Sagesse et folie sont - elles réellement incompatibles ?
Extrait du document
«
introduction
« Parmi nos biens, les plus grands sont ceux qui nous viennent par l'intermédiaire d'une folie (mania) », affirme
Socrate (cf.
Platon, Phèdre, 244a).
Ainsi le père de la philosophie, conçue comme une sagesse fondée sur une
réflexion rationnelle, se fait-il paradoxalement l'apologiste de la folie, qui est déraison.
La sagesse et la folie
seraient-elles donc compatibles ? Pouvons-nous admettre que la folie soit une forme de sagesse ou du moins une
voie qui nous permette d'atteindre à la sagesse en nous instruisant ?
Première partie : Le délire comme voie de la connaissance
a) Pour Platon, la folie ne peut être bénéfique que dans la mesure où elle est un don divin, où elle marque une
communication de l'âme avec ce divin, laquelle n'a lieu que dans quatre sortes de « délires » : le délire prophétique
(inspiré par Apollon), le délire mystique (inspiré par Dionysos), le délire poétique (inspiré par les muses) et le délire
amoureux (inspiré par Aphrodite et Éros).
Ces délires apparaissent comme des extases religieuses, chamaniques, poétiques, amoureuses, dans lesquelles
l'âme, faisant l'économie de la raison, intuitionne immédiatement son objet, avec lequel elle s'unit.
De tels délires
n'ont donc, selon Platon, rien de commun avec la déraison des pulsions instinctives, des passions vulgaires, non plus
qu'avec la déraison provoquée par l'absence d'exercice de la raison, qui est la déraison de l'opinion, ou par son
exercice aberrant, ainsi que chez les sophistes.
De telles folies ne font qu'enchaîner plus fortement les hommes dans
la caverne du monde des apparences.
Les délires divins, au contraire, constituent un ravissement par lequel les
hommes sont arrachés de leurs chaînes, par lequel l'âme s'affranchit du corps et s'élève jusqu'au séjour des dieux,
qui est le monde intelligible.
En ce sens la folie est une voie de la connaissance et conduit à la sagesse.
b) L'intérêt de la doctrine platonicienne des quatre délires, qui sera développée à la Renaissance par M.
Ficin, puis
par G.
Bruno (cf.
Des fureurs héroïques), est de mettre en avant les domaines où ne pénètre pas la raison discursive
de la science et qui sont ainsi le royaume d'une « déraison » qui n'est pas le contraire de la raison, qui ne s'oppose
pas à elle, mais qui ne doit pas interférer avec elle.
Cette « déraison » se donne comme un autre mode de penser,
essentiellement intuitif et sympathique, propre au monde du sentiment (cf.
Pascal : « Le coeur a ses raisons que la
raison ne connaît pas »), de l'imaginaire poétique, voire de 1' « imaginai » de la théosophie mystique visionnaire qui,
selon la définition d'H.
Corbin, « n'est plus le monde empirique de la perception sensible, tout en n'étant pas encore
le monde de l'intuition intellective des purs intelligibles ».
Deuxième partie : Nietzsche et la déraison comme retour à la Vérité originaire
Pour Nietzsche, il y a une nécessité de l'illogique et de la déraison car « même
l'être le plus raisonnable a de temps en temps besoin de retrouver la nature,
c'est-à-dire le fond illogique de sa relation avec toutes choses ».
(Humain,
trop humain).
Si Platon reconnaissait la valeur du délire dionysiaque, c'était comme voie
extatique vers le monde intelligible.
En renversant tout idéalisme, en excluant
de l'Être tout ordre immuable, en substituant au logos un chaos qui désigne
les flux permanents dont se tisse le monde, Nietzsche en appelle lui aussi à
une déraison, à un délire dionysiaque, qui n'est plus cependant échappée hors
du monde, mais plongée dans le Devenir du monde.
La raison, selon
Nietzsche, s'élève contre l'Être, qui est le jeu de l'enfant Dionysos.
Elle
appartient au monde apollinien de l'apparence, au monde de l'art par lequel
l'homme se protège contre la vie et le devenir de peur de mourir de la Vérité.
C'est dans l'ivresse et la danse de la déraison que l'homme pourra se placer
par-delà vrai et faux, par-delà bien et mal, et, se surmontant lui-même,
s'immerger dans le grand jeu cosmique, ce qui est la vraie « sagesse »..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Sagesse et folie sont-elles réellement incompatibles ?
- Folie et raison sont-elles philosophiquement incompatibles?
- « C’est la folie qui détient la vérité de la psychologie » MICHEL FOUCAULT
- Foi et raison sont-elles incompatibles?
- LA SAGESSE MORALE selon EPICTÈTE