S. FREUD: la science est un domaine de l'activité intellectuelle humaine
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"Il est inadmissible de dire que la science est un domaine de l'activité intellectuelle humaine, que la religion
et la philosophie en sont d'autres, de valeur au moins égale, et que la science n'a pas à intervenir dans les
deux autres, qu'elles ont toutes la même prétention à la vérité, et que chaque être humain est libre de
choisir d'où il veut tirer ses convictions et où il veut placer sa foi.
Une telle conception passe pour
particulièrement distinguée, tolérante, compréhensive et libre de préjugés étroits.
Malheureusement, elle
n'est pas soutenable, elle participe à tous les traits nocifs d'une Weltanschauung absolument non
scientifique et lui équivaut pratiquement.
Il est évident que la vérité ne peut être tolérante, qu'elle n'admet
ni compromis ni restriction, que la recherche considère tous les domaines de l'activité humaine comme les
siens propres et qu'il lui faut devenir inexorablement critique lorsqu'une autre puissance veut en confisquer
une part pour elle-même." FREUD
Parties du programme abordées :
— La vérité.
— La formation des concepts scientifiques.
— Anthropologie.
Métaphysique.
Philosophie.
Analyse du sujet : Un texte qui combat une opinion : la dignité égale des démarches philosophique, religieuse et
scientifique pour parvenir à la vérité ; et en affirme une autre : seule la science possède une telle possibilité.
C'est
donc la démarche même du positivisme qui est ici évoquée.
Conseils pratiques : Examinez avec soin la façon dont Freud analyse la thèse qu'il combat.
Réfléchissez aux
conséquences de l'affirmation: "La vérité ne peut pas être tolérante".
[Introduction]
Freud a volontiers comparé le caractère révolutionnaire de sa théorie psychanalytique aux apports qui furent ceux de
Galilée et de Darwin dans la conception que l'homme a de lui-même : de son point de vue, la psychanalyse constitue
une avancée scientifique considérable.
Comme elle a bousculé bon nombre d'idées ou de thèses antérieurement
admises, il n'est pas surprenant de le voir ici parler, de manière générale, de ce que doit être la position de la science
relativement aux autres domaines intellectuels.
Pour Freud, il n'est pas question d'admettre une complémentarité entre
religion, philosophie et science : cette dernière doit au contraire sévèrement critiquer les deux autres discours, dès
que les trois peuvent entrer en concurrence.
[I.
Critique de la tolérance]
On admet volontiers que la science, la religion et la philosophie constituent trois secteurs de l'activité intellectuelle qui
peuvent vivre dans une certaine cohabitation.
Quelques esprits éminents donnent d'ailleurs des exemples historiques
de cette cohabitation, et peuvent encourager à penser qu'elle.
devrait se poursuivre : Descartes n'est-il pas aussi bien
scientifique que philosophe, et ne croit-il pas en Dieu ? Il en va de même pour Leibniz et pour quelques autres,
d'accord pour considérer que chaque domaine accède à certaines formes de vérité et présente une valeur propre, leur
hiérarchisation ne paraissant pas dès lors justifiée.
Une telle conception est « inadmissible » pour Freud, qui ne se prive pas d'ironiser à son propos : ne passe-t-elle pas
pour «particulièrement distinguée, tolérante, compréhensive et libre de préjugés étroits » ? Admettre cette possibilité
de coexistence serait ainsi jouer les âmes nobles et se donner un rôle avantageux.
La virulence dont Freud fait preuve
peut s'expliquer, au moins en partie, par le fait que la science ayant elle-même progressé depuis Descartes ou Leibniz,
ses relations avec la religion ou la philosophie ne peuvent que se modifier : tout doit désormais être mis en oeuvre pour
que les avancées scientifiques puissent se faire sans rencontrer d'obstacles ou de freins.
Sur ce point, l'expérience personnelle de Freud n'est peut-être pas à négliger : il sait que ses théories ne sont admises
que comme des interprétations laissant ouverte la possibilité de philosopher sur des domaines qu'il a explorés.
Quant à
son explication de la religion (qui serait la quête névrotique d'une image paternelle et toute-puissante permettant
d'affronter les difficultés de la vie), elle n'empêche pas grand monde de continuer à croire en Dieu...
On peut donc
constater que « chaque être humain [reste] libre de choisir d'où il veut tirer ses convictions et où il veut placer sa foi
».
Mais Freud ne le constate pas seulement : il le déplore.
[II.
La science comme vision du monde]
Là où l'on se contente de désigner une vision du monde « tolérante », Freud dénonce une vision du monde «
absolument non scientifique », et particulièrement nocive.
On devrait donc admettre que le développement de la
science est désormais tel qu'il rend impossible toute vision du monde qui ne lui serait pas ordonnée.
Il y a ainsi un choix
radical à effectuer : ou bien on prend le parti de tout traiter scientifiquement – ce qui doit éliminer les considérations
philosophiques aussi bien que les croyances religieuses –, ou bien on prétend faire coexister les trois points de vue – et
cela équivaut à combattre la science elle-même.
Dans ce dernier cas, en effet, on considère que les vérités scientifiques ne sont pas exclusives, et qu'il peut exister
d'autres modes de vérité.
Ce à quoi Freud objecte que la vérité est unique – elle ne peut donc être tolérante, ni
admettre de compromis ou de restriction.
Une découverte scientifique devrait en quelque sorte supprimer toute
possibilité d'intervention pour la philosophie ou la religion sur le domaine qu'elle concerne.
Puisque, malgré tout, il se.
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