SAINT AUGUSTIN ET DIEU
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Commentaire de texte (saint Augustin)
Ce texte de saint Augustin mélange, comme cela arrive fréquemment chez l'auteur, confession et réflexions
philosophiques.
Carthage, la ville dont il nous parle ici est dotée dans son oeuvre de toute une valeur symbolique.
C'est avant tout l'endroit où il fera ses études, certes, avant de prendre poste auprès de Romanius.
Mais c'est
surtout comme non-chrétien qu'il habitera cette ville puisqu'il n'est pas, alors, encore converti au christinianisme (il
ne le fera qu'à une trentaine d'années).
C'est ainsi qu'il mènera au coeur de cette « chaudière des honteuses
amours » une vie de païen où son dévouement entier au Christ ne s'est pas encore dévoilé.
Il se perd alors alors
dans ce que les théologiens et philosophes chrétiens thématiseront sous le nom de seconde nature, celle-là même
qui frappa l'homme après le péché originel d'Adam.
En effet pour saint Augustin, c'est l'humanité entière qui a péché
à travers le geste adamique: d'où sa nature actuelle, une nature déchue, où l'amour de Dieu s'est déportée sur
l'homme lui-même.
Dans cet état où vie l'homme, au lieu que l'amour soit amour infini de Dieu (amour existant avant
le péché, amour de Dieu), il est devenu amour infini de soi (amour propre).
Mais comment caractériser en propre cet
amour premièrement, ce rapport au sensible deuxièmement, et en fin les implications qui en découlent, voilà ce que
propose ce texte, afin de nous mener progressivement à une caractérisation de la vie de pécheur, cette vie avant
tout insatisfaite et malheureuse où l'homme demeure perdu, loin de l'unité et du calme que procure la foi et une
raison bien orientée.
I.
L'homme: une créature qui aime aimer
Avant d'être un être qui aime, l'homme se caractérise par cette posture réflexive et érotique: il aime aimer, il se plaît
à aimer, ressent en lui ce besoin profond d'être entraîner par ce mouvement dynamique.
Mais le fait est que ce
mouvement a deux visages.
Le premier est celui qui nous perd dans l'éparpillement chaotique du réel sensible, tandis
que l'autre nous permet de tendre vers l'unité divine: et à ce dernier mouvement qui est un appétit naturel de l'âme
alors entraînée vers Dieu, il aisé de comprendre qu'Augustin préféra à cet époque l'amour sensible, pur appétit
corporel.
Enchaîné au sensible, esclave de ses désirs concupiscents, il ne jouit alors que de la chair et de l'avoir.
Il
est loin de sa conception de la sagesse comme détachement du monde sensible et de ses intérêts.
Il faut saisir ici l'influence platonicienne, et plus exactement plotinienne, qui s'exerce sur ce texte.
Du premier,
Augustin reprend la distinction entre monde sensible, en proie à la corruption, et monde intelligible où résident les
vérités immuables.
Le corps (soma) est alors un tombeau (sèma) qui maintient dans sa gravité et ses appétits
(épithumia) l'âme ou ce fragment d'éternité présent en l'homme.
L'âme reste cet appel en nous vers un autre
monde, spirituel cette fois, et l'homme ne se réalise parfaitement qu'en accordant une place première à cette partie
de sa nature.
C'est ce qu'Aristote nommera l'entéléchie, où le fait de réaliser pleinement son être.
Celui qui ne
réalise que les appétits de son corps se trompe puisqu'il n'accorde pas d'importance à ce qui caractérise l'homme en
propre: la raison.
Réaliser cette raison, soit cette partie essentielle de l'âme, c'est réaliser sa véritable nature,
l'essence humaine (ce qui est alors entéléchique).
De Plotin, Augustin va reprendre l'idée d'un fil d'Ariane dans la
chaîne des êtres qui mènent de la pluralité à l'unité.
En effet, l'ontologie plotinienne se figure l'univers comme une
chaîne, avec d'un côté le néant (absence d'être), et de l'autre le principe-Un (plein être) qui coïncide avec le Bien.
L'idée de Plotin, c'est en somme qu'il y a tout un dégradé du néant à ce principe-Un au cours duquel les êtres
tendent de plus en plus à l'unité dont ils préfigurent l'apparition.
Cette thèse plotinienne nous permet de comprendre l'amour comme un besoin et à la fois un élan en l'âme vers
cette unité qu'est le Dieu chrétien.
Lorsque Augustin nous dit qu'il n'aimait pas mais qu'il aimait l'amour, il insiste sur
le sentiment de cette disposition en lui au monde intelligible, véritable qui n'est autre alors que l'esprit de Dieu.
En
effet, le monde intelligible de Platon où résident les essences immuables et éternelles devient pour le christianisme
l'entendement divin comme espace véritable et incorruptible.
Augustin sent cette faim qui l'anime, qui brûle en lui,
mais celle-ci coïncide alors avec des appétits bassement corporels.
A contrario, la faim des « aliments
incorruptibles » est précisément une fin qui coïncide avec la raison, cet oeil noétique (oeil de l'âme ou de l'esprit)
qui nécessite de se purifier des choses sensibles pour devenir pleinement cette aspiration à l'unité et au repos de la
vérité immuable.
L'indigence, où l'évacuation du superflu, de ce qui est sensible et ne répond qu'à ce type d'appétit,
est précisément un exercice par lequel se purifie cet amour.
Au lieu d'être alors amour propre, vaniteux qui ne pense
qu'à satisfaire le corps, il faut répondre à cet élément qui nous distingue des animaux, qui fait que nous sommes plus
que des chiens, et nous permet de tendre vers l'unité divine: la raison qui ouvre enfin les portes de l'amour de Dieu.
Mais cette raison suffit-elle?
II.
L'océan du sensible
Les hommes, selon saint Augustin (dans Vie Bienheureuse), sont sur un océan déchaîné, chaotique, et c'est dans
leur recherche de vérité qu'ils trouvent le port de la philosophie, où l'amarre tant attendu génére enfin un peu de
calme.
Or la philosophie se caractérise en propre par l'usage du logos, de la raison.
Mais cette dernière comme nous
allons le voir ne suffira pas pour Augustin.
Quoiqu'il en soit, remarquons d'hors et déjà l'opposition entre d'une part
raison et foi et de l'autre le sensible.
Le sensible c'est ce que la doctrine augustinienne tend à éviter avant tout.
C'est lui-même qui rend l'âme malade, qui la fascine et l'entraîne dans le vertige infini du désir corporel.
Quelle
différence entre le plaisir et le bien? Le premier est sans fin et surtout ne se suffit pas à lui-même.
A peine ai-je
accompli un désir, que déjà il me renvoie dans une course effrénée à un autre désir, tel une démangeaison qui.
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