
sait…
A l'initiative du NIED (l'Institut National des sciences de la Terre et de la prévention des désastres), les autorités japonaises ont installé un réseau d'observation reposant directement sur
le fond océanique au sud de Tokyo.
Cet endroit, la dépression de Sagami, est supposé être à l'origine de nombreux mouvements tectoniques meurtriers.
Baptisé ETMC, ce réseau de 125
km possède neuf capteurs immergés, espacés d'une vingtaine de kilomètres et reliés à la station côtière d'Hiratsuka par une fibre optique.
Les instruments sont enfermés dans de lourds
cylindres d'aciers spéciaux, reposant à plus de 2000 mètres.
Les autorités espèrent ainsi avoir quelques minutes d'avance : les ondes sismiques et les " tsunamis ", ces vagues
déferlantes amplifiées par la géométrie des côtes et dues à une secousse verticale, progressent moins vite que la lumière des fibres optiques.
Pour alerter les sismologues, si ce n'est les populations, ou étudier le fonctionnement de notre machine terrestre, rien de tel qu'un réseau d'observation à
l'échelle mondiale.
Les ondes sismiques, naturelles ou provoquées par une explosion, parcourent toute la planète.
En étudiant leur vitesse de transmission, on
s'informe sur les différentes densités et compositions des roches qu'elles traversent.
C'est ce que les scientifiques appellent la " tomographie sismique " du
globe.
Plus les roches sont chaudes, moins elles sont denses et moins vite y progressent les ondes sismiques.
Le manteau ou le noyau et sa graine solide se
dévoilent ainsi par les variations de vitesses, les directions privilégiées des ondes (anisotropie) ou leurs réfractions que provoquent ces structures.
De même
apparaissent, superposables au dessin des continents, les grands courants de convection mantelliques.
Le réseau " Geoscope ", mis en place par les
scientifiques français à l'initiative de l'IPGP, fonctionne comme un outil de surveillance et de recherche depuis 1982.
Il réunit les données d'une trentaine de
stations réparties sur tous les continents.
Elles enregistrent les ondes sismiques dès qu'une secousse dépasse la magnitude 6.
D'importants moyens de calcul sont mis à contribution
pour analyser automatiquement ces ondes : on détermine ainsi la position et la nature de la source, bombe ou séisme.
On peut, grâce à l'observation globale, établir des cartes de
sismicité qui permettent d'évaluer les risques régionaux.
Elles contribuent à maintenir les consciences en alerte.
" Les séismes les plus meurtriers ne sont pas toujours les plus forts ",
rappelle Jean-Paul Montagner, responsable du groupe de recherche Geoscope à l'IPGP.
Celui qui s'est produit à Kaboul en février dernier ne s'est pas distingué par sa magnitude (6,1).
Il a
néanmoins laissé quelque 6000 victimes qui n'ont pas ému outre mesure dans un contexte international dominé par l'information des pays riches.
Des constructions parasismiques
auraient largement pu éviter la catastrophe..
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