Satisfaire tous ses désirs, est-ce la clé du bonheur ?
Extrait du document
«
Introduction :
Etre heureux semble définit un état ressenti et vécu de bonheur.
Or le bonheur est un état stable.
Or si
comme le note Kant dans la Critique de raison pratique : « Etre heureux est nécessairement ce que réclame tout
être raisonnable mais fini ; c'est donc aussi un motif déterminant inévitable de la faculté de désirer »[1].
Le bonheur
semble donc lier à la faculté de désirer.
Dans ce cas, pour savoir ce qui ferait notre bonheur, il nous faudrait faire la
liste des choses que nous désirons et chercher à les réaliser par tous les moyens possibles.
Une fois tous réalisés
nous serions heureux car nous aurions réalisés tous nos désirs, nous serions comblés.
Or le désir exprime un rapport
au manque, mais aussi une création authentique.
Le désir est ce mouvement qui me porte vers un objet que
j'imagine source de satisfaction ou pouvant constituer mon bonheur d'une manière ou d'une autre.
Néanmoins, le
désir ne se confond pas avec la volonté : vouloir ce n'est pas seulement désirer mais organiser les moyens en vue
d'une fin poursuivie.
Le désir n'est pas non plus le besoin.
Le besoin est fondamentalement un manque matériel alors
que le désir est déjà d'une certaine façon spirituel ou plus exactement d'ordre existentiel.
Le problème dès lors c'est
que le désir peut porter sur des objets inaccessibles comme le désir d'immortalité ; mais surtout, à la différence du
besoin, le désir ne s'apaise pas lors de sa satisfaction : l'odyssée du désir ne s'arrête jamais, il s'agit d'un éternel
recommencement, un cycle sans fin.
Et c'est bien cela qui peut nous pousser à rejeter nos désirs, ou certains
d'entre eux.
En effet, l'absence de satisfaction complet et permanent peut entraîner la souffrance tant physique
que psychologique ou un frein à notre activité comme la réflexion en tant qu'il contient en lui une part d'irrationnel.
Dans ce cas nous avons affaire à une double interrogation à travers le sujet « pour être heureux faut-il satisfaire
tous ses désirs ? » à savoir : N'y a-t-il pas une incompatibilité entre « être heureux » et désirer si l'un recherche un
état stable et l'autre est sans cesse en mouvement ? et : La satisfaction complète de nos désirs est-elle
simplement possible ?[2]
S'il apparaît dans la tradition philosophique un véritable rejet du désir au nom de l'ascétisme voulant nous
ouvrir une voie sûre vers le bonheur (1ère partie) il conviendra d'étudier et d'envisager les fondements et la valeur
de ce conception négative du désir (2nd partie) afin sans doute de pouvoir envisager le désir dans toute sa
positivité et à travers une hiérarchie des désirs, entreprendre une véritable définition de l'« être heureux » à partir
du désir, c'est-à-dire d'atteindre l'ataraxie.
I – Philosophie, ascétisme et rejet du désir
a) La question de l'être heureux ou du bonheur, que l'on définit comme synonyme à cet état de « l'être heureux »
est un position pratique aussi bien qu'en morale qui a très vite été combattu en philosophie notamment en raison de
la nature même du désir comme manque ou incomplétude comme on le retrouve chez Platon dans Le Banquet.
En
effet, le désir est la progéniture de Penia (la pauvreté) et d'Expédient.
Ainsi le désir est-il toujours dans cette
oscillation permanente.
Il ne peut correspondre légitimement à la définition que l'on peut attende de l'« être
heureux » ou du bonheur.
C'est pourquoi être heureux doit se comprendre chez Platon pour une ascèse, comme
peut l'être la philosophie, c'est-à-dire justement qu'une des conditions du
bonheur ou pour être heureux est justement de rejeter ou de réduire ses
désirs, notamment les désirs du corps à néant ou à une existence
insignifiante.
b) En effet, si être heureux nécessite la non-réalisation de ses désires c'est
bien comme le dit Epictète dans son Manuel, il y a incompatibilité d'essence
entre le bonheur et le désir : « Tu espères que tu seras heureux dès que tu
auras obtenu ce que tu désires.
Tu te trompes.
Tu ne seras pas plus tôt en
possession, que tu auras mêmes inquiétudes, mêmes chagrins, mêmes
dégoûts, mêmes craintes, mêmes désirs.
» L'essentiel est donc de voir que le
désir est sans cesse en renouvellement.
Le désir est ce mouvement qui me
porte vers un objet que j'imagine source de satisfaction.
Désir de fortune, de
santé, etc.
Le cycle du désir éternellement recommencé représente mon
expérience quotidienne.
Il ne peut donc pas être la source de notre bonheur
puisque le bonheur est un état de plénitude, donc de repos.
c) Cette leçon du platonisme on la retrouve exacerbée chez Schopenhauer
notamment dans son Fondement de la morale mais aussi dans Le monde
comme volonté et comme représentation.
La vie, ou le vouloir est une
souffrance dont le désir est une composante, l'un des maux les plus terribles :
il se renouvelle sans cesse.
Nous ne pouvons pas être heureux même si nous
arrivions à satisfaire la totalité de nos désirs parce que la nature du désir est
justement de se reproduire indéfiniment : (livre IV, §58).
« A peine satisfait,
un désir est remplacé par un autre, qui demande à son tour à être satisfait.
Seuls peuvent échapper à ce cycle
désespérant les êtres d'exception dont l'intelligence pure l'emporte sur la volonté.
» Entre les désirs et leur
réalisations s'écoule toute la vie humaine.
Le désir est souffrance : sa satisfaction engendre bien vite la satiété.
Son but est illusoire ; la possession lui enlève son attrait.
Le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le
besoin ; sinon c'est le dégoût, le vide, l'ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin.
« Tout vouloir procède d'un
besoin, c'est-à-dire d'une privation, c'est-à-dire d'une souffrance.
La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui
est satisfait, dix au moins sont contrariés.
» Ces exigences tendent à l'infini.
Le désir satisfait fait place à un
nouveau désir.
C'est pourquoi Schopenhauer en parlant de l'homme désirant utilisera la métaphore de l'aumône au
mendiant.
Satisfaire un désir c'est comme donner l'aumône à un pauvre, c'est-à-dire lui permettre de survivre.
»
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