Saint Thomas d'Aquin
Extrait du document
«
L'homme est libre: sans quoi conseils, exhortations, préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains.
Pour mettre en évidence cette liberté, on doit remarquer que certains êtres agissent sans discernement, comme la
pierre qui tombe, et il en est ainsi de tous les êtres privés du pouvoir de connaître.
D'autres, comme les animaux,
agissent par un discernement, mais qui n'est pas libre.
En voyant le loup, la brebis juge bon de fuir, mais par un
discernement naturel et non libre, car ce discernement est l'expression d'un instinct naturel (...).
Il en va de même pour
tout discernement chez les animaux.
Mais l'homme agit par jugement, car c'est par le pouvoir de connaître qu'il estime devoir fuir ou poursuivre une chose.
Et comme un tel jugement n'est pas l'effet d'un instinct naturel, mais un acte qui procède de la raison, l'homme agit par
un jugement libre qui le rend capable de diversifier son action.
Thème: La liberté.
Objectif de l'auteur: Démontrer que l'homme est libre.
Thèse: La possibilité d'envisager une diversité d'actions prouve la liberté de l'homme.
Une démarche possible:
Ce texte débute par une affirmation: "L'homme est libre", suivie de son argument: "dans quoi conseils, exhortations seraient
vains".
La liberté est donc présentée comme la condition nécessaire pour que soient utiles conseils, exhortations, préceptes,
interdictions, récompenses et châtiments.
On peut reconstituer l'argument sous forme de syllogisme: pour que conseils,
exhortations, etc.., soient utiles, il faut que l'homme soit libre; or ils sont utiles; donc l'homme est libre.
Sur quoi se fonde une
telle démonstration ? Sur un constat d'expérience: de fait il y a dans les relations entre individus et plus largement dans la
vie sociale échange de conseils, lorsqu'il s'agit de décider telle ou telle action, exhortation, lorsqu'on conforte quelqu'un dans
ses choix, règles et interdits, pour prévenir tout acte qui nuirait à autrui, récompense et châtiments pour sanctionner les
mérites.
Il faut encore montrer rationnellement comment relient l'affirmation et l'argument.
C'est l'objet de la seconde partie du texte,
et l'objectif de l'auteur lorsqu'il "veut mettre en évidence cette liberté".
Pour ce faire, il distingue 3 types d'actions
correspondant à 3 types d'êtres.
les premiers sont des êtres privés du "pouvoir de connaître", ils sont donc "sans
discernement", cad sans savoir l'action qu'ils font.
L'exemple présenté est celui de la pierre qui tombe.
Effectivement, la pierre
est soumise aux conditions et aux lois physiques, son action est totalement déterminé.
Les deuxièmes sont doués de discernement, cad de jugement et d'un pouvoir de connaître.
Mais leur discernement est non
libre en ce sens que leur jugement est "l'expression d'un instinct naturel".
L'instinct désigne la capacité de s'adapter à une
situation, capacité inscrite dans la nature de l'être et fonctionnant mécaniquement.
L'exemple donné par l'auteur est celui de
la brebis qui fuit devant le loup.
sa réaction suppose jugement: elle "juge bon de fuir", mais un jugement et un discernement
non libres.
En généralisant, on peut dire qu'il en est de même de tous les animaux.
En fin les troisièmes sont les hommes.
La présentation en est faite selon une progression remarquable.
D'abord l'homme agit
par jugement parce qu'il est doué du "pouvoir de connaître".
A ce point on peut l'assimiler au genre animal.
Puis l'auteur
introduit la "différence spécifique", le caractère par lequel l'espèce humaine se différencie du genre animal.
Le jugement de
l'homme n'est pas l' "effet de l'instinct naturel", mais "un acte qui procède de la raison".
La distinction entre "effet" et "acte"
mérite d'être soulignée.
Un "effet" est la suite mécanique d'une cause; la cause étant ici une manifestation des lois
naturelles, celles du comportement instinctif.
L'être qui agit par "effet" reste passif dans l'opération de connaissance.
Au
contraire, un "acte" est posé par un sujet acteur, actif, qui a l'initiative, capable de décider et de s'engager, ce dernier
caractère étant compris dans le mot "raisin".
Conséquence de ce caractère propre à l'homme: son jugement est libre, cad
non dicté mécaniquement par sa nature animale.
Ainsi, devant une situation, l'homme est capable d'envisager plusieurs
décisions possibles, de varier ses réactions selon un jugement raisonnable et libre.
.../...
Le texte étant étudié dans son organisation logique et les idées étant expliquées, montrer enfin ce qui en fait l'unité.
La
difficulté de ce texte, semble-t-il, réside en ce point.
En effet, quel rapport y a-t-il entre la conclusion : la capacité de
diversifier son action, et le début du texte, c'est-à-dire ce que l'on a présenté comme l'argument.
A quoi serviraient les
conseils et les encouragements, si l'homme n'était pas capable d'hésiter entre des choix différents'? A quoi serviraient les
préceptes et les interdits si l'homme n'était pas capable d'envisager d'autres actions que celles qui sont prescrites ou
interdites ? Quel sens aurait une sanction, positive ou négative, si l'homme n'était pas capable de choisir, entre plusieurs
actions possibles, la meilleure ou la pire ? Le lien entre l'affirmation de la liberté de l'homme et l'argument, l'utilité des
conseils, préceptes et sanctions, étant établi, le texte
est compris.
Mettre en lumière ce qui est original dans l'argumentation de l'auteur.
Ce qui est séduisant dans ce texte, c'est que
l'argument est emprunté à l'expérience courante.
Qui n'a pas reçu ou donné de conseils, qui n'a pas conscience des lois, qui
n'a pas été sanctionné ?
Poser quelques questions critiques.
Pourtant suffit-il d'analyser les conditions qui rendent efficaces conseils, lois et sanctions,
pour affirmer la liberté ? Ces conditions se résument dans la possibilité qu'a l'homme, contrairement à l'animal, de concevoir
plusieurs possibilités d'agir.
Ceci relève de son intelligence, cela manifeste-t-il sa liberté de choisir indépendamment de toute
contrainte ou pression ? Au fond l'argument ne fonctionne-t-il pas sur le principe du finalisme, qui pourrait se traduire ainsi :
pourquoi la nature aurait-elle doué l'homme d'intelligence, si ce n'était pour qu'il puisse choisir ? On se trouve donc devant
une conception ou la nature crée en vue d'une fin.
Ceci est au principe de la démonstration, c'était à déceler et c'est à
interroger..
»
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