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RUSSELL

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Il semble assez évident que, s'il n'y avait pas de croyance, il ne pourrait y avoir rien de faux ni rien de vrai, dans le sens où le vrai est un corrélatif du faux. Si nous imaginons un monde uniquement matériel, il n'y aurait là aucune place pour le faux et bien qu'il dût contenir ce qu'on peut appeler « des faits », il ne contiendrait pas de vérités dans le sens où le vrai est une entité du même ordre que le faux. En réalité, le vrai et le faux sont des propriétés que possèdent les croyances et les affirmations ; par conséquent, dans un monde purement matériel qui ne contiendrait ni croyances, ni affirmations, il n'y aurait place, ni pour le vrai, ni pour le faux. Mais, comme nous venons de le remarquer, on peut observer que la conformité ou la non-conformité d'une croyance à la vérité dépend toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même. Si je crois que Charles 1er d'Angleterre est mort sur l'échafaud, je crois à quelque chose de vrai, non par suite d'une qualité intrinsèque de ma croyance, qualité qui pourrait être découverte simplement en analysant ma croyance, mais à cause d'un événement historique qui s'est passé il y a plus de trois siècles. Si je crois que Charles 1er est mort dans son lit, l'objet de ma croyance est faux ; la force d'une telle croyance ou le soin pris pour la former ne peuvent empêcher l'objet d'être faux, encore une fois à cause de ce qui s'est passé en 1649 et non à cause d'une qualité intrinsèque de ma croyance. Ainsi, bien que la vérité ou la fausseté soient des propriétés de la croyance, ces propriétés dépendent des rapports existant entre les croyances et les autres choses et non d'une qualité intérieure des croyances. RUSSELL

« Il semble assez évident que, s'il n'y avait pas de croyance, il ne pourrait y avoir rien de faux ni rien de vrai, dans le sens où le vrai est un corrélatif du faux.

Si nous imaginons un monde uniquement matériel, il n'y aurait là aucune place pour le faux et bien qu'il dût contenir ce qu'on peut appeler « des faits », il ne contiendrait pas de vérités dans le sens où le vrai est une entité du même ordre que le faux.

En réalité, le vrai et le faux sont des propriétés que possèdent les croyances et les affirmations ; par conséquent, dans un monde purement matériel qui ne contiendrait ni croyances, ni affirmations, il n'y aurait place, ni pour le vrai, ni pour le faux. Mais, comme nous venons de le remarquer, on peut observer que la conformité ou la non-conformité d'une croyance à la vérité dépend toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même.

Si je crois que Charles ler d'Angleterre est mort sur l'échafaud, je crois à quelque chose de vrai, non par suite d'une qualité intrinsèque de ma croyance, qualité qui pourrait être découverte simplement en analysant ma croyance, mais à cause d'un événement historique qui s'est passé il y a plus de trois siècles.

Si je crois que Charles ler est mort dans son lit, l'objet de ma croyance est faux ; la force d'une telle croyance ou le soin pris pour la former ne peuvent empêcher l'objet d'être faux, encore une fois à cause de ce qui s'est passé en 1649 et non à cause d'une qualité intrinsèque de ma croyance.

Ainsi, bien que la vérité ou la fausseté soient des propriétés de la croyance, ces propriétés dépendent des rapports existant entre les croyances et les autres choses et non d'une qualité intérieure des croyances. [Introduction] En toute sincérité, une personne peut énoncer une proposition fausse : sa bonne foi ne saurait être mise en cause. Mais son erreur provient de la non-correspondance entre ce qu'elle formule et les faits auxquels se réfère sa proposition.

Lorsqu'on confond les concepts de vérité et de réalité, on sous-entend que la vérité est une qualité du monde lui-même, que l'esprit n'aurait qu'à reproduire.

Mais en lui-même, le monde n'est ni vrai ni faux : il est simplement là.

C'est pourquoi la vérité ou la fausseté d'un jugement en désignant un aspect ne vient ni de lui, ni de l'adhésion de l'esprit à son propre jugement, que Russell nomme « croyance » : dans chaque cas, c'est le rapport entre la croyance et les faits qui lui sont extérieurs qui doit être examiné. [I.

Le monde n'est ni vrai ni faux] Russell propose dans le premier paragraphe de son texte une hypothèse qui peut paraître déroutante, tant nous sommes accoutumés à nous concevoir comme présents dans le monde : imaginons un « monde purement matériel », c'est-à-dire démuni de tout esprit capable de le considérer et d'en parler.

Un tel monde ne serait constitué que de faits bruts et muets, et il ne posséderait en lui-même aucune vérité. Cela doit d'abord nous rappeler que la vérité n'est pas une qualité de l'existence en elle-même.

Des faits, constitutifs de la «réalité », ne peuvent être qualifiés, dans leur seule présence, de « vrais ».

Pour que cet adjectif apparaisse, il faut l'intervention d'un jugement, formulé par un esprit extérieur aux faits et qui les considère comme « objets » de son discours. L'absence de vérité qui caractériserait ainsi un monde strictement fait de matière s'accompagnerait nécessairement de l'absence complémentaire de fausseté.

On dit volontiers que le vrai et le faux sont contradictoires, mais Russell rappelle que, plus fondamentalement, ils sont « complémentaires », au sens où l'un ne va pas sans l'autre : on ne peut concevoir l'un indépendamment de l'autre, parce que, dit l'auteur, ce sont des entités « du même ordre ».

Vrai et faux appartiennent donc à un domaine unique, et ce dernier n'est pas le monde des faits ou des événements : pour qu'il apparaisse, il est nécessaire qu'existent des « croyances » et des « affirmations », c'est-à-dire des propositions ou des jugements qui ont pour origine un esprit, une pensée.

C'est donc l'esprit humain qui fait naître le faux et le vrai. [II.

D'où vient la qualité des croyances ?] Pourquoi une croyance est-elle ou non conforme à la vérité ? On pourrait admettre qu'elle est vraie ou fausse en raison de ses qualités internes.

Par exemple, si une proposition est formée avec soin, si de plus elle emporte pleinement l'adhésion de celui qui la formule, cela suffit-il pour garantir sa vérité ? La réponse de Russell est sans ambiguïté : le vrai et le faux dépendent « toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même ».

La conséquence s'impose : ce n'est pas par son analyse interne que je pourrai savoir si ma croyance est vraie ou fausse.

Pour le démontrer, Bertrand Russell recourt à un exemple emprunté à l'histoire, ce qui est à nouveau assez surprenant : il pourrait paraître plus simple de s'appuyer sur une proposition concernant un fait actuel.

C'est que, sans doute, le fait historique et le fait actuel ne sont pas tellement différents pour l'auteur, dès lors qu'il s'intéresse uniquement à la relation qu'une croyance peut avoir avec l'un ou avec l'autre. Si je dis « Charles 1er d'Angleterre est mort sur l'échafaud », ma croyance est vraie.

Mais cette vérité ne peut être découverte par la seule analyse des composants de ma croyance.

Que produit une telle analyse ? Deux « faits » possibles : 1.

il a existé un roi anglais nommé Charles 1er ; 2.

ce roi a été décapité.

Si l'on en reste là, la vérité demeure indécidable, car les deux « faits » en question peuvent indifféremment être imaginaires (ma proposition pourrait être le résumé d'une pièce de théâtre, ou d'un récit) ou correspondre à des « faits » qui ont bien existé dans l'histoire. La situation est exactement semblable si j'affirme que « Charles P' est mort dans son lit » : l'analyse interne de la phrase ne révèle ni son erreur, ni sa vérité.

En d'autres termes, la différence de valeur entre les deux propositions contraires ne peut apparaître que si l'on établit une relation entre les croyances qu'elles énoncent et ce qui s'est «vraiment» passé il y a trois siècles et demi : dans le premier cas, la croyance est en correspondance avec l'événement historique, dans le second non.

Pourtant, je pouvais pleinement adhérer à la seconde (si j'ignore l'histoire. »

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