ROUSSEAU: la pitié est un sentiment naturel
Extrait du document
«
Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans
chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation
mutuelle de toute l'espèce.
C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de
ceux que nous voyons souffrir; c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de
lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à
sa douce voix; c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un
faible enfant ou à un vieillard infirme sa subsistance acquise avec peine, si luimême espère pouvoir trouver la sienne ailleurs; c'est elle qui, au lieu de cette
maxime sublime de justice raisonnée : "Fais à autrui comme tu veux qu'on te
fasse", inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien
moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : "Fais ton bien avec
le moindre mal d'autrui qu'il est possible."
Parties du programme abordées :
- Autrui.
- Nature et culture.
- La société.
Analyse du sujet : La Nature elle-même nous a dotés d'un sentiment, la piété, permettant la survie de l'espèce.
La
morale naturelle qui en découle est peut-être moins parfaite éthiquement, mais sans doute plus efficace que les
morales forgées par la culture.
Conseils pratiques : Analysez bien les concepts présentés, en particulier celui de nature.
Montrez bien que là où la culture vise à une justice raisonnée, la nature parvient d'elle-même à un équilibre «plus
utile peut-être».
Bibliographie :
Hegel, Principes de la philosophie du Droit, Gallimard.
Rousseau : Discours sur l'originede l'inégalité, GarnierFlammarion.
Difficulté du sujet : *
Nature du sujet : Classique.
MODELE.
Dans ce texte, Rousseau fait l'apologie de la pitié.
1) La pitié est définie tout d'abord comme le sentiment naturel.
2) Puis, la pitié est décrite en ses différentes fonctions.
3) Rousseau indique la supériorité de la maxime qu'elle inspire.
4) Il ait de cette maxime le fondement de la morale.
1) Dans la forme d'une argumentation qui s'achève (« donc ») Rousseau affirme que « la pitié est un sentiment
naturel ».
On sait que Rousseau opposera constamment ce qui est de l'ordre de la nature et ce qui est de l'ordre de
la société (du social, ou du civil).
Cette succession historique (supposée) a son équivalent à l'intérieur de l'homme.
Il y a en lui ce qui est de l'ordre de
la nature (inné) et ce qui a sa source dans la société (l'acquis).
Rousseau estime que ce qui est de l'ordre du
sentiment (la pitié) est déjà là, en l'homme, au niveau de l'homme naturel, et donc premier (et par là même
antérieur) à la raison qui, elle, est seconde (et par là même postérieure), de l'ordre de l'homme civilisé.
Ainsi, Rousseau, au niveau de l'homme « naturel », distingue-t-il un sentiment égoïste (« l'amour de soi ») et un
sentiment altruiste (« la pitié »).
Il les comprend comme antagonistes, et s'équilibrant l'un l'autre (« la pitié […]
modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même »).
Sans que Rousseau soit très explicite sur ce point, on peut imaginer que l'amour de soi conduit l'homme au repli et
l'éloigne de ses semblables (à moins que l'amour de soi ne le conduise à vouloir imposer sa volonté par la force).
Au
contraire, la pitié nous ouvre vers autrui et conduit à nous rapprocher des autres hommes, nos semblables, nos
frères.
Chacun, éprouvant de la pitié pour l'autre, est enclin à le protéger et à lui porter secours.
Ainsi, la pitié
concourt-elle « à la conservation mutuelle de l'espèce ».
2) Aussi Rousseau se livre-t-il à une célébration de la pitié, en décrivant ses différentes fonctions.
Plus exactement,
il croise les descriptions concrètes avec les fonctions abstraites.
Ainsi la pitié est reliée à la souffrance (« c'est elle
qui nous porte [..] au secours de ceux que nous voyons souffrir ») ou bien elle est pensée comme frein à l'injustice
(« c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant […] sa subsistance acquise avec peine
»).
Mais, à chaque fois, une fonction de la pitié est indiquée : à la suite de la souffrance, Rousseau montre que la pitié
joue dans l'état de nature le même rôle que la loi joue dans l'état de société (« la pitié tient lieu de lois, de mœurs,
et de vertu »).
De même, à la suite de l'injustice, Rousseau montre que la pitié débouche sur une maxime valable
dans l'état de nature (« une maxime de bonté naturelle ») autrement plus efficace que la maxime qui a cours dans
l'état de société..
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