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Rousseau: La nature comme maître

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Les enfants, grands imitateurs, essayent de tout dessiner : je voudrais que le mien cultivât cet art, non précisément pour l'art même, mais pour se rendre l'œil juste et la main flexible ; et, en général, il importe fort peu qu'il sache tel ou tel exercice, pourvu qu'il acquière la perspicacité du sens et la bonne habitude du corps qu'on gagne par cet exercice. Je me garderai donc bien de lui donner un maître à dessiner, qui ne lui donnerait à imiter que des imitations, et ne le ferait dessiner que sur des dessins : je veux qu'il n'ait d'autre maître que la nature, ni d'autres modèles que les objets. Je veux qu'il ait sous les yeux l'original même et non pas le papier qui le représente, qu'il crayonne une maison sur une maison, un arbre sur un arbre, un homme sur un homme, afin qu'il s'accoutume à bien observer les corps et leurs apparences, et non pas à prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations. Je le détournerai même de rien tracer de mémoire en l'absence des objets, jusqu'à ce que, par des observations fréquentes, leurs figures exactes s'impriment bien dans son imagination ; de peur que, substituant à la vérité des choses des figures bizarres et fantastiques, il ne perde la connaissance des proportions et le goût des beautés de la nature.

« Les enfants, grands imitateurs, essayent de tout dessiner : je voudrais que le mien cultivât cet art, non précisément pour l'art même, mais pour se rendre l'œil juste et la main flexible ; et, en général, il importe fort peu qu'il sache tel ou tel exercice, pourvu qu'il acquière la perspicacité du sens et la bonne habitude du corps qu'on gagne par cet exercice.

Je me garderai donc bien de lui donner un maître à dessiner, qui ne lui donnerait à imiter que des imitations, et ne le ferait dessiner que sur des dessins : je veux qu'il n'ait d'autre maître que la nature, ni d'autres modèles que les objets.

Je veux qu'il ait sous les yeux l'original même et non pas le papier qui le représente, qu'il crayonne une maison sur une maison, un arbre sur un arbre, un homme sur un homme, afin qu'il s'accoutume à bien observer les corps et leurs apparences, et non pas à prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations.

Je le détournerai même de rien tracer de mémoire en l'absence des objets, jusqu'à ce que, par des observations fréquentes, leurs figures exactes s'impriment bien dans son imagination ; de peur que, substituant à la vérité des choses des figures bizarres et fantastiques, il ne perde la connaissance des proportions et le goût des beautés de la nature. Rousseau 1) a) Pourquoi, selon Rousseau, les enfants doivent-ils cultiver l'art du dessin ? b) Quelles sont les étapes de son argumentation ? 2) a) Expliquez : "prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations". b) Analysez la distinction entre l'imagination dans laquelle "s'impriment" des "figures exactes" et l'imagination productrice de "figures bizarres et fantastiques". 3) Faut-il apprendre à voir ? I - LES TERMES DU SUJET Il s'agit ici pour Rousseau de montrer que l'éducation artistique de l'enfant doit se régler sur la nature. Ainsi, en matière de dessin, c'est par un travail d'observation directe des beautés naturelles que l'élève pourra progressivement se rendre maître de ce savoir-faire. II - UNE DÉMARCHE POSSIBLE 1/ a) Pourquoi, selon Rousseau, les enfants doivent-ils cultiver l'art du dessin ? Si le dessin consiste à représenter une réalité de manière conforme à celle-ci, alors il doit s'effectuer à partir du modèle original que constitue la nature plutôt que de se borner à imiter les dessins d'un maître. Ce savoir-faire qu'est le dessin doit être cultivé non pas d'abord pour lui-même mais parce qu'il permet à l'enfant d'apprendre à observer en même temps qu'il exerce l'habilité de la main. 1/ b) Les étapes de l'argumentation 1) Du début du texte jusqu'à "par cet exercice", Rousseau énonce un principe relatif à l'éducation artistique.

A travers le dessin, il s'agit non seulement d'exercer le sens de la vue (et par son entremise celui de l'observation) mais aussi de développer sa maîtrise de cet organe du corps, particulièrement souple et adaptable, qu'est la main. 2) De "Je me garderai donc [...]" jusqu'à "véritables imitations", Rousseau tire une première conséquence de ce principe : le dessin ne doit pas être une imitation au second degré (c'est-à-dire une imitation d'une première imitation, c'est-à-dire une représentation) mais doit être une imitation d'un modèle original -la nature ou un objet réel. 3) De "Je le détournerai [...]" jusqu'à "beautés de la nature", Rousseau tire une seconde conséquence du principe énoncé.

C'est la vision, l'observation qui devra guider le dessin plutôt que l'imagination, au moins le temps que celle-ci puisse mémoriser les modèles que lui offre la nature. 2/ a) Explication de l'expression "prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations Rousseau fait ici la distinction entre la mauvaise et la bonne imitation.

Tandis que la première n'est qu'un simulacre qui travestit son modèle et ne parvient pas à se dégager d'un certain conformisme (cf. "conventionnelles"), la bonne imitation est celle qui est réalisée à partir de l'original. Il y a des résonances platoniciennes dans cette condamnation de l'imitation trompeuse qui chercherait à se faire passer pour une véritable imitation.. »

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